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Critique de fbalestas


Qui n'a jamais rêvé de quitter son train-train habituel, sa petite vie étriquée, pour côtoyer subitement des vedettes de cinéma et un grand réalisateur ? Voilà un autre grand coup de coeur de l'année pour moi, avec une nouvelle fois un auteur britannique – Jonathan Coe – au sommet de son art littéraire.

C'est ce qui va arriver à la petite Calista, originaire d'Athènes, mais en voyage aux Etats-Unis, qui, par le plus grand des hasards, parce qu'elle a rencontré une fille sympa qui voyage elle aussi, et que celle-ci est invitée chez un ami de ses parents, va se retrouver subitement propulsée à Los Angeles à la table d'un très grand metteur en scène hollywoodien dont elle a à peine entendu parler, et, après un repas pantagruélique se retrouvait à dormir chez lui ayant un peu trop abusé de l'alcool qu'elle maîtrise mal du fait de sa jeunesse.
L'histoire aurait pu s'arrêter là et Jonathan Coe n'aurait pas fait un grand livre. Mais il se trouve que le grand metteur en scène – Billy Wilder, vous vous en doutiez – doit tourner en Grèce et qu'il se souvient de la petite Calista qu'il fait venir pour assurer la traduction (il faut dire qu'elle est bilingue anglais – par sa mère – et grecque – par son père). En fait il va surtout devenir la confidente et l'assistante du scénariste, Mr Iz Diamond, qui est le double de Billy Wilder dans tous ses films. Celui-ci veille comme sur la prunelle de ses yeux à ce que les acteurs respectent le texte qui a été écrit à la virgule près – une autre époque, comme on le comprend très vite.
Et quand encore Mr Diamond invite Calista à la suivre à Munich pour la suite du tournage, la jeune Calista est au firmament – ou presque. Il faut avouer que le grand cinéaste a quelques problèmes avec les producteurs hollywoodiens, et que seuls les Allemands ont accepté de financer son projet.

Jonathan Coe alterne habilement le récit de cette époque merveilleuse pour la jeune Grecque avec celle de Calista devenue adulte, dotée d'un mari et de deux filles, vivant en Angleterre, et entre temps étant devenue compositrice de musiques de films.

Nous sommes en 1978. Billy Wilder, qui a connu le succès avec son coscénariste, adapte à ce moment une nouvelle dont il garde le titre, Fedora », l'histoire d'une star déchue du cinéma, retirée dans une île grecque. Mais pour le grand réalisateur, c'est le « champ du cygne » : de jeunes réalisateurs ont conquis Hollywood, caméra à l'épaule ou dialogues sur le vif adaptés par les acteurs, des « barbus » comme il les nomme – il y est question du jeune Spielberg qui a fait un film sur un requin ( !), de Scorsese ou de Coppola - qui vont bientôt faire de lui un réalisateur dépassé, ou pire un « has-been ».

Au coeur du roman, Jonathan Coe se risque à glisser l'écriture d'un scénario. Et c'est très réussi. Preuve que le grand auteur britannique est à l'aise dans tous les genres. Très bel hommage à Billy Wilder, qu'on redécouvre aujourd'hui, et à l'univers du cinéma en général, que l'auteur a su si bien capter (L'auteur indique dans la dernière partie les emprunts à de vraies citations dont il parsème son récit).

Jonathan Coe renoue ici avec une tradition littéraire qui a déjà fait son succès ; on retrouve des accents de « La pluie, avant qu'elle tombe », avec ses allers et retours dans le passé plein de nostalgie et de tendresse pour ses personnages.
Calista est un personnage vraiment attachant, ce genre de jeune femme qu'on aurait aimé connaître, et on comprend que le scénariste attitré, beaucoup plus âgé qu'elle, se prenne d'affection pour une toute jeune femme qui ne connaît rien au cinéma.

Mais la scène la plus succulente, si je peux me permettre, est une scène (tirée d'un souvenir bien réel lors d'un tournage en France) où Billy Wilder, contre toute attente, et alors qu'il est attendu sur le tournage, prend le temps de faire un détour sur les chemins de Normandie pour déguster un véritable morceau de brie à la ferme. L'auteur signe là quelques pages d'anthologie que je vous recommande.

Du grand Jonathan Coe, donc, qui nous donne immédiatement l'envie de se précipiter revoir ce « Fedora » ou toute autre séance … pourvu qu'elle soit derrière un grand écran.
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