AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de AlbertYakou


La liste des livres publiés par des chercheurs au CNRS, des universitaires ou des médecins hospitaliers, sur la crise sanitaire, économique et politique du Covid est maintenant suffisamment consistante pour que ceux qui veulent savoir et s'informer en se tenant à égal distance du matraquage des grands médias et des thèses complotistes farfelues puissent le faire. Voir les livres, par exemple, de Laurent Mucchielli, Laurent Toubiana, Vincent Pavan, Ariane Billheran, Barbara Stiegler, Martin Stieffens, etc.

Il manquait un livre écrit par un statisticien qui s'occuperait de mettre en forme la masse des chiffres publiés par l'INSEE, la DRESS, Santé Publique France, l'ATIH, etc. Pierre Chaillot, statisticien à l'INSEE, actuellement détaché au Conseil régional des pays de la Loire où il est directeur du projet Data Intelligence, l'a fait (pour nous…). Un travail compliqué, car il faut d'abord être capable d'aller chercher les bases de données officielles et ensuite de traiter ces données brutes et de les analyser. Un travail de spécialiste.

Ce livre est remarquable, mais il faut surmonter trois écueils. le premier est que Pierre Chaillot n'écrit pas très bien. Certaines de ses phrases sont grammaticalement incertaines, mal construites, jusqu'à parfois s'interroger sur le sens qu'il veut leur donner (c'est rare, mais ça arrive). Certaines parties écrites avec des co-auteurs sont meilleures à ce sujet. le second écueil est plus gênant. Il concerne les graphiques, courbes, histogrammes, etc. qui sont très petits, au point que parfois (rarement) je ne suis pas parvenu à lire ce qui était en abscisse et en ordonnée. Comme c'est le sel de l'argumentaire, avec plus de 150 figures, c'est embêtant. Enfin, troisième écueil, ces mêmes figures sont en noir et blanc, en niveaux de gris plus précisément (c'est-à-dire de la couleur tirée en noir et blanc). Or, Pierre Chaillot nous les décrit comme si elles étaient toujours en couleur. La courbe bleue, la courbe rouge, jaune, etc. Et, en niveaux de gris, c'est dur, très dur parfois de distinguer du bleu du jaune etc. C'est de loin le défaut le plus gênant. Problème d'économie effectué par l'éditeur, que l'on comprend. Bien sûr, tous ces diagrammes, figures et autres, se trouvent sur la chaine you-tube de l'auteur, mais quand on lit un livre, on ne pianote pas en même temps l'ordinateur à la recherche de la bonne émission et des bons schémas.

On ne résume pas un livre aussi dense (460 pages) de manière exhaustive. Il faut faire des choix. J'en fais. D'abord, la question de la surmortalité en 2020 liée au Covid dont on nous a bassiné ad nauseam avec des chiffres apocalyptiques. En France, si on regarde la mortalité depuis l'année 1945, on constate que l'on a une stabilité assez remarquable du nombre de morts jusqu'au début des années 2010 (autour de 550 000 morts par an). Cette observation est surprenante. Malgré l'augmentation considérable de notre population, le nombre de morts est resté globalement stable. Bien sûr, il y a des pics (épisodes de fortes maladies hivernales) suivis de creux de mortalité pendant quatre à cinq ans dus à l'effet « moisson » (les plus fragiles sont morts au moment du pic et on ne meurt qu'une fois…), puis de nouveau un pic, etc. Cette stabilité est liée à plusieurs facteurs, amélioration des conditions de vie après la guerre, mais surtout aux progrès de la médecine qui a permis d'allonger la durée de vie des vieux avec des opérations extraordinaires et/ou en les bourrant de médicaments. On vit plus longtemps, beaucoup plus longtemps, mais, il faut bien l'avouer, en mauvaise santé, un peu sous perfusion.

A partir de 2012 (inclus), le nombre de morts annuels en France ne cesse d'augmenter. C'est l'effet du vieillissement de la population. Les baby-boomers d'après-guerre sont devenus des papy-boomers et ce sont de gros bataillons qui meurent chaque année. En d'autres termes, c'est inexorable, tant que nous n'aurons pas liquidé tous ces papy-boomers (j'en fais partie…), le nombre de morts annuels augmentera chaque année (ou presque si on tient compte de l'effet « moisson »). Comment calculer la surmortalité ? C'est un problème de démographie. La mortalité absolue est intéressante, mais elle ne permet pas de prendre en compte l'évolution de la démographie au cours du temps. En d'autres termes, on ne peut pas comparer la mortalité d'un pays jeune avec la mortalité d'un pays vieux, ça n'a pas de sens. Il faut standardiser les données. Qu'est-ce ?

Grâce aux données de l'INSEE, on connait pour les années antérieures à 2020 la mortalité par classe d'âge. On va faire « mourir » ces années antérieures avec leurs taux de mortalité par âge mais avec la pyramide des âges de l'année 2020. C'est ce qu'on appelle une mortalité « ajustée ». En d'autres termes, cela permet de voir comment serait morte la population des années antérieures, plus jeune, si elle avait eu la structure démographique de l'année 2020. Par ailleurs, ceci étant fait, on doit aussi tenir compte des effets « moissons » et donc regrouper le nombre de morts stantardisés par période de quelques années successives.

On constate plusieurs choses. D'abord que le taux de mortalité n'a cessé de baisser en France depuis les années 60. La courbe n'est pas régulière, elle comporte des petits pics correspondant aux épidémies de maladies hivernales suivies d'une chute plus accentuée pendant les années postérieures (effet « moisson »). A ce titre, l'année 2015 a été une année de très forte grippe qui montre un pic notable. Par ce fait, les années suivantes, 2019 inclus, voit leur taux de mortalité baisser, même si, en valeur absolue, il y a plus de morts qu'en 2015 (par effet du vieillissement de la population). le regroupement par années (pour lisser les pics épidémiques et l'effet moisson) est affaire de choix. Pierre Chaillot choisit de regrouper par trois années : 2010/2012, 2013/2015, 2016/2018 et 2019/2021 (figure 13, page 71). 2019/2021 correspond alors à la période triennale la moins mortelle de l'histoire de France. Enfin, en taux de mortalité, l'année 2020 est équivalente à l'année 2015 (année d'une très forte épidémie de grippe qui a fait mourir beaucoup de vieux). Les mêmes calculs ont été faits également par Vincent Pavan, mathématicien à l'université Aix-Marseille, qui trouve exactement les mêmes résultats (heureusement…). Enfin, si on ne considère que les années sans les regrouper (ce qui est scientifiquement beaucoup moins justifiable), l'année 2020 montre une sous mortalité de 12 000 personnes par rapport à 2015 et une surmortalité de 37 000 personnes par rapport à 2019. Bref, il y a eu une épidémie qui a emporté beaucoup de nos anciens, mais aucune réelle hécatombe. En passant, je signale que la méthode de calcul exposée par Vincent Pavan dans son livre avec Anne Bilheran est présentée d'une manière plus pédagogique que dans le livre de Pierre Chaillot.

Personnellement, bien conscient du vieillissement de la population et de son effet sur la mortalité absolue, j'attendais une sorte de confirmation de cette analyse avec le nombre de morts de l'année 2022. A priori, si 2020 avait été la plus grande hécatombe mortelle en France depuis des lustres et 2021 une année effet « moisson », 2022 aurait dû se situer aussi en dessous de la catastrophe de 2020. Je suis allé sur le site de l'INSEE et les données sont toutes fraiches pour l'année 2022. J'en ai profité pour comparer avec 2020 (la grande hécatombe), 2021 effet « moisson » et l'année 2022 qui vient de s'écouler. Les décès enregistrés en France (outre-mer inclus) sont de 669 195 en 2020, 661 818 en 2021 et 673 637 en 2022. Bref, en 2022, on a eu environ 4 500 morts de plus qu'en 2020. Covid ou pas Covid, l'effet vieillissement de la population emporte tout sur son passage et nous poursuivons inexorablement notre ascension en nombre de morts.

Mais alors, me direz-vous, les 164 187 morts du Covid (au 14/02/23) depuis le début de la crise, qu'en faites-vous ? Très bonne question. Pour comprendre, il faut se tourner vers la manière dont l'OMS a décidé de coder le Covid. Ce codage est transmis aux différents pays qui le répercutent dans les hôpitaux. Il faut savoir que lorsque vous entrez à l'hôpital, on vous attribue un code. Par exemple si vous arrivez avec une jambe cassée (un code), un infarctus (un autre code), une grippe (une autre code), etc.

En France, c'est l'ATIH (Agence Technique de l'Information sur l'Hospitalisation), une agence gouvernementale, qui transmet aux hôpitaux la manière dont il faut coder les maladies, les interventions chirurgicales, etc. Pour le Covid, il est facile de se le procurer sur le site de l'ATIH (ici par exemple :
https://www.atih.sante.fr/sites/default/files/public/content/3785/atih_consignes-covid19_17122021.pdf). Que lit-on sur le site de l'ATIH ? D'abord, il existe un code pour « Forme respiratoire, virus identifié ». Bien. Mais il existe aussi un code pour « forme respiratoire, virus non identifié ». Ah bon ? On peut donc coder Covid quand on n'est pas sûr. Mais il y a aussi un code pour « autres formes cliniques, virus non identifié ». Stupéfiant, non ? Il y a aussi « asymptomatique, virus identifié ». Bref, des gens qui ne sont pas malades. On peut cocher Covid aussi pour « un épisode antérieur de Covid-19, confirmé ou probable (oui, oui, probable, vous avez bien lu) qui influence l'état de la personne qui ne présente plus la maladie ». Donc, je résume ce code, même des gens dont on soupçonne qu'ils ont eu le Covid mais qui ne sont pas malades. Dingue, non ? Et tout est l'avenant. Sont ajoutés des exemples (pour aider le médecin à coder comme il faut). On lit « patient hospitalisé dans un service de réanimation pour syndrome de détresse respiratoire aigüe évocatrice de diagnostic de Covid-19. Un prélèvement biologique a été effectué mais il s'avère négatif. le médecin responsable considère ce résultat comme un faux négatif. Codage : Covid-19, forme respiratoire virus non identifié ». Donc, ça « évoque » le Covid, mais le test est négatif. Ne mollissons pas pour autant, cochons Covid !

Le résultat de tout cela est que l'on a codé Covid à l'hôpital tout et n'importe quoi. D'autant plus que, par exemple, coder Covid rapporte plus à l'hôpital que coder grippe (du simple au double). L'hôpital reçoit de l'argent en fonction de la tarification à l'acte (depuis Sarkozy). L'effet de ce codage malhonnête se voit dans les statistiques de l'hôpital (Figure 49, page 152). On a en France 3,6 millions de personnes atteintes de maladies chroniques respiratoires. Ces personnes occupent une grande place à l'hôpital et décèdent en grand nombre chaque année. Quand on regarde les statistiques de l'hôpital permettant de comparer 2020 à 2018 et 2019, on voit une chute spectaculaire (vraiment impressionnante) des maladies respiratoires à l'hôpital en 2020. A croire que ces gens ont été guéris cette année-là. En réalité, ils ont été codés Covid et ils sont morts, comme d'habitude hélas, de leurs maladies respiratoires.

Ce bouquin étant très long, je pourrais écrire dix pages pour en faire une recension complète. Je ne le ferai pas, mais vous engage à le lire. Franchement, ça vaut le coup. On y apprend que l'hôpital a été sous-utilisé en 2020 (mais fortement désorganisé dans une panique générale). Par ailleurs, le rapport de l'ATIH en octobre 2021 indique que les hospitalisations Covid-19 n'ont représenté que 2% du nombre d'hospitalisations à l'hôpital. Martin Blachier avait dévoilé ce chiffre sur la chaîne LCP. Ensuite, plus personne n'en a entendu parler, mais le document de l'ATIH est facilement consultable sur Internet. Pierre Chaillot s'attaque aussi aux effets indésirables des vaccins et se penche sur les données de pharmacovigilance. A titre d'exemple, là aussi, les bases de données américaine montrent que 11 000 décès ont été remontés à la pharmacovigilance américaine en 30 ans de vaccinations hors-covid alors qu'en seulement 2,5 années de vaccination Covid 16 000 décès suite à la vaccination sont remontés. En seulement 2,5 années, on a battu le chiffre de 30 années en ce qui concerne le nombre de morts signalés par les médecins.

Il y a encore plein d'autres données de toute sorte. Un livre majeur pour mieux appréhender ce qui s'est réellement passé.
Commenter  J’apprécie          306



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}