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Critique de beatriceferon


Bélhazar . Un prénom étrange pour un garçon qui ne l'est pas moins.
« Il ressemblait à un soldat ou à un espion. Il avait aussi l'allure d'un poète maudit, d'un pirate ou d'un contrebandier. » A l'école, il rend « ses devoirs tapés à la Remington sur de vieilles factures d'entreprise d'import-export de bananes. » Il ne porte pas de vêtements décontractés comme les jeunes de son âge, mais des chemises de grand-père boutonnées jusqu'au cou. Il invente des objets extraordinaires.
Un soir, il rentre avec des amis. Ils sont agressés par une bande qu'ils mettent en fuite. Quelques minutes plus tard, la police arrive. Un coup de feu part. Bélhazar s'écroule. Il avait dix-huit ans.
Le titre de ce roman est intrigant. Que signifie ce mot dont la couleur rouge ensanglante le blanc de la couverture ?
Sur le bandeau, une photo : un jeune homme en contre-jour se détache sur fond de mer comme s'il allait y entrer.
Lorsque je jette un coup d'oeil au résumé, je suis encore plus désarçonnée. Tout cela me donne envie de postuler pour ce livre que me propose une Masse critique privilégiée.
Cette histoire m'a véritablement happée dès les premières lignes. On baigne dans une atmosphère étrange. L'auteur prévient qu'il se base sur des faits réels et n'a changé que les noms des personnages. Et pourtant, tout ce qu'il raconte paraît tellement incroyable.
On imagine donc que son narrateur qui restera anonyme n'est autre que lui-même, qui est également professeur et a publié deux livres avant d'être éjecté de sa maison d'édition.
Les premiers mots sont « Tout est vrai ». Il s'adresse à quelqu'un, c'est Bélhazar. Il fait allusion à des éléments énigmatiques, qui s'expliqueront en temps utile et qui piquent immédiatement la curiosité. « La lune vibre comme une cymbale (…) Je sais qu'elle est la dernière demeure du lapin blanc. » « J'ai vu palpiter ton monde sous le vernis de la réalité. J'en ai trouvé le passage. » « Serai-je le prochain mort sur la liste macabre qui s'attache à ton histoire ? » « J'entrerai dans le labyrinthe, car tu m'y appelles. » Et c'est dans cet endroit aussi mystérieux qu'inquiétant, puisqu'il présente tout un rituel occulte qui conduit au-delà de « cet événement qu'ils appellent la mort », que Jérôme Chantreau invite son lecteur à le suivre.
Tout commence par un banal trajet en voiture. le narrateur et sa famille se dirigent vers « la piscine de Saint Jean de Luz ». Soudain, sa femme lui demande de s'arrêter. Elle sort, emmenant quelques pas plus loin son fils Pierre, un adolescent. Après lui avoir parlé brièvement, elle se rassoit et annonce froidement : « Bélhazar  est mort ».
Le narrateur est glacé par la nouvelle. Il imaginait un lien particulier entre Bélhazar et Pierre, car ce dernier, lui aussi, avait côtoyé la faucheuse. Après avoir dû affronter d'autres deuils (sa mère et son élève Dana), le narrateur décide d'entreprendre l'écriture d'une trilogie consacrée à la mort.
Et pourtant, pour Bélhazar, « ce n'est pas sa mort qui m'intéresse, c'est sa vie. »
« Par où commencer ? »
Armelle, la mère du jeune homme, est en colère. Comment est-il possible que la gendarmerie, que le procureur, osent parler de suicide ? Bélhazar, un garçon plein de vie, de projets, bouillonnant d'idées, doué pour tout, écriture, peinture, créations en tout genre, Bélhazar, donc, n'aurait jamais quitté volontairement ce monde.
Yann, le père, raconte comment son fils, inversant les rôles, lui a fait découvrir tant de choses qu'il ne connaissait pas.
Yann adore conduire. Voilà pourquoi les weekends où il avait la garde de Bélhazar, il venait le chercher à la sortie de l'école pour l'emmener dans un long périple à la recherche d'or, de neige en été, de n'importe quoi qui sorte de l'ordinaire, dans des pays lointains, dont Bélhazar rapportait des objets biscornus avec l'intention de les exposer dans son futur musée.
Contrairement à son ex-femme, Yann n'a donc pas de regrets. Il a profité pleinement du moindre instant passé avec son fils, cet être extraordinaire dont le prénom a été forgé par les parents. Ce Bélhazar qui, à dix ans à peine, allait perdre en forêt des petits cousins trop turbulents. Qui préparait un exposé sur Christophe Colomb comme un spectacle vivant, réussissant à capter l'attention de la classe entière. Qui dessine un labyrinthe dans un champ, envoyant les promeneurs vers le « Chemin de l'ogre jaune » ou le « Passage du renard malveillant ».
Ce Bélhazar qui a un côté sombre et maléfique, puisqu'une sorte de malédiction semble frapper son entourage : morts mystérieuses, ami qui perd la raison, narrateur renvoyé par ses éditrices et rompant avec sa famille.
La fin du livre est très étrange. Elle nous entraîne dans un univers ésotérique dans lequel on croise une sorcière qui parle avec les morts et donne au narrateur des pierres censées le protéger pendant ce périlleux voyage initiatique.
J'ai trouvé cette histoire palpitante. le personnage central est fascinant. Impossible de savoir qui il est réellement ou même ce qui lui est vraiment arrivé. On le dirait issu d'un univers parallèle.
J'ai, en revanche, moins adhéré à la partie qui nous emmène dans un monde cabalistique, avec formules magiques, animaux qui parlent et rituels à accomplir pour entrer dans l'au-delà.
Mais, dans l'ensemble, cette lecture m'a captivée et je remercie vivement Babelio pour cette Masse critique privilégiée ainsi que les éditions Phébus qui m'ont envoyé ce volume.
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