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Critique de CritiqueOuest


Le coeur de l'Angleterre, Jonathan Coe, Editions Gallimard

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L'Angleterre des années 2010 fait en quelque sorte du street style. Les réseaux sociaux, les tabloïds occupent de manière virale les rues et l'espace public, jusqu'à s'insinuer dans les maisons et appartements. de Londres à Birmingham, le long de la Severn jusqu'à Hartlepool les esprits sont accaparés par l'Histoire en train de s'écrire, la propagande qui trépigne, et la chose politique en mutation.

Le moment d'union nationale des britanniques émerveillés par les représentations symboliques et artistiques de l'identité anglaise lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques - Donnez leur du pain et des jeux ! - est un aparté dans l'embrasure de la porte de l'Europe que l'on essaie de fermer. La campagne référendaire anti-immigration et eurosceptique du UKIP rentre en concurrence directe avec l'euroscepticisme latent des Tories contraints de radicaliser la position conservatrice au détriment d'une coalition avec les libéraux-démocrates. Les travaillistes enchaînent les Badbuzz, une campagne de dénigrement prêtant à leur leader une ascendance marxiste, preuve s'il en fallait du caractère héréditaire de l'idéologie politique. Les raisonnements spécieux trouvent leur terreau. le politiquement correct excède. le cryptoracisme gagne du terrain. La honte fortement corrélée à la descente aux Enfers dans les banques alimentaires laissent aussi gagner l'amertume. Il n'en faut pas plus que des émeutes pour parachever le tableau. Mais cela, c'est la grande histoire.

Sur l'air connu du comment-en-est-on-arrivé-là, Jonathan Coe créé la rétrospective intimiste, littéraire des partisans du Leave et de ceux du Remain, laquelle prend des allures d'autopsie grandeur nature pré-Brexit. Ses personnages bigarrés défilent à coeur battant, témoignant des causes personnelles du retrait, à Londres et dans les Midlands, des frustrations professionnelles à la misère ordinaire. Survient alors l'Angleterre des bassins ouvriers nostalgique d'un passé pas si lointain mystifié oubliant au passage le déclin de l'industrie sidérurgique des années 70, celle des élites urbaines universitaires bien-pensants ou cols blancs de la City calfeutrées dans une idéologie nécrosée, et puis celle éviscérée du progressisme ante #MeToo suspendue au regard de l'Europe.

Mais c'est certainement l'Angleterre contemplative incarnée par l'homme du Booker Prize qui est la plus désarmante pour le lecteur. Celle qui, mutique, se détourne de l'histoire nationale pour se repaître de sa géographie intérieure et poétique autour de la figure romantique d'un amour perdu.
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