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Citations sur Sous d'autres formes nous reviendrons (18)

::: sous terre on le sait les défunts pompéiens durent patienter sous trois mètres de terre pesante, calés voûtés pliés sous des tombereaux de lave, de pierres ponces, blanches puis gris verdâtre, de couches de sable volcanique et de lapilli, de cendre et de sable mêlés de bois calciné, et encore de la cendre, encore des lapilli, puis, enfin, couronnant le tout, la terre, rien que la terre, à fouler mille fois sous d’autres temps par d’autres hommes d’autres mémoires, d’autres mémoires d’hommes nus eux aussi,

::: et il faut attendre 1860 pour qu’une parodie de renaissance soit offerte aux cadavres vésuviens, et qu’un inspecteur des fouilles du nom de Giuseppe Fiorelli injecte du plâtre liquide sous pression dans les cavités ménagées par leurs corps défendus, travaillant ainsi à creux perdu, puisque telle est la formule de rigueur, confectionnant un moule à partir de celui, naturel, créé par l’alliage de roches et de cendres, n’ayant plus alors qu’à détruire le moule ainsi obtenu pour mettre à nu le plâtre originel, et dans ce travail à creux perdu se joue peut-être l’impossible résurrection, l’ultime avatar de la chose humaine tour à tour surprise effrayée asphyxiée ensevelie calcinée décomposée moulée exhumée démoulée et enfin exposée, son être transitoire renonçant à la vanité de sa présence sur terre pour s’épanouir dans la vacuité de son absence sous terre, renaissant alors, à la faveur d’une archéologique prestidigitation, sous forme statuaire, comme si vivant l’enterré l’était en soi-même, sa mort à jamais protégée • car c’est tout de suite, c’est à présent, c’est maintenant à chaque instant que s’accomplit sous nos yeux la tombée en cendres de nos existences • délivrés de nos souffles, [frédéric boyer]
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::: allégeance ou révolte, quel parti prendre à force de voir mourir l’autre, rongé par les mites d’une maladie plus vicieuse que la jalousie, usé en paillassons de chair par les ans devenus dominos qui dans leur chute entraînent les pauvres numéros que nous sommes et dont l’addition fait pitié,
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::: si les objets sont pareils à des morts, et qu’une fois déposés sur la toile ils deviennent ce qu’on appelle des vanités, se peut-il que sur la page – celle-ci ? – certaines choses finissent par prendre une teinte autre, une teinte en creux mais non moins éloquente, disons en vrac : la figure du père ou l’ombre de la mère, tel souvenir d’enfance tel dépôt de savoir, ce qui fait qu’une maille un jour s’est défaite, disons le vrac et tout ce qui va à l’avenant d’une vie mal vécue, et qui ici, tracé à l’encre noire, serait susceptible de trôner tel un crâne caressé par la lumière d’un Philippe de Champaigne, et aussitôt s’impose à moi une analogie, qu’à raison sans doute j’ai qualifiée plus haut d’inquiétude : un livre en sa somme, la somme qu’un livre assume, n’est-elle qu’un impur ramassis de vanités ?

::: de même que le peintre ordonne sur la toile les divers attributs de la vie vaine, de même l’écrivain ne fait-il pas de la page un autel, une branlante prédelle sur laquelle exhiber, maquillées, ses icônes intimes, otages du vide de la page qui tremble et ne tremble pas,

::: aveugle métier que celui d’écrivain, aveugle celui qui de ce métier fait et défait sa vie, amer ce cœur vinaigre qu’il presse éponge, ce cœur de rouille qu’il démonte rouage après rouage, le jour entier décanté en un bloc de nuit qu’il voudrait baroque, carrossé de mille palpitations, aveugle et sourd, imbécile, hanté de tout et de rien, et si ce métier est le mien c’est bien qu’en lui un vide m’attire, et que par sa pratique je cherche à faire rendre gorge à je ne sais quel horrible vacuum encombré de mots, à moins qu’il s’agisse d’éprouver la résistance d’une membrane, de percer cette drôle de peau de pourceau raclé qui enveloppe protège quoi recèle quoi interdit quoi – le secret de soi sûrement pas, la mémoire de ce qui me précède j’en doute – mais quoi alors, quel infâme couac, serait-ce l’énigme de la mort vivante qui scintille dans le travail d’écriture, comme si écrire c’était épouser une spirale descendante où se vrillant soi-même on pourrait s’extraire tout entier de soi-même, afin de laisser s’exprimer, une fois expulsé tout ce qui fait office de soi, l’être-trou, • la tristesse hideuse du vide, / du trou où il n’y a rien, / il ne souffle pas le rien, / il n’y a rien, / c’est autour du trou, / au point où les mots se retirent, / un trou sans mots, / syllabes sans sons • [artaud]

