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Critique de Biblioroz


De sa fascination, dans sa jeunesse, pour les personnages de la commedia dell'arte, Agatha Christie, en la personne d'Harley Quinn, crée son propre Arlequin, ou du moins celui qui vagabonde dans son imagination. Écrites ça et là, cette douzaine de petites histoires nous font découvrir cet énigmatique personnage qui apparaît toujours inopinément pour seconder un certain Mr Satterthwaite, petit homme mondain, riche et snob, se faisant conduire dans sa Rolls-Royce et passionné par les drames qui se jouent chez ses semblables.
La première apparition de Mr Quinn aura lieu dans un château, une nuit de fin d'année où Mr Satterthwaite fête le nouvel an avec quelques connaissances. Ils reviennent sur un évènement tragique, le suicide resté inexpliqué de l'ancien propriétaire de la demeure. L'intuition de Mr Satterthwaite laisse pressentir la menace d'un drame amoureux et cette perception se précise lorsqu'une panne de voiture amène un homme, à la voix posée, un certain Harley Quinn qui va très discrètement orienter les conversations vers un éclaircissement de cet acte fatal survenu plusieurs années en arrière. Selon lui, un laps de temps séparant les évènements du présent est nécessaire pour mettre en lumière la vérité.

Dans toutes ces nouvelles, on retrouvera plus ou moins le même schéma à savoir que Mr Quinn incite son ami à regarder les faits pour en souligner quelques points qui n'ont pas attiré l'attention mais qui offrent pourtant toute l'explication du drame. Mr Satterthwaite relate l'atmosphère, toujours avec talent, et, alors qu'il ne dit jamais directement les choses, Mr Quinn, armé de sa voix insinuante, le laisse en tirer toutes les conclusions.
Une évolution s'opère au fil des histoires car le mystérieux Mr Quinn est là pour changer le cours tranquille de la vie du petit homme snob ; de spectateur, celui-ci devient acteur dans la détresse humaine, notamment en influant sur l'envie de certaines personnes de mettre fin à leurs tourments. Mr Satterthwaite semblait vivre par procuration en épiant ce qui se passe dans la vie de ses semblables, il en sait long mais n'a rien vécu réellement et en éprouve parfois des regrets. Grâce à son ami imaginaire ou réel, il met à contribution sa vaste connaissance humaine tout en tenant désormais un rôle dans le devenir d'autrui.
Quant au rôle tenu par Mr Quinn, il s'avère de plus en plus énigmatique. Sa présence est de plus en plus fantomatique. L'auteure donne de petits éléments mais l'interrogation demeure avec son aura fantastique qui plane légèrement sur chaque nouvelle.
Les rencontres de ce duo hors du commun nous font voyager tantôt dans une auberge anglaise, tantôt en Corse, ou bien sur une île espagnole, ou sur le sentier de l'un d'entre eux… À Monte-Carlo, l'irrésistible snobisme de Mr Satterthwaite le fait se lamenter de l'absence de l'élite, toute l'aristocratie et les belles ladies aux magnifiques toilettes n'envahissent plus ces lieux, hélas pour le vieil homme !

On peut toujours faire confiance à Agatha Christie pour nous surprendre dans les fins qu'elle donne pour chaque épisode même si certaines d'entre elles résonnent faiblement alors que d'autres, complètement inattendues, m'ont laissée bien admirative. L'amour de la musique de Mr Satterthwaite donnera d'ailleurs une très surprenante nouvelle : sur un air d'opéra, un génie scientifique est à l'oeuvre. J'ai adoré l'extrême précision de ce déroulé parfait et ce fascinant final !

Un recueil mystérieux, intrigant, avec une surprenante approche de la vie, de la mort.
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