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Critique de Melisende


J'ai entendu parler de Susanna Clarke grâce à son célèbre Jonathan Strange & Mr Norrell qui m'a toujours beaucoup intriguée mais que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire. La couverture mystérieuse et la quatrième (faisant référence à Jane Austen) des Dames de Grâce Adieu m'ont intriguée, j'ai donc sauté sur l'occasion de découvrir cette auteure lorsque le recueil a été proposé en partenariat avec Robert Laffont sur Livraddict. Je remercie d'ailleurs la maison d'édition et l'équipe du site pour cet envoi.
Avant d'entrer dans le détail, je résumerais ma lecture en un « j'ai apprécié ma lecture, mais c'est tellement particulier - notamment dans le style et l'ambiance - que je comprends parfaitement que beaucoup se sentent perdus ».

Ce recueil compte donc huit contes plus ou moins longs. Les intrigues sont évidemment différentes, mais leur contexte est relativement similaire de l'une à l'autre : l'Angleterre, du XVIe au XIXe siècle.
Certains contes m'ont plus marquée que d'autres, notamment Mr Simonelli ou le Veuf-fée qui a été nommé pour le World Fantasy Award (un homme arrive dans un petit village pour prendre la suite du prêtre et tombe sur un homme-fée, il découvre alors la demeure de celui-ci et ses habitudes… notamment ses envies d'union avec de belles humaines) et les deux derniers courts textes du recueil, Grotesques et Frettes (Marie d'Ecosse cherche à éliminer Elizabeth d'Angleterre) et John Uskelass et le Charbonnier du Comté de Cumbria (le roi Corbeau tombe sur plus « fort » que lui).

J'avoue en revanche que j'ai été désappointée par celui qui donne son nom au recueil et qui ouvre celui-ci : Les Dames de Grâce Adieu. Il me semble que ce n'est pas le choix le plus judicieux car il ne s'agit pas du conte le plus « abordable » de cet ensemble. Je peux donc comprendre que certains lecteurs, ayant découvert ce premier conte, soient déstabilisés et n'aient pas forcément l'envie et la motivation d'aller voir plus loin.
En effet, ce premier conte est assez obscur, complètement mystérieux… et ne possède pas de « vrai » dénouement, ou du moins pas d'explication claire et précise. Nous sommes vraiment en présence de textes fantastiques purs et dures : les créatures et les évènements sont mystérieux, les personnages et les lecteurs doutent jusqu'au bout.

La littérature (et l'art) récente nous a habitués aux fées gentilles, douces, belles, envoûtantes… Susanna Clarke remet les choses à leur place en présentant des fées enchanteresses, douées pour l'illusion (je pense à leur utilisation de ce qu'on appelle parfois le « glamour », c‘est-à-dire que la fée prend une apparence attractive alors qu‘en réalité, son enveloppe est tout sauf attirante !), parfois joueuses mais surtout cruelles.
Avec ces contes, j'ai eu l'impression de lire des contes de fées « gothiques » (dans le sens de la littérature gothique du XIXe siècle) avec cette atmosphère bien particulière. Je n'ai eu aucun mal à m'imaginer les landes anglaises dans des tons bleus/gris avec une brume épaisse cachant des arbres à moitié morts et bien des mystères. Je voyais les personnages dans des vêtements sombres, évoluant dans de petits villages isolés nichés entre des collines et des forêts sombres… et cette ambiance très étrange, très mystérieuse m'a énormément plu.

J'ai également beaucoup aimé les références que Susanna Clarke glisse à d'autres oeuvres et même à l'Histoire avec un grand -H ! Elle met effectivement en scène les personnages de son précédent roman Jonathan Strange & Mr Norrell, place un de ses huit contes dans l'univers créé par Neil Gaiman dans son Stardust (dans le village de Wall et la « féérie » qui côtoie celui-ci) et s'attarde même, le temps de quelques pages, sur l'histoire de Marie (reine d'Ecosse), cherchant à éliminer Elizabeth (reine d'Angleterre) au XVIe siècle.

Avec tout ça, quel rapport avec Jane Austen, me demanderez-vous ? Je pense qu'on peut trouver quelques similitudes avec le décor anglais proposé et il me semble avoir aussi relevé quelques clins d'oeil à l'oeuvre austenienne (dans Mr Simonelli ou le veuf-fée, cinq soeurs ayant les prénoms des héroïnes austeniennes, cherchent à se marier).
Cependant, je pense que ce qui a motivé la comparaison dans la quatrième de couverture, c'est peut-être la plume, bien que je trouve, personnellement, le style de Jane Austen, plus mordant et également plus abordable. Celui de Susanna Clarke n'est pas désagréable, non, pas du tout, au contraire. Mais, très riche, très portée sur le détail avec un côté assez froid et impersonnel (qui tient peut-être plus du genre qu'est le conte de fées), il faut avouer que la plume de l'auteure des Dames de Grâce Adieu n'est pas des plus fluides. Ce n'est donc pas une lecture facile, il faut s'accrocher. En revanche, j'avoue que j'ai beaucoup apprécié certains contes qui utilisent le français classique (et donc l'anglais classique dans l'original, j'imagine), les -ait se transforment donc en -oit, des -s se glissent à la place des accents circonflexes (forêt -> forest)… C'est parfaitement lisible et donne à la lecture un petit aspect désuet qui n'est pas désagréable.

Avant de conclure en résumant mon ressenti, je tiens à féliciter Charles Vess pour ses nombreuses et magnifiques illustrations (au moins deux par conte, la première pour accompagner le titre, la seconde pour offrir l'image d'une scène en particulier). En noir et blanc, type gravures, elles valorisent l'ensemble, c'est agréable à l'oeil.

Finalement, je n'ai pas adoré cette lecture mais je l'ai appréciée. Certains contes m'ont évidemment plus charmée que d'autres mais dans l'ensemble, je retiens l'aspect très « fantastique gothique » de l'univers mis en place par Susanna Clarke qui offre ainsi une ambiance très particulière, qui m'a plu. En revanche, même si la plume est travaillée et très belle, elle n'est pas toujours très fluide et mérite une lecture consciencieuse. Tous ne pourront donc pas apprécier ces contes aux sujets étranges et au style très riche.
Lien : http://bazar-de-la-litteratu..
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