Maman plaisante En tristesse je fais du quarante-deux, j'ai du mal à mettre les bottes, Vous êtes mon chausse-pied, mon plaisir avant la foudre. Nous sommes pris au piège, du sommet jusqu'au puits en passant par la case Se taire.
Nous connaissons les mailles du corps, comment elles se cherchent et se trouvent pour nous protéger des coups. Nous posons des questions sans réponses, les yeux de Maman nous invitent à ne plus demander. J’aimerais savoir, pourtant, d’où je viens, de quel amour je suis née, si je serai, même une fois, l’endroit de quelqu’un.
Te connaître ne m'éloigne ni de la route ni des phrases que je creuse entre deux garçons friables. Je me lève encore avec du soir dans la bouche, Léonce et Maman sont toujours ce que j'ai de plus cher. Je ne t'ai pas demandé de décider à ma place. Je n'ai pas découvert qui j'étais après ton doux visage. Je ne pleurais déjà plus avant tes beaux cheveux où se prend le silence. Mais depuis ton J'aimerais te revoir, tu es là et tu t'appelles Tard dans la nuit.
Nous regardons Papa priser dans la cour, Léonce demande Tu crois qu'on vient vraiment de lui ? Je dis j'ai l'impression, Parfois, j'ai envie de frapper pour me mettre à sa place et comprendre
nous implorons l'avenir de bien vouloir nous accepter.
Léonce demande Pourquoi tu marques leurs méchancetés ? Je lâche Parce qu'ils nous parlent, banane, On ne va pas faire les difficiles.
Depuis des lustres, Papa ne prononce plus nos prénoms, se jette sur le verbe, phrases courtes sans adjectif, sans complément, seulement des ordres et des martinets.
Je n'ai qu'une amie, Myriam, notre voisine. Elle comprend ma peur installée partout où je me trouve. Une image me hante et me dissuade d'avoir d'autres amies : j'invite Sonia à la ferme, je m'entends bien avec elle, nous jouons dans l'étable et nous apprenons à lire aux bêtes. Papa surgit, hurle Où est maman ? Je réponds je ne sais pas, je te présente Sonia, elle est dans ma classe. Papa lève les yeux au ciel, c'est ta mère que je veux, pas deux idiotes de votre âge. Il éteint et disparaît. Entre Sonia et moi, le courant ne passe plus. Notre amitié a sauté, nous sommes dans le noir. Nous rangeons le banc et rassurons les bêtes. Sonia jette "il est tard, je dois rentrer". Je la raccompagne au portail. Je bredouille "je suis désolée mon père fait toujours ça". Je regarde Sonia s'éloigner, qui fait semblant de m'avoir appréciée. Je n'ai pas le courage de porter plainte pour effraction de ce que j'aime.
Je m'apprete à répondre sans demander mon reste, comme j'ai senti ma vie très tôt se rompre en mille fragments de plaisirs étalés et de douleurs retenues.
Je trouve dans le grec ce que je cherchais sans pouvoir l'obtenir : un temps qui m'appartient, une terre natale enfouie sous mes sarments de petite fille, une passion qui bat sans me priver, plus sûr que le sang capricieux qui m'arrose, plus calme que la brûlure des familles.