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Critique de 5Arabella


Cette pièce est très importante dans l'oeuvre de Paul Claudel, il s'agit de la première pièce de l'auteur à être jouée, ce qui va changer son rapport à l'écriture, et permettre une vraie diffusion de son oeuvre, une rencontre avec un public. L'annonce faite à Marie a vraiment été écrite pour la scène : en 1909, le projet de monter La jeune fille Violaine est soumis à Claudel par le biais d'André Gide qui assure les intérêts littéraires de Claudel en France (qui à ce moment est en Chine). Claudel refuse, et propose de refondre son oeuvre. Il reprend le texte de la jeune fille Violaine, en garde la trame, mais apporte de nombreuses transformations.

La pièce est dénommée « mystère en 4 actes et un Prologue ». Dans le prologue, Violaine rencontre Pierre de Craon, le bâtisseur d'églises la nuit. Il l'a aimé, elle l'a repoussé, car elle aime son fiancé, Jacques. Elle lui exprime son pardon, et lui donne l'anneau d'or que Jacques lui a donné pour aider à la construction d'une église. Pierre lui avoue qu'il est devenu lépreux, ce qu'il vit comme un châtiment de son désir. Au moment de leur séparation, Violaine l'embrasse. Mara, sa soeur, cachée dans l'obscurité assiste à la fin de la scène.

Au premier acte, Anne Vercors, le père de Violaine et Mara annonce à son épouse qu'il a décidé le mariage de Violaine et de Jacques. Son épouse essaie de lui faire comprendre que Mara est amoureuse de Jacques et que le mariage de sa soeur risque de la pousser aux dernières extrémités. Mais Anne est décidé à faire le mariage le plus rapidement, d'autant plus qu'il veut partir immédiatement en pèlerinage à Jérusalem. Mara menace de se tuer, et demande à sa mère de parler à Violaine pour la dissuader de se marier avec Jacques. Anne ramène Jacques, Violaine exprime son accord au mariage, Anne dit adieu à sa famille avant de partir.

Au deuxième acte, Mara intrigue. Elle a révélé ce qu'elle a vu entre Pierre et Violaine à Jacques, qui ne la croit pas, et fait pression sur sa mère pour qu'elle transmette ses menaces de se tuer à Violaine. Violaine parle à Jacques, elle lui révèle qu'elle est devenue lépreuse. Jacques interprète cet aveu comme une confirmation de liens entre Violaine et Pierre, et décide la mettre dans une léproserie et ne pas l'épouser.

Au troisième acte, Mara vient à l'endroit où vit Violaine, lépreuse et aveugle. Sa petite fille est morte, et elle espère, que Violaine va la ressusciter. C'est la nuit de Noël, une étrange nuit entre la musique et les chants religieux, et le dialogue entre les deux soeurs, entre le profane et le sacré. Au matin, la petite fille est vivante, Violaine l'a d'une certaine façon de nouveau mise au monde.

Au quatrième acte, Mara vient de tuer Violaine. Pierre de Crayon guéri de la lèpre, la ramène agonisante dans la maison familiale. Elle révèle à Jacques se qui s'est vraiment passé et lui demande de pardonner à Mara. Pierre l'amène mourir ailleurs comme elle le souhaite. Anne de Vercors revient, lui et Jacques pardonnent à Mara.

Les transformations que Claudel a fait subir à La jeune fille Violaine vont à la fois dans le sens d'une simplification et d'une complexification. Une simplification de l'intrigue, qui devient plus limpide, moins conte sans doute, moins mélodrame aussi, des personnages qui sont plus humains, moins chargés, Mara n'est plus complètement cette sorcière méchante et cruelle de bout en bout, on sent poindre en elle une souffrance, une aspiration à quelque chose qu'elle ne peut saisir ; Pierre de Crayon n'est plus cet ange immaculé mais devient un homme, avec des désirs coupables, une violence possible.

En même temps, les niveaux d'interprétation et les parallèles sont plus nombreux. L'histoire se passe maintenant au Moyen-âge, nous sommes à l'époque de Jeanne d'Arc, dont le sacrifice et la mort vont sauver le pays, comme le sacrifice et la mort de Violaine vont sauver les membres de sa famille. C'est au final Mara qui révèle Violaine à elle-même en lui permettant de réaliser le miracle, et restaurer ainsi un espoir, un ordre du monde, alors que le roi Charles VII devient le souverain français et que la papauté sort du grand schisme d'Occident (les dates ne concordent pas complètement entre les deux en réalité, mais Claudel s'est autorisé un petit anachronisme pour renforcer sa symbolique).

La simplicité de l'action, un côté hiératique aussi, sont au final d'une grande efficacité dramatique. La pièce est sans conteste une réussite, elle a une grand cohérence et une grande force. Elle a souvent été mise en scène, c'est une des oeuvres phare de Claudel, incontestablement à juste titre.
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