AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Foxfire


Kate Chopin est assez méconnue en France. C'est d'ailleurs un peu par hasard que j'étais tombée sur son nom. Ce manque de notoriété est bien regrettable lorsqu'on voit la qualité de son roman « l'éveil ».

« L'éveil » a beaucoup été comparé à « Madame Bovary » de Flaubert. Il est vrai qu'on peut y voir un cousinage. Deux portraits de femmes finalement mal adaptées à leur époque, tentation de l'adultère, fin malheureuse, style réaliste. Mais malgré ces ressemblances, les deux romans sont tout de même assez dissemblables. J'ai trouvé que la tonalité des deux romans étaient très différentes. D'une part, cela est dû au contexte géographique. Dans « Madame Bovary » on est dans l'austérité d'une ville de province française tandis que dans « l'éveil » on est plongé dans le climat si singulier de la Louisiane. J'ai trouvé également que l'inadéquation des deux femmes à la société s'exprimaient de façon très différentes. J'ai toujours eu le sentiment qu'Emma Bovary se lançait à corps perdu dans l'adultère et dans la frivolité d'achats compulsifs, poussée par le désespoir. Au contraire, dans « l'éveil », Chopin dresse le portrait d'une femme qui se découvre une envie de vivre pour elle-même. Ainsi, si Edna se laisse tenter par l'adultère, il m'a semblé que ce n'était pas par désespoir mais parce que son corps et son coeur s'éveillent au désir. Emma Bovary est insatisfaite de son existence sans savoir ce qu'elle aurait voulu. Edna, au contraire, comprend peu à peu le genre de vie qu'elle aurait aimé connaître et si elle comprend également qu'elle n'aura pas droit de goûter à cette existence rêvée elle semble trouver une forme de satisfaction à avoir ressenti ces désirs, ces envies. Ces différences de ton se retrouvent même dans les dénouements.

Le roman de Kate Chopin est tout à fait remarquable. La peinture de la société créole de la fin du XIXème siècle est subtile et délicate. Un peu frivole, cette bonne société a des apparences de liberté, les femmes, même mariées, pouvant sans crainte du qu'en dira-t'on se trouver en compagnie d'hommes. Mais cette liberté n'est qu'apparence. Si les femmes ont le loisir de profiter de cette frivolité, elles sont malgré tout soumises à l'autorité masculine, que ce soit leurs pères ou leurs maris. Subtilement évoquée, l'évocation de cette prison féminine ouatée est frappante.
Les personnages féminins sont remarquablement caractérisés. En tête, bien sûr, Edna dont les doux tourments sont évoqués avec beaucoup de justesse. Ses pensées sont disséquées avec finesse et de façon très vivante. Les autres personnages féminins sont tout aussi intéressants. Mme Ratignolle incarne la femme modèle selon les critères de l'époque, mère et épouse dévouée qui ne vit qu'à travers son foyer. A l'opposé, Melle Reisz vit comme elle l'entend, dit ce qu'elle pense, ne se soucie pas de ce qu'on pourrait penser d'elle. Cette liberté a un prix. Sans être ostracisée, elle est largement critiquée.
Tandis que les portraits féminins sont fouillés, les personnages masculins intéressent moins Kate Chopin. C'est tout à fait volontaire et permet de se focaliser sur le sujet même du roman, la condition féminine. Ainsi, les personnages masculins sont réduits à l'état d'esquisses et certains sont assez interchangeables.

J'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture. La façon de traiter le sujet m'a captivée et j'ai été charmée par l'écriture de Kate Chopin. Je suis d'ailleurs ravie qu'un recueil de nouvelles de l'auteure m'attende déjà dans ma PAL.
Commenter  J’apprécie          373



Ont apprécié cette critique (37)voir plus




{* *}