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3,89

sur 145 notes
Je n'avais jamais entendu parler de ce roman avant de visionner la série Treme sur la Nouvelle-Orléans. Selon moi, ce roman est un véritable trait d'union de l'histoire littéraire entre deux très grandes oeuvres du patrimoine mondial : Madame Bovary, d'une part, et Mrs Dalloway, d'autre part.

C'est un très petit roman, qui commence tout doucettement, comme les minces gargouillis d'une source puis qui, peu à peu, prend de l'ampleur jusqu'à devenir un fleuve impétueux, qui vit son apothéose au moment où il se jette dans la mer.

On y suit quelques personnages : des créoles de Louisiane (c'est-à-dire, contrairement à l'idée que l'on a chez nous de la signification du mot « créole », des descendants de Français installés à la Nouvelle-Orléans) et principalement une héroïne, Edna Pontellier.

Les Pontellier sont un couple de la haute bourgeoisie locale, gravitant autour d'autres familles du même milieu et de la même origine : les Ratignolle, les Lebrun, les Mandelet… Bien qu'on se situe après la Guerre de Sécession et l'abolition officielle de l'esclavage dans les états du sud, c'est encore une vie très coloniale, sans doute assez proche de ce que peut encore nous décrire cinquante ans plus tard Marguerite Duras dans Un barrage contre le Pacifique.

Et dans ce monde encore très empreint de la mentalité coloniale, bienpensante et chrétienne de l'époque, le mariage et l'adultère ou encore la maternité et la liberté constituent, pour une femme, les repères authentiques du bien et du mal. Une femme doit être deux fois soumise, à son mari et à son rôle de mère auprès des enfants, sans quoi elle n'est rien. (On pourrait même ajouter trois fois soumise car, si le père est encore vivant, elle se doit d'être bien entendu soumise à son père.)

Edna Pontellier, encore jeune et cependant déjà épouse et mère depuis quelque temps, vit languissamment cette vie faite à la fois d'opulence et de conventions qui pèsent sur elle comme un couvercle de plomb. Certes, elle aime ses enfants, mais ne respire pas qu'à travers eux. Certes, elle apprécie les qualités de son mari, mais il ne la fait pas vibrer. Certes, certes, certes…

Beaucoup de certes mais pas beaucoup de passion, pas beaucoup d'envies assouvies, pas beaucoup de liberté ni de libre arbitre. Peut-être se sent-elle un peu fatiguée de tout cela. Peut-être, lorsqu'elle se projette quelques années en avant, considère-t-elle qu'elle ne se sentira jamais épanouie dans cette vie.

Alors il y a cette étonnante Mlle Reisz, artiste reconnue, pianiste hors pair, mais que tout le monde évite plus ou moins car elle a la réputation d'être très désagréable. Pourtant, Edna ne parvient pas à la trouver désagréable. Peut-être admire-t-elle le fait que cette femme parvienne toujours à dire exactement ce qu'elle pense sans se soucier de plaire ou de satisfaire à une quelconque convention. le prix à payer est certainement le célibat…

Et puis il y a ce Robert Lebrun, ce jeune homme qui lui semble si différent des autres. Qu'en sera-t-il ? Qu'adviendra-t-il d'Edna et des démons qui la taraudent ? Je m'en voudrais de vous le dévoiler. En tout cas, d'après moi, un bon roman, qui explore la psychologie féminine mais pas seulement, je dirais plutôt l'état de soumission et la volonté de s'en émanciper. Ce roman illustre également la fameuse dualité, l'opposition constitutive de la condition féminine qu'a analysé Elisabeth Badinter dans son ouvrage le Conflit.

