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Critique de Escapist


Reçu dans le cadre de la "Masse Critique", j'ai donc entamé la lecture d'un roman de dystopie, le grand phénomène à la mode littéraire (et cinématographique) de ces derniers temps. Il est vrai que la couverture est soignée, dans de belles teintes de bleu qui donnent un caractère irréel à la scène et attisent l'envie du lecteur à tourner la première page.

Néanmoins, et autant le dire dès maintenant, j'ai été déçue de cette lecture. Ou disons plutôt que n'ayant pas lu le premier tome (car oui, Divided est le second tome d'une série, donnant suite à "Dualed") j'ai été quelque peu perdue dans les premières pages. En réalité l'auteur plonge immédiatement son lecteur dans un scène d'entraînement plutôt sévère où viennent se confronter deux jeunes femmes. Qui est qui? A dire vrai nous n'avons pas beaucoup d'informations à leur sujet et l'on se rattache au moindre détail que l'on peut grappiller tout au long du chapitre. Et cette constatation est malheureusement vraie pour le reste du roman. Elsie Chapman, l'auteur donc, n'a pas subtilement su intégrer un rapide résumé, une brève présentation de la situation, dans son livre. En arrivant au tome 2 sans avoir lu le premier, il faut donc doublement s'accrocher à l'histoire et se concentrer sur les moindres mots... c'est pourquoi j'ai été on ne peut plus étonnée d'apprendre, la moitié du roman passée, que la protagoniste principale - West Grayer - n'avait que 15 ans! Ou peut-être avais-je oublié que ce roman était destiné à un public adolescent? Quoiqu'il en soit, la chute a été assez dure et ce "léger" détail des âges qui n'est pas explicitement présenté refroidi. A dire vrai, les personnages sont trop matures pour n'être encore que des adolescents. West Grayer, notre héroïne, semble avoir un lourd vécu derrière elle, plein de rebondissements et une expérience déjà très poussée de la vie. Sans doute est-ce dû à cette dystopie qui tend à peindre un monde sombre et belliqueux dans lequel évoluent des personnages qui n'ont d'autres choix que de se soucier de leur survie, et donc grandir prématurément. Il n'empêche que voir une jeune fille de 15 ans enfoncée dans une relation sentimentale déjà bien entamée, maîtresse d'une maison familiale, entraîneur dans une école, experte en armes diverses et aux combat au corps à corps avec un passé lourdement chargé de cadavres à son actif, il y a de quoi se poser des questions et rester sceptique. Car West est encore moins normale que les autres puisqu'elle est chasseuse de tête (oui, oui, à 15 ans). le fait qu'elle se préoccupe avec une profonde réflexion sur le sort de ses enfants potentiels, qu'elle tente à tout prix de protéger avant leur naissance afin de leur assurer un avenir serein, des enfants qu'elle s'imagine déjà avoir avec son compagnon, bouleverse encore plus la vision d'une jeune fille de seulement 15 ans. Ses questionnements font bien plus penser à la cogitation d'une personne de 20-25 ans qu'à celle d'une adolescente.

Pour revenir rapidement à l'histoire, elle se déroule derrière la protection de lourdes fortifications, un mur immense empêchant tout aussi bien les horreurs du monde externe d'entrer qu'à ses habitants d'en sortir. Dans cette atmosphère pesante où la mort plane tout au long du roman, évolue une société robotisée par une entité supérieure, le Conseil, chargée de régir la vie communautaire. Et quelle vie! Car à Kersh, la ville en question, rien n'est laissé au hasard. Chaque citoyen est le fruit des réflexions d'un laboratoire en charge de donner la vie. Chacun né donc, génétiquement modifié et voué à se lancer dans une course contre la mort afin de prouver qu'il est le meilleur et qu'il peut ainsi mériter sa place dans la société. Telle est la dure réalité de Kersh, chargée de forger une élite de soldats parfaits et disponibles en toute circonstance. Mais à moins d'être chasseur, on ne tue qu'un seul être: son Alt, son propre "moi", son Alter ego, un jumeau parfaitement identique en tout point et pourtant altéré, issu du même laboratoire et qui ne vit que pour un seul but: prouver qu'il est lui aussi le meilleur. Dans cette ville à la pointe de la technologie, et après une enfance consacrée à un entraînement intense de survie, chacun se trouve alors à pourchasser son jumeau maléfique dans l'espoir de l'abattre le premier.
A la lecture de ce second ouvrage, si l'on se place du côté de West, les Alt ne semblent n'être que des êtres insensibles, nés pour tués sans état d'âme leur jumeau. de parfaites machines destructrices. Pourtant, plus l'on avance dans la lecture et plus l'on se rend compte que les Alts ne sont pas bon pour l'un et méchant pour l'autre. En réalité, tous deux ne sont que des êtres humains contraints à se livrer à un combat mortel, que chacun redoute au plus profond de lui.

