Personne ne sait ce qu’on ressent lors d’une crise cardiaque fatale. Le malade n’est plus là pour nous le raconter. Les médecins parlent de nécrose, de caillots, de manque d’oxygène, d’occlusion des vaisseaux sanguins. Ils évoquent un rythme cardiaque inutilement accéléré, ou rien du tout. Ils enrobent l’ensemble avec des termes tels qu’infarctus ou fibrillation, qui ne nous en apprennent pas davantage, sinon que le mort est bien mort.
Elle avait connu des moments effrayants et elle avait fait ce qu’elle avait à faire. Dès lors, elle me manqua plus que jamais et je sus que j’en souffrirais toute ma vie. Je me sentais vidé. Je venais de perdre un trésor que j’ignorais posséder.
Dans l’armée, on ne prend pas ses désirs pour des réalités. On attend d’avoir reçu une réponse en bonne et due forme. Sinon on court droit au chaos.
Quand on a un accident, on a souvent droit à une réparation. Mais il reste des combats qu’on ne peut gagner.
Je suis française, vous êtes américains. Il y a un univers entre nous. Pour une Américaine, la maladie est une humiliation. Comment le sort a-t-il osé la frapper ainsi ? Elle doit aussitôt corriger cet affront. Nous, Français, nous comprenons qu’il y a la vie et qu’il y a la mort. Ce n’est pas une offense. C’est un cycle qui se reproduit depuis la nuit des temps. C’est ainsi que vont les choses, voyez-vous ? Si les gens ne mouraient pas, la terre serait aujourd’hui un endroit affreusement surpeuplé.
Les militaires américains ne meurent pas plus vite ou plus rarement que les civils. En général, ils sont plus jeunes et en meilleure forme que le commun de la population, mais ils boivent et fument davantage, mangent et se surmènent beaucoup plus ; sans compter leur entraînement souvent dangereux. Si bien que leur espérance de vie ne dépasse pas la moyenne
nationale.
C’est comme quand on sort d’un cinéma, qu’on est obligé d’abandonner
un film qu’on aimait bien. Voilà ce qui me tourmente. Je ne saurai jamais la fin. Je ne saurai jamais ce que mes garçons deviendront. Franchement, ça ne me fait pas plaisir. Et puis je me suis dit que, tôt ou tard, j’allais devoir quitter la séance. Personne n’est éternel. Et même si je jouissais d’une excellente santé, je ne saurai jamais ce qui vous arrivera, comment cela se terminera pour vous. Et c’est très bien comme ça.
La nostalgie des morts, ça fait partie de la vie.
Les médecins européens ne sont pas très doués pour les mauvaises nouvelles. Ils tournent autour du pot. Sans compter le respect de l’intimité.
Plein de militaires aussi. Faciles à repérer grâce à leur coupe de cheveux et à leurs vêtements. Les militaires en permission s’habillent toujours différemment des civils. Ils veulent avoir l’air de quelqu’un d’autre mais ça ne marche pas. Trop propres sur eux, un peu démodés.