Les petites tempêtes

Il a pris ma langue, mon cul, puis mon corps en entier. Il l’a dompté comme s’il n’avait rien connu avant lui, comme si je n’avais pas vécu mes 32 printemps de la bonne façon. Le secret de l’humanité, c’était lui qui le détenait.

C’était si agréable de se bâtir une histoire, de voguer ensemble. En surveillant les coins qui craquent et en y mettant beaucoup d’amour pour être certains que notre embarcation ne prenne pas l’eau et qu’elle garde son erre d’aller. En mer, on reconnaît les bons bateaux quand les vents sévissent et que les vagues se déchaînent. Et les vrais capitaines sont ceux qui ne désertent pas le navire avant qu’il soit arrivé à bon port, ou au fond des eaux…

Le talent nous impressionne toutes. Être honorée par un créateur dont on admire le travail est une bénédiction. La muse aussi est avide de succès, de réussite.

Le talent est une arme de séduction. Je l’ignorais jusqu’à ce que je le rencontre. Avant Laurent, je n’étais qu’une fille comme les autres, qui faisait ce qu’elle avait à faire, ce qu’elle aimait, aussi, sans prétention ni grandes ambitions. Je sais aujourd’hui ce qui l’a séduit. Il a capté dans mon travail des émotions qui dépassaient la forme et que moi-même, je ne devinais pas encore. Ça l’a fasciné.

La disparition fait aussi mal, qu’elle soit le fruit d’un événement tragique ou d’une décision obscure. Dans les deux cas, les liens se brisent instantanément, mais le deuil prend parfois toute la vie à se faire.

— C’est joli, tes cheveux plus courts.
C’était anodin, mais ça m’a quand même flattée qu’il se soit rappelé que mes cheveux étaient plus longs l’année précédente. Il se souvenait donc de moi, et je lui plaisais. Un compliment qui, à mon grand étonnement, m’a fait danser dans ma tête, mais je n’ai laissé filer qu’un simple «merci» et un zeste de sourire, avant de dévier le regard sur le buffet, où mon corps s’en est allé peu de temps après.

Mon papa d’amour, qui avait travaillé si dur pour se rendre là où il était, pour m’offrir une vie décente. Si je pouvais avoir les moyens de lui remettre ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’il m’avait offert, ça valait le coup d’essayer. Je voulais aussi être digne de son amour et de sa fierté.

En fait, je n’ai jamais aimé suivre les tendances, point. Il est vrai que ça ne faisait pas partie de mon éducation; l’argent ne pleuvait pas à la maison. Mais ça me plaisait bien de ne pas faire comme les autres. Je préférais inventer mon look au gré de mes trouvailles et de mes envies, plutôt que de me plier aux diktats des magazines et des grandes marques. C’était ma petite rébellion.

La vie est bien faite, alors je me dis qu’en commençant si mal, elle devrait finir par bien aller!

Mon père considérait l’éducation comme la chose la plus importante dans la vie, après respirer.