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Critique de indimoon


Enfant j'aimais m'accouder au balcon de ma tour HLM une fois la nuit tombée. Je regardais la ville illuminée, les voitures qui serpentaient, les passants tels des fourmis, 14 étages plus bas. Mon père me rejoignait et souvent nous levions les yeux vers le ciel piqué d'étoiles, une ouverture à l'infini revigorante lorsqu'on vit dans une petite cage perchée à 5O mètres du sol. Nous pouvions y rester des heures. Nous évoquions des théories d'astrophysique vulgarisées par Hubert Reeves lors des nuits des étoiles, L Univers est-il en expansion infinie ou va t-il au contraire s'effondrer sous l'effet de sa propre masse? Ce point lumineux que nous suivons des yeux tous les deux depuis quelques minutes, qui parfois s'arrête, semble changer de couleur...Est-ce un satellite, un avion, ou un vaisseau extra-terrestre? Voilà ce qui nous faisait fantasmer par-dessus tout, en bons fans de "rencontre du troisième type" de Spielberg, être témoins de leur passage!!
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Peut-être aussi parce qu'elle se lie directement à mon enfance et à des souvenirs partagés avec mon père, cette fascination pour une possible forme de vie extra-terrestre ne m'a jamais quittée. Mon goût pour la science-fiction non plus. Et quand un livre est capable d'ouvrir mon esprit à une nouvelle façon d'appréhender le sujet rebattu mille fois de possibles civilisations extra-terrestres je ne peux qu'applaudir son auteur. Je regardais il y a peu un documentaire sur K2-18 b, une planète potentiellement habitable à 124 années-lumières de la Terre, et alors qu'il était question du possible développement de vie sur cette planète, ma curiosité enthousiaste laissa une place à la méfiance, est-il vraiment raisonnable de chercher si E.T est là? Car j'ai repensé à "La forêt sombre" le deuxième tome de cette mémorable trilogie. Cette méfiance n'assombrit pas mon enthousiasme, elle l'enrichit. Alors Liu Cixin, je vous applaudis. Ce n'est pas simple de faire rentrer de nouvelles réactions dans ma petite tête dure. J'ai aimé le tome 1 "le problème à trois corps" véritable OLNI si singulier, patchwork assemblé avec génie. J'ai été déçue par le tome 2 qui ne m'a pas amenée où je l'espérais. le tome 3...m'a ramenée au 14ème étage, le regard au loin et l'esprit ébahi perché aux confins de l'Univers.
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le tome 3 est une apothéose de la trilogie en ce sens qu'il fait magistralement le lien entre les 3 livres et que son style très dynamique va d'inattendus rebondissements en surprises qui font remonter le sourcil (et se le gratter bien souvent mais à vitesse luminique basse, comprenez un grattage de réflexion et non un grattage nerveux.) Lui Cixin a tout de même eu la bonté, au milieu de concepts astrophysiques ardus, de créer une sorte de fil d'Ariane "les chroniques hors-temps", des chapitres intercalés avec ceux de l'action du livre, où un narrateur mystérieux établit les mémoires de la civilisation terrienne depuis l'annonce de l'arrivée des trisolariens. Ces chapitres ont le double intérêt d'apporter de la clarté sur des notions qui dépassent facilement les possibilités de compréhension d'une petite lectrice en attente de voir des E.T depuis son balcon, et de lier le tissu des différents tomes entres eux: le 2 et le 3 plus particulièrement, car l'on revient largement sur Luo Ji et le projet colmateur par exemple, ainsi certaines choses que je n'avais pas bien compris au tome 2 (en quoi consiste exactement la Dissuasion?) sont devenues limpides (ou presque).
Je vois en fait un troisième intérêt à ces chapitres, ils tempèrent l'action. Autant j'avais pu m'endormir sur des descriptions techniques de vaisseaux dans le tome 2, autant dans le 3 je ne me suis jamais assoupie. S'assoupir eût pu être fatal, dans ce tome où les siècles s'écoulent comme des secondes...La fin se passant à l'âge ahurissant du 18 mille 907 ième siècle de notre ère. Des bonds dans le temps ébouriffants, époustouflants, et des bonds dans l'espace à la limite de l'imaginable "Ils perdirent toute perception temporelle" dit Cixin des personnages à un moment très particuliers de leur évolution. Comme Cheng Xin le personnage principal il faut parfois accepter d'être "le grain de sable soufflé à sa guise par une brise céleste" nommée Liu Cixin...Juste ébahis par la force de certaines images, certains concepts, de ceux qui ont trait au destin de l'Univers, ses rouages et desseins.
Non content de nous agiter les neurones dans l'espace-temps, Liu Cixin s'emploie à briser toute direction attendue de son intrigue. Je n'ai jamais vu venir le chapitre suivant (crampe de sourcil, à force). L'auteur s'impose dans ce tome comme le maître de la dernière phrase de chapitre qui fait partir le suivant à 90 degrés de ce que l'on s'imaginait.
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Mais alors, elle est où la cinquième étoile?? J'aime tellement de choses chez Liu Cixin. "Terre errante" synthétise tout ce que j'aime chez lui, c'est une fable et une fable n'a pas besoin que tous les barreaux de l'échelle soient parfaitement alignés pour grimper aux étoiles.
Mais cette trilogie n'est pas une fable, et parfois certains barreaux m'ont manqué dans le tome 2 comme dans le 3, ou certains de biais ont freiné mon ascension. Je fais référence aux hasards incroyables à des situations frisant l'incohérence malgré une imagination hors du commun. Une oeuvre, sorte de colosse dans ce qu'elle dégage de puissance, aux pieds d'argile parfois lorsqu'on chemine le long des rouages de l'intrigue. Comme je n'arrive toujours pas à saisir le choix de Luo Ji en colmateur au tome 2, je trouve trop de hasards heureux à la destinée de Yan Tianming dans ce tome là, par exemple.
Et puis pour redescendre tout à fait sur Terre, maintenant, à regret, il y a un côté misogyne et nationaliste chez cet auteur que j'aime cependant, mais qui m'a gênée dans ce tome là, bien davantage que dans les autres.
Enfin, si mes cordes quantiques ont vibré parfois même un peu trop fort pour mon cerveau, la corde émotionnelle est quasi restée de marbre...Voilà un gros bémol, tout de même.
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