Je ne me sens ni prêt ni capable de gérer cette situation inédite. Cela a l'air un peu ridicule, je sais bien, mais tant que je reste ici, dans le ventre de cette créature de béton et de verre, je suis à l'abri. Protégé. Préservé. Du présent, de la vérité, du monde extérieur. De la douleur, aussi. Autrement dit, tant que je ne passe pas ce portique situé juste derrière moi, que je franchis pas cette frontière infime entre l'homme que je suis et celui que je deviendrai une fois dehors , les choses resteront en l'état, suspendues, pareilles à un funambule sur son fil, entre l'équilibre et la chute.
Alors, rien ne se serait définitivement produit.
L’Art n’est qu’un tour de passe-passe, un effet d’optique, au mieux un léger contretemps qui retarde temporairement l’échéance de ce que nous sommes. Il ne nous rend pas plus jeunes, ni plus beaux, ni plus forts, ni plus courageux. L’écriture n’a pas fait de moi un homme meilleur.
Elle m’a juste donné l’illusion d’être un peu moins médiocre.
Le jour, fatigué, capitule devant le sourire voilé de la nuit, victorieuse à son tour. Inexorablement, la lumière baisse, l’obscurité s’étend tel un flacon d’encre de Chine renversé sur une feuille blanche. Tout cela se fait dans une synchronisation parfaite, tranquille, naturelle. Derrière une grande baie vitrée, j’admire ce joli passage de témoin.
Il n’y a que dans le ciel que le déclin est beau.