Dans ce second tome, West Grayer a déjà prouvé sa valeur en ayant combattu son Alt dans le tome précédent. Pour autant, elle est encore hanté par son double infernal. Si la traque est âpre pour chacun et se conclut irrémédiablement par une tragédie, comment continuer à vivre en observant chaque matin dans le miroir le reflet de celui que l'on a abattu de ses propres mains? Un être que l'on fut obligé de haïr et qui nous traqua comme une bête sauvage, le regard encodé envieux de meurtre? Un être poussé par la société à tuer pour assurer sa propre survie? C'est sur ce point que ce roman se penche au travers de West Grayer, une chasseuse hantée par ses démons et appelée à reprendre du service pour le compte du Conseil, la tête suprême de l'Etat. Mais les choses se compliquent, inexorablement, et une lueur de trahison pointe son nez. Pour autant, la cause est noble est une fois de plus chacun se bat pour son propre compte, afin d'assurer sa survie et celle des siens.
Le côté constituant la chasse en revanche est bien mené. Les cibles sont traquées comme du gibier par une chasseuse qui commence par les observer avant de s'occuper de leur cas. Des alternatives sont sans cesse employées afin d'éviter des morts trop évidentes et des effusions inutiles de sang.

Si Elsie Chapman a favorisé une narration interne, ce qui devrait contribuer à s'attacher au personnage principal et à mieux comprendre ses sentiments, le personnage principal reste assez distant. Sa froide analyse des situations et son état de chasseuse empêchent de la considérer comme un véritable être humain. West Grayer est conditionnée et fut élevée dans un monde différent du notre, par conséquent il est plus compliqué de saisir sa personnalité. Ses questionnements, certes humains, sur sa condition, ses remises en questions constantes, ses inquiétudes et sa volonté de protéger reviennent sans cesse en boucle tout au long du roman. Au final, entre les scènes et les dialogues mielleux entre West et son petit ami - Chord - ses doutes à son sujet et une constante volonté de défendre son entourage, les personnages ne semblent guère évoluer, prisonniers comme ils le sont de leurs peurs et de leur incertitude, et l'histoire a tendance à avoir des redondances sur ce côté psychologique des personnages alors même que l'action avance au fil des chapitres.

Finalement, ce livre est bel et bien ancré dans cet univers de dystopie qui semble si bien adulé de nos jours. le jeune public est particulièrement touché, malgré des personnages bien plus matures pour leur relative jeunesse, plongés dans des actions qui sont parfois déconcertantes pour leur âge. L'invention des Alt est une nouveauté qui rafraîchit, sortant des sentiers battus et déjà vus. Ces jumeaux permettent une sorte de mise en abyme des personnages qui se tournent sur eux-mêmes. On regrettera cependant les sempiternelles remises en question du personnage principal ancré dans un monde trop éloigné du notre et pourtant trop commun de ce qui se fait déjà dans le domaine de la "dystopie". Les personnages sont voués à combattre pour la survie dans un univers placé sous le joug constant de la mort. L'équilibre parfait de la cité rythmé par un train de vie divinement régulier n'est en fait que précaire car il peut basculer d'un instant à l'autre dans la plus parfaite anarchie. Il est clair que de nos jours le modèle de la cité idéale préservée d'un monde chaotique, et menacée par celui-ci dans laquelle évoluent des personnages entraînés pour assurer leur préservation, ne charme plus par son côté innovant. Il est temps de passer à autre chose et de proposer un peu de renouveau...
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