La course à la modernisation, par le biais des subventions, a entraîné la surproduction souhaitée mais aussi un surendettement dramatique des paysans et un déluge de contraintes administratives.
Le salaire...Oublions-le ! Il me permet de vivre correctement, sans plus. De toute façon, on ne fait pas la fine bouche quand le marché du travail est aussi difficile, quel que soit le diplôme. la preuve en est que la recherche d'emploi a amené certains de mes amis à vendre leur âme.
La vie semble longue quand on est jeune et si courte quand on arrive au bout du chemin.
Avant, conclut le vieux, mélancolique, la vie était plus dure parce qu'on ne travaillait qu'à la force des bras et qu'on ne comptait pas ses heures comme aujourd'hui. Mais elle était plus facile aussi dans la mesure où nous avions moins de besoins. Du moment qu'on gagnait assez pour manger, pour s'habiller et envoyer les gamins à l'école, on ne demandait pas plus. La télé, le frigo, le lave-linge et la voiture faisaient notre bonheur et nous donnaient le sentiment d'être riches. Aujourd'hui, si tu n'as pas le dernier machin phone, l'ordinateur et l'écran plat, tu as l'impression que tu n'es rien. Je trouve que c'est triste.
Ma formation et mes différents CDD m'ont amenée à me poser de sérieuses questions sur la politique agricole de nos gouvernements successifs. Non contents d'avoir complexifié à l'envi tout ce qui touche au travail de la terre, ils semblent mépriser - ou ignorer dans le meilleur des cas - les solutions qui permettraient de produire moins cher et de façon plus saine.
Leur secret n'en est pas vraiment un. Cela fait des années qu'ils sélectionnent les graines des végétaux les plus robustes et les plus résistants. Ils les sèment ensuite dans des jardinières reposant sur du fumier en décomposition. Cette technique, dite de la couche chaude, est très ancienne. Ils n'ont rien inventé, ils se contentent de travailler comme nos aïeux.
Le plus drôle, c'est que d'un côté les chercheurs de l'infra s'intéressent à leurs résultats alors que de l'autre le service de la répression des fraudes leur reproche environ quatre-vingt-dix infractions. Cet étonnant couple commercialise en effet des semences non inscrites au catalogue officiel des espèces et variétés végétales du GNIS.
Il ne me laisse pas poursuivre. Il pose une main sur ma nuque. Il m'attire à lui et il m'embrasse. Après ça, je ne sais plus quoi dire. De toute façon, je ne peux plus parler.