Mais de tout cela, souvenez-vous qu'il ne s'agit que de mon avis, cueilli très tôt, dès l'éveil, c'est-à-dire, pas grand-chose…
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Ça faisait un bon moment que je n'avais pas lu de roman américain dans la veine de Henry James et d'Edith Wharton.J'y retourne avec Kate Chopin découverte grâce à mes amis de Babelio . Une auteure que je ne connaissais pas du tout et pensais contemporaine.
Parût en 1899 et dés sa sortie critiqué pour son atteinte aux interdits moraux de l'époque concernant la sexualité féminine,il est reconnu comme un roman précurseur des oeuvres féministes du XX iéme siècle.
C'est l'histoire d'Edna Pontellier,jolie jeune femme de vingt-neuf ans,mariée et mère de deux jeunes garçons,de la haute-société de la Nouvelle-Orléans, une société créole,c'est-à-dire ici,mi-américaine, mi-française( lu en v.o.,beaucoup d'expressions directement en francais dans le texte).
Edna s'ennuie dans cet univers fait de bonnes manières et de relations mondaines,et se distrait avec des jeunes soupirants....dont l'un lui sera fatal....On assiste à l'éveil d'une femme qui aspire à sa liberté dans une société puritaine et phallocrate ,mais qui m'a parue, beaucoup plus indulgente que les sociétés européennes (anglaise,notamment), de la même époque.
Un éveil qui évolue dans un texte solaire, qui a pour cadre la Louisiane fin XIXéme siécle, avec ses odeurs,ses paysages ,ses villas en bord de mer,ses soirées musicales, ses robes de mousseline, ses baignades.....
Un belle prose, fluide et poétique,une agréable lecture,mais dans le fond et la forme je l'ai trouvé trop classique et un brin désuet pour notre époque.







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C'est un roman publié en 1899 qui fit scandale en son temps ...une écriture magnifique, une construction magistrale, une belle densité émotionnelle qui nous parle encore maintenant, un art de la suggestion qu'on devrait enseigner à tous les apprentis écrivains, et pourtant dans l'ambiance moite de cet été de Louisiane , au bord de l'océan, où démarre le roman, les passions sont torrides derrière les éventails.

L'auteure, une américaine de Louisiane nous emmène chez elle, dans une bonne société créole d'après la guerre civile qui s'est adaptée à la nouvelle économie. On parle français ou anglais, on lit des auteurs européens, Emerson aussi. On écoute Chopin ou Beethoven.
C'est l'histoire d'une émancipation individuelle, une prise de conscience douloureuse. A la faveur d'un nouvel amour, Edna découvre que le mariage est une prison qui l'étouffe, la maternité aussi. Elle cherche alors à s'affirmer comme femme et artiste.

C'est une écriture simple et dépouillée qui va droit au but dans ce portrait d'une femme torturée par sa conscience aiguë de son inadaptation aux conventions de son monde. On sent sa dépression latente qui émerge de son difficile combat solitaire pour exister entièrement, corps et esprit, à être aussi libre que son amie pianiste. On passe par toutes sortes d'émotions . On sent aussi le désarroi des hommes formatés dans une logique de possession. On perçoit quelques nuances de cette société métissée de différents peuples, où l'on parle un Français dans de multiples accents, La réserve anglo-saxonne qui s'oppose à l'exubérance latine...

Certains trouvent des parentés avec d'autres grands romans européens de cette époque qui exploraient la condition féminine et nous ont livré des héroïnes sublimes et tragiques. Celui-ci va plus loin . Edna veut échapper à toute tutelle masculine .
Un beau texte fluide qui nous questionne encore par delà le temps et l'océan.
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Kate Chopin est assez méconnue en France. C'est d'ailleurs un peu par hasard que j'étais tombée sur son nom. Ce manque de notoriété est bien regrettable lorsqu'on voit la qualité de son roman « l'éveil ».

« L'éveil » a beaucoup été comparé à « Madame Bovary » de Flaubert. Il est vrai qu'on peut y voir un cousinage. Deux portraits de femmes finalement mal adaptées à leur époque, tentation de l'adultère, fin malheureuse, style réaliste. Mais malgré ces ressemblances, les deux romans sont tout de même assez dissemblables. J'ai trouvé que la tonalité des deux romans étaient très différentes. D'une part, cela est dû au contexte géographique. Dans « Madame Bovary » on est dans l'austérité d'une ville de province française tandis que dans « l'éveil » on est plongé dans le climat si singulier de la Louisiane. J'ai trouvé également que l'inadéquation des deux femmes à la société s'exprimaient de façon très différentes. J'ai toujours eu le sentiment qu'Emma Bovary se lançait à corps perdu dans l'adultère et dans la frivolité d'achats compulsifs, poussée par le désespoir. Au contraire, dans « l'éveil », Chopin dresse le portrait d'une femme qui se découvre une envie de vivre pour elle-même. Ainsi, si Edna se laisse tenter par l'adultère, il m'a semblé que ce n'était pas par désespoir mais parce que son corps et son coeur s'éveillent au désir. Emma Bovary est insatisfaite de son existence sans savoir ce qu'elle aurait voulu. Edna, au contraire, comprend peu à peu le genre de vie qu'elle aurait aimé connaître et si elle comprend également qu'elle n'aura pas droit de goûter à cette existence rêvée elle semble trouver une forme de satisfaction à avoir ressenti ces désirs, ces envies. Ces différences de ton se retrouvent même dans les dénouements.