::: écrivant-écrivain au fond du vain cherchant à passer outre, est-ce là une ruse du vain, qui veut croire qu’en deçà il y a quelque chose, autre chose, ni vérité ni mensonge, juste un brin, un grain, une graine, à cultiver envers et contre tout, pour mieux recommencer, ne pas capituler, tant pis si c’est à rebours de soi qu’il faut désormais s’avancer • je me dis que quelqu’un qui n’est plus un vivant et, le temps de quelques lignes, pas un mort, ce doit être ça un écrivain • [fourcade]
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::: comme si nous ne savions pas, ne sentions pas le danger lié à l’oubli de mourir, comme si nous pensions qu’oublier de mourir pouvait nous rendre, quoi ? immortels ? mais qui ose le croire le dire l’écrire, qui est dupe de cette fausse foi • au fond de moi je vous avoue que je suis sûr d’être immortel / vanité essentielle • [pierre jean jouve]
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::: le sachant le voulant je reviens aux vanités
et les vanités me reviennent, dans mon corps
elles incubent et de lui se repaissent, comme
un amour ancien qui se croit tout permis, leur
heure n’est jamais la mienne, vanités chéries,
éternelles offenses à l’horloge du monde,
le bruit qu’elles font c’est le silence que
j’entends, et j’ai beau peupler de langage le
langage, rien n’y fait, le carton se détrempe le
papier se fend la peau cède, sous le paragraphe
rêvé et charnu on perçoit comme un très léger
vrombissement, la lugubre aria des vrillettes,
des larves de vrillettes qui forent inexorable-
ment pendant que que la langue lèche la langue,
mettant à nu une absurde cathédrale d’os,
et au centre de cette nef creuse et décharnée
que dire penser écrire ⦁ je ne suis rien / et
le monde m’échappe / je fais un grand tas
de bois de ma vie / et dans les longues nuits
venises / timidement m’en réchauffe / que fait
la flamme / qui s’élance impalpable ? / je ne
suis rien / que cet homme brûlé / voici les
parcours sans fin de la terrible mémoire du
monde / d’où je sors consumé / jamais né
pourtant ! / rien / vraiment / que brasero /
autour duquel / j’organise la danse ⦁ [venaille]
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::: du corps sacrifié, et voilà qu’ici surgit et
s’impose la vision d’Artaud vêtu de la bure
du moine intransigeant dans le film Lucrèce
Borgia, Savonarole transfiguré en vanité lui-
même, en acteur igné ⦁ parce que le théâtre
n’est pas cette parodie scénique où l’on
développe virtuellement et symboliquement
un mythe / mais ce creuset de feu et de viande
vraie où anatomiquement, / par piétinement
d’os, de membres et de syllabes, / se refont
les corps / et se présente physiquement et au
naturel l’acte mythique de faire un corps ⦁ sans
organes [artaud]
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le chant dernier…



::: le chant dernier de vanité, quand celui qui la
vilipendait finit par l'absorber au prix de sa
dissolution même, quand la seule chose qu'il
reste à faire c'est frapper • mon corps /
jusqu'à ce qu'il rende l'âme / et il devient de
plus en plus opaque / épais et sur-bondé /
c'est-à-dire se révolte et s'ardence à un plus
fort brasier [tonus] de vie, / les étincelles
reviennent, / tout au fond, / néant •


[artaud]
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holocauste invisible…



::: holocauste invisible et pourtant signifié,
l'Histoire repliée sur elle-même afin d'exaucer
les volontés du moine aspirant à périr brûlé
vif, la peur vissée dans l’œil d'Artaud tout
entier consacré à attiser et magnifier le mystère
du feu, feu sombre du corps de Satan, feu
solaire d'Héliogabale, feu germinal de Van
Gogh, et peut-être est-ce dans l'effrayant
secret de cette combustion que prend tout
son sens le projet de faire un corps, oui, peut-
être faut-il entendre, dans le glapissement
des viscères et le tintamarre des os, dans les
fureurs de fumée,



[artaud]
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Savonarole…



::: Savonarole hanté par Artaud tordu sur le
bûcher devenu autel dont pourtant ne sont
filmées ni les flammes ni la fumée, l'acteur
créant • par le feu intérieur ce qui n'existait
pas sur l'image •

[abel gance]
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::: (...), et de même qu’il existe des vierges encloses sous verre, ou plutôt des statuettes représentant la vierge que mouche une cloche, comme si on voulait en préservant cette sainte icône de la moindre poussière établir la preuve irréductible de sa virginité, et peut-être par là même changer son immaculée réclusion en éternité de solitude,

::: de même certaines de nos idées, forgées sans doute par le mensonge, nous les enfermons dans une bulle d’apparat, interdisant ainsi aux autres d’y toucher, les mettant au défi de déposer à leur surface l’insultante crasse de leur suspicion, jusqu’au jour où, soit maladresse, soit agacement, l’ensemble soudain bascule, le verre en mille éclats se disperse, et sur le sol c’est-à-dire sous nos yeux c’est-à-dire dans notre esprit voilà l’idée naguère pérenne réduite à sa plus concrète expression dispersion reddition, gisante parmi les gisantes,

::: les oubliées, et de même que Marie dé-transfigurée par quelque vandale apparaîtra sous la forme d’une femme en plastique enduite de peinture phosphorescente et pourvue d’une auréole amovible, de même l’idée, une fois dessertie de son socle de vaine évidence, nous semblera un piètre artefact, ou mieux, ou pire, une poupée sotte et qui plus est contenant peut-être, contenant encore, l’être tout aussi sot qui la crut à jamais à l’abri du calcaire du temps, le débile démiurge qui l’espéra pure alors qu’elle n’était que corruption manufacturée, plastique en sursis, enduit verdâtre, aussi verdâtre que les organes qui en elle et en nous à chaque seconde apprennent l’art de pourrir en silence • car nous allons comme des vessies soufflées, nous ne sommes pas plus qu’une bulle d’air • [pétrone]
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