GRATTE-CIEL
Monstre énorme, géant,
Qui se dresse superbe au centre de la ville.
Squelette d'acier, chair de ciment.
Ses dents de granit froides et dures
Peuvent écraser le soleil d'or du couchant.
Ses milles yeux transparents et bien rangés
Sont-ils ceux d'Argus ressuscités ?
Quand vient la nuit,
Ces yeux qui scintillent la surveillent jalousement.
Ont-ils peur qu'elle n'abrite trop de complots et de secrets ?
Wou Wang-Jao
LE MASQUE
Une vie imaginaire
sur les villes est posée.
Partout de fausses lumières
sont peintes sur les paupières
des fenêtres enfermées.
Le pâle soleil qui luit
n'est que plâtre sur les pierres.
La vraie ville est dans la nuit.
Jean Tardieu
AU MARCHé
Les joues de la fruitière
sont en peau d'abricot
La grande charcutière
est ronde comme un jambonneau
La petite marchande de fleurs
fine comme un pois de senteur
Le boulanger
qui n'est pas gros
est un pierrot enfariné
mais sa femme la boulangère
qui n'est pas légère légère
sent bon le sucre et le pain chaud.
Armand Monjo
CRIS DE PARIS
On n'entend plus guère le repasseur de couteux
le repasseur de porcelaines le rempailleur de chaises
on n'entend plus guère que les radios qui bafouillent
des tourne-disques des transistors et des télés
ou bien encore le faible aye aye ouye ouye
que pousse un piéton écrasé
Raymond Queneau
La poésie, c'est comme une ville.
On s'y promène à travers les mots comme à travers les rues. Il y a des images plein les vitrines on rencontre des gens, des autos, des arbres, parfois des animaux.
Une ville, c'est comme la poésie.
(Jacques Charpentreau)
LE MASQUE
Une vie Imaginaire
sur les villes est posée.
Partout de fausses lumières
sont peintes sur les paupières
des fenêtres enfermées.
Le pâle soleil qui luit
n'est que plâtre sur les pierres.
La vraie ville est dans la nuit.
Jean Tardieu
La ville jouait du piano.
Cela semblait ainsi du moins.
On ne voyait aucune main.
Partout, les volets étaient clos.
Peut-être jouait-elle aussi.
A d'autres jeux plus dangereux,
Mais rien ne permettait ici
D'en surprendre le moindre aveu.
Seul, parfois, dans les rues désertes,
Un chat familier des étoiles,
S'en allait à la découverte.
Et l'on se demandait pourquoi,
Quand sonnaient par-dessus les toits
Les cloches de la cathédrale,
Le temps paraissait se figer
Comme s'il venait d'arrêter
L'horloge de l'éternité.
Maurice CARÊME