Lost in Jérusalem

George est arménien et fils de photographe... Lorsqu'on a évoqué ensemble les tensions dans la ville, George a eu une très belle image : "Jérusalem est une magnifique mosaïque avec les Juifs, les Palestiniens, les Arméniens, les Coptes etc. Enlevez un seul morceau et le paysage perd toute sa valeur, tout son sens." Et pourtant, combien sont ceux qui y croeint vraiment ?

Un jour, (et c'est véridique) une malade tousse et son dentier voltige par la fenêtre, et se retrouve précisément dans cet espace-là [le no man's land].
Alors on se concerte, on réfléchit, parce que la malade a bien sûr besoin de ses dents. Une des soeurs appelle les affaires étrangères. On décide que trois soldats seront nécessaires : un Français, un Jordanien et un Israélien. On rajoute un drapeau blanc et c'est soeur Olga qui est mandatée pour mener l'expédition. Ils finissent par retrouver le dentier, et la photo de soeur Olga le présentant fièrement à l'objectif vaut son pesant de cachuètes.

-Where are you from ?
-Paris. Et vous ?
-Moi je suis de la tribu de Juda, cela fait deux mille ans.
-Dites donc, vous ne faites pas votre âge."
Le monsieur a l'élégance d'éclater de rire. Ils sont un couple de sexagénaires. Ils vivent à Londres mais ont gardé un accent ahurissant quand ils parlent anglais. Un peu comme un étendard de leur identité.

L'hôpital Saint-Louis est le seul couvent au monde à avoir son propre rabbin et à servir de la nourriture casher. Ici, on fête toutes les fêtes, qu'elles soient chrétiennes, juives ou musulmanes. "Et c'est une chance, car lorsqu'on est en soins palliatifs, on ne sait pas si on sera encore là lors de la prochaine fête qui nous concerne."

Les Italiens filent directement vers le tombeau du Christ. Sauf une femme quinquagénaire souriante qui vient vers moi. Elle me parle, je ne comprends pas les mots, mais sa main sur mon ventre, et l'autre sur mon épaule, me donnent une idée du contenu. Elle s'émerveille de ma grossesse. De là à ce qu'elle y voit un symbole divin, il n'y a qu'un pas, que je ne me sens pas tout à fait prête à franchir.

Humour, symboled'une complicité au-delà des nationalités et des cultures. Humour, politesse du desespoir qui permet de désamorcer bien des situations. Humour, arme efficace pour parfois déstabiliser l'adversaire et vraiment voir ce qu'il a dans le ventre. Humour pour rattraper les gaffes. Humour, meilleur vecteur de communiucation.

Quand on privilégie l'humain, tout devient possible.

Et puis, on tombe amoureux de Jérusalem parce qu'on sait, en repartant, qu'on ne sera plus jamais tout à fait pareil. Peut-être un peu plus apaisé, ou plus riche d'humanité. Etonnant pour une telle zone de conflits et de tensions. Mais ne l'appelle-t-on pas la ville de la paix ?

Quant à ma phrase préférée du jour, elle vient d'un chauffeur de taxi qui m'a ramenée du jardin de la Tombe au couvent. Quand je lui demande le prix de la course, il me répond : combien voulez-vous payer ? " .... Pour ce qui est de la bonne réponse, elle était en fait : moitié moins cher que celui qui m'avait embarquée à l'aller.

Si, lors de votre premier voyage en Israêl, vous voyez Moïse ou Jésus surgir devant vous au détour d'une rue de Jérusalem, ou le Messie sur un banc de Tel-Aviv, sachez que ce n'est pas vous qui êtes victime d'hallucination. Le syndrome de Jérusalem ou "syndrome du voyageur" est un trouble psychique passager que rencontrent certaines personnes confrontées à la réalité du pays visité, en l'occurrence, l'abondance de symboles religieux à Jérusalem... A leur arrivée en Israël, certains touristes atteints de ce syndrome se prennent pour des personnages de la Bible et prêchent la bonne parole autour d'eux..... Ainsi, 1200 personnes auraient ressenti ce syndrome entre 1980 et 1993, et une quarantaine de personnes sont hospitalisées chaque année à l'hôpital israélien de Kfar Shaul.