Le roman de Kate Chopin est tout à fait remarquable. La peinture de la société créole de la fin du XIXème siècle est subtile et délicate. Un peu frivole, cette bonne société a des apparences de liberté, les femmes, même mariées, pouvant sans crainte du qu'en dira-t'on se trouver en compagnie d'hommes. Mais cette liberté n'est qu'apparence. Si les femmes ont le loisir de profiter de cette frivolité, elles sont malgré tout soumises à l'autorité masculine, que ce soit leurs pères ou leurs maris. Subtilement évoquée, l'évocation de cette prison féminine ouatée est frappante.
Les personnages féminins sont remarquablement caractérisés. En tête, bien sûr, Edna dont les doux tourments sont évoqués avec beaucoup de justesse. Ses pensées sont disséquées avec finesse et de façon très vivante. Les autres personnages féminins sont tout aussi intéressants. Mme Ratignolle incarne la femme modèle selon les critères de l'époque, mère et épouse dévouée qui ne vit qu'à travers son foyer. A l'opposé, Melle Reisz vit comme elle l'entend, dit ce qu'elle pense, ne se soucie pas de ce qu'on pourrait penser d'elle. Cette liberté a un prix. Sans être ostracisée, elle est largement critiquée.
Tandis que les portraits féminins sont fouillés, les personnages masculins intéressent moins Kate Chopin. C'est tout à fait volontaire et permet de se focaliser sur le sujet même du roman, la condition féminine. Ainsi, les personnages masculins sont réduits à l'état d'esquisses et certains sont assez interchangeables.

J'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture. La façon de traiter le sujet m'a captivée et j'ai été charmée par l'écriture de Kate Chopin. Je suis d'ailleurs ravie qu'un recueil de nouvelles de l'auteure m'attende déjà dans ma PAL.
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L'Eveil n'est pas sans faire penser à Madame Bovary. J'ai étudié l'oeuvre de Flaubert pour mon baccalauréat et Flaubert lui-même disait que son Madame Bovary était un “livre sur rien”. C'est un peu ce que l'on peut penser de L'Eveil. L'aspect très introspectif du roman m'a également rappelé le Mrs Dalloway de Virginia Woolf bien que les thèmes abordés soient différents. 

 

Edna Pontellier est une mère de famille qui vit en Louisiane. Son mari et elle ont une belle situation et leur famille est bien intégrée dans la bonne société de la ville. Toutefois Edna s'ennuie et découvre peu à peu des activités comme la peinture et la nage qui la sortent d'une forme de torpeur, d'un quotidien routinier et établi. Elle “s'éveille”. Mais elle s'éveille en négligeant ses devoirs, ne recevant plus ses amis et, aux yeux de certaines de ses connaissances, en minimisant l'amour qu'elle porte à ses enfants. 

 

C'est un roman délicat, descriptif et à l'écriture subtile. J'admets qu'il faut être concentré quand on décide de lire L'Éveil, mais les enjeux du roman sont tellement importants qu'on se recadre tout seul si notre esprit en vient à vagabonder ailleurs. 

 

Pendant de nombreuses années, L'Eveil a été censurée à cause de son côté subversif, de cette femme mariée dont l'esprit s'émancipe de son mari, des convenances et de sa place dans la société. Pendant plusieurs décennies, le roman n'a en effet pas été réédité, censuré par les bonnes moeurs de l'époque. Madame Bovary n'a-t-il également fait l'objet d'un procès lui aussi, avant d'être finalement réhabilité…? 

 

Un livre à lire pour une culture littéraire et féministe.

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Un livre intimiste et profond sur fond de féminisme et d'éveil des sens. Quel dommage que ce soit le seul roman de Kate Chopin...
Edna Pontellier est une jeune femme mariée, maman de deux jeunes garçons. Elle a une vie confortable, un mari gentil mais souvent absent pour affaires. Elle s'ennuie. Elle tombe amoureuse d'un autre homme et se pose des questions sur sa condition de femme... Tout bascule et tout se bouscule dans son esprit et dans sa vie

Un coup de coeur ! Pour moi une oeuvre magistrale de la littérature féministe. Edna Pontellier, l'héroïne de ce roman est plus que convaincante. L'écriture de Kate Chopin est précise, fine et remarquablement sensible. C'est un livre qui s'adresse autant aux hommes qu'aux femmes, car Kate Chopin n'écrivait pas contre les hommes, mais pour l'émancipation et la liberté des femmes.
Cette auteure ne connait le succès que depuis quelques années, mais encore trop peu en France à mon avis. Si je peux, par cette simple critique, contribuer à la faire connaître davantage, j'en suis ravie !
Lien : http://uneautrelecture.blogs..
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Un très court roman qui se déguste avec délectation, un verre de citronnade bien fraîche à la main.
Edna est jeune, jolie et mariée, elle a un mari gentil bien que souvent absent, deux petits garçons en parfaite santé mais voilà, elle s'ennuie. Alors, pour lutter contre ce vide qu'elle ressent, elle va céder aux avances d'un homme.
Cela la rendra t'-elle enfin heureuse ? Pas sûr…
Un "Emma Bovary" version Louisiane, avec des jolies robes en mousseline, du thé glacé, des terrasses ombragées l'après-midi, un soleil brûlant et des corps moites...
Ce très court roman nous emmène loin d'ici, dans un endroit où le temps semble figé sous une chape de chaleur et où l'héroïne semble complètement perdue dans sa vie trop parfaite.
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Du Jane Austen avec une grosse touche de féminisme. C'est un roman magnifique qui m'a profondément marqué et fait réfléchir à la liberté, l'émancipation des femmes, le bonheur personnel. Très bien écrit, l'atmosphère de la Louisiane est très présente et magnifiquement retranscrite.
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Une femme de la bonne société se découvre elle-même et ses propres aspirations au cours d'un séjour au bord de la mer et essaie de vivre plus en accord avec elle-même, avec les difficultés que ça implique vu l'époque.

Ce roman m'a rappelé un peu les livres d'Edith Wharton pour l'ambiance, le contexte et la façon d'aborder l'héroïne. La description de l'époque et de la société dans laquelle vit le personnage était intéressante. Mais tout l'intérêt du livre réside dans l'introspection à laquelle se livre Edna, dans son évolution et la façon dont elle essaie de changer sa vie pour se sentir plus en phase avec elle-même. Il y a une réflexion intéressante sur le regard des autres, la pression sociale, sur le mariage et sur la maternité. Certains éléments sont très modernes, on se pose toujours certaines de ces questions aujourd'hui.

Le seul reproche que j'aurais à faire est que la prise de conscience de l'héroïne soit due à un homme, comme si une femme ne pouvait pas prendre conscience d'elle-même et de ses désirs sans un mec. Mais j'imagine que pour l'époque (1899) c'était déjà beaucoup, vu que le livre avait fait scandale. J'aurais également davantage apprécié une fin différente.

Une lecture intéressante, même si pas forcément palpitante, qui traite de la condition des femmes et de leurs aspirations.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Quelle belle lecture que celle de « L'éveil », de Kate Chopin ! Grand classique de la littérature américaine, il reste peu connu de par chez nous, et cela est bien dommage, tant son récit d'émancipation féminine allié à une écriture fine et touchante en font un petit bijou.
Nous sommes dans la Louisiane du XIXème siècle. Les épouses trompent leur ennui lors de séjours en bord de mer, où les nounous s'occupent des enfants pendant que les mères badinent avec ceux qui les entourent. C'est ainsi que la belle Edna se lie avec Robert, le fils de son hôte. Tout d'abord sans ambiguïté, cette relation prend sans crier gare une autre tournure, et sort alors la jeune femme de sa torpeur…
Roman féministe bien avant l'heure, ce livre porte très bien son nom, en nous décrivant l'éclosion d'une femme libre dans une société patriarcale et puritaine. Tout d'abord résignée, Edna prend peu à peu conscience de sa condition, et décide alors de s'affranchir des codes pour se révéler. C'est peu de dire que le roman a fait scandale à sa sortie, et a même contraint son auteure à abandonner l'écriture. J'ai adoré le cadre de l'intrigue, dans ce Sud nonchalant et cultivé que j'avais tant aimé découvrir il y a vingt ans.
Bref, un beau coup de coeur.
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