Les Japonais font une curieuse nation : vivants, ils se laissent séduire par la mort et, depuis cette rive qu'est l'existence, ils lorgnent vers celles des fleuves infernaux.
Je sais depuis longque tous les signes ne méritent pas qu'on s'use à les interpréter, ni tous les appels qu'on y réponde.
Un fossé impossible à combler m'éloigne toujours plus de mes amis, de mes proches et du monde. Un fossé de sécheresse des sentiments et d'indifférence aux réalités. Je me suis endurci à jouer au plus fort, à rendre coup pour coup dans un monde de faux-semblants et de vertu feinte, et mon regard hostile et chargé du feu de la colère à blessé tous ceux qui m'encouragent : ma femme, mes amis et même d'innocents quidams.
Les écrivains sont très forts pour décrire les regards : d'un mot, ils pénètrent jusqu'à l'âme l'intimité de leurs personnages. Pour moi, un regard n'est rien de plus qu'un regard. Même s'il n'a pas son pareil pour transmettre la gamme des représentations mentales dans toute leur diversité, il ne dévoile en rien l'âme, j'irais même jusqu'à dire qu'il en est un fidèle gardien, la protégeant d'un côté contre les intrusions malintentionnées venant de l'extérieur, de l'autre contre les débordements intimes venus de l'intérieur.
En matière de scènes, ma mère s'y entend pour en faire des tonnes. Mes talents de comédien, c'est à ses leçons in utero que je les dois.
Le détective, ayant en fait profession de filtrer les représentations mentales, limite le moteur de ses déductions aux couches du conscient. Les niveaux plus abyssaux, il les abandonne aux religieux, aux taoïstes et aux psys qui ont en commun de s’exprimer de manière sibylline et tout bonnement imbitable
Percer l’âme humaine n’est pas le travail du détective privé mais si cela aidait à résoudre une énigme, je m’y plierais volontiers.
Combien de fois, alors que je touchais aux confins du désespoir, n’ai-je pas extirpé avec rage la dernière étincelle de courage de ce siège secret du corps qu’est le champ de cinabre ? Mais quand je m’y penchais, il n’était là qu’incompréhensible mystère, fermé et noir, ou simple reflet sur l’eau ne donnant finalement à voir que ma propre image, un moi inversé en train de scruter des abîmes.
J’avais depuis longtemps abandonné l’idée d’explorer les fourbes replis de l’âme, la mienne ou celle des autres, cette « chose » inexistante, quoique obscurément perceptible et qui excède tout langage humain.
Les profondeurs du cœur humain sont une insondable mer souterraine, les monstres marins qui y barbotent ne sont pas d’inoffensifs dauphins se contentant de venir respirer de temps en temps à autre à la surface. J