Nous sommes tous des bouquets. Tous. Quelques fleurs fanent, on les retire, on en ajouté de nouvelles, plus fraîches, on détache quelques pétales abîmés, mais le bouquet reste un bouquet.
Dans ce bistrot qui avait été le témoin des comédies de nos vies, j'étais scotché à mon siège, écrasé par la force centrifuge de l'instant, sans aucune idée du destin qui allait se jouer.
Le reflet de ma mélancolie s'émousse comme l'écume qui me chatouille les pieds.
J'adore quand ils font les cons, beaucoup moins quand ils le sont tout court.
C'est lorsqu'on doute que tout foire en général.
Je risquais ma peau, ma vie, mon job. Jérôme, pourtant, avait raison. Qu'est-ce que c'était au regard de notre amitié, de nos liens tissés hier et aujourd'hui ? Rien. Une goutte d'eau. Un événement insignifiant. J'étais prêt à tout casser pour rester fidèle à notre pacte.
Elle n’avait pas changé. Toujours aussi blonde, toujours aussi belle. En temps normal,
j’aurais eu une envie de fourrer ma bouche entre ses seins. Mais là, rien. Libido
zéro. Elle l’a remarqué. Face à mon accoutrement, elle a éclaté de rire.
Ça faisait aussi partie des consignes. Faire comme si.
Ne rien changer. J’ai rien dit, obtempéré et répondu aux ordres. Même si je n’en menais
pas large. Et, au lieu d’aller à Vincennes pour notre footing, j’ai filé droit à la
Salpêtrière. J’ai cherché le pavillon de cardio.
Les jours heureux ne s’oublient pas. C’est le
meilleur moyen de vivre son deuil. Le mien en tout cas. Je ne veux plus jamais être
triste.
Faire quelque chose
de mes dix doigts, être utile, être utile, être utile. Jérôme n’était pas du genre
à se laisser aller non plus. J’aimerais croire qu’il a un peu hérité de moi. Mais
je n’ai pas eu besoin de lui montrer grand-chose. Il a toujours été un chouette gamin.
Un père aimant.