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Critique de AnneCath


Enfin un livre de Coetzee dans lequel on décèle un semblant d'espoir, voire même un peu d'humour! ça ne fait pas de mal...

Car il faut bien l'admettre : ses oeuvres sont habituellement empreintes de pessimisme et de fatalisme (réalisme, rétorqueraient certains).

Mieux vaut ne pas se mettre à lire Disgrâce, ou encore Michaël K, sa vie, son temps, si l'on n'a pas le moral bien accroché, sous peine de le retrouver dans les chaussettes ! Et si on est de nature à déprimer, la lecture de ces textes conforte à coup sûr dans cette voie royale... Rien de mieux pour ne pas (s')en sortir !

Pour ma part, je n'arrive décidément pas à faire abstraction de cet aspect des choses : dans les lectures, tout comme dans la vie d'ailleurs, il me faut un minimum de notes positives, et de raisons d'espérer. Sinon, comment avoir envie d'avancer ?

Cette remarque ne concerne pas que les livres : prenons par ex. les chansons de Leonard Cohen : bien que d'une rare profondeur (si, si ! voir les traductions ici), elles sont empreintes à mon goût de beaucoup trop de mélancolie. le côté Lucky Luke (I'm a poor lonesome cow-boy) m'agace particulièrement, implacablement fataliste et irréversiblement défaitiste, avec un soupçon de condescendance, mais c'est sûrement parce que je n'en suis pas un ...de boy, pas de cow-boy!

Et dire qu'il y a des gens qui se complaisent dans cette noirceur ambiante. Pire ! qui la traque inlassablement au travers des livres, la musique, la vie quotidienne, comme une justification à leurs propres doutes (ou certitudes? je ne sais pas). Outre le fait que j'aie du mal à imaginer qu'on puisse fonctionner de cette manière, j'avoue que je ne supporte plus cet état d'esprit ou alors à dose très très homéopathique...

Tout cela pour dire que j'avais un à priori défavorable vis à vis de Coetzee. Non que je lui reconnaisse aucun talent, bien au contraire : c'est un virtuose de l'écriture (Prix Nobel 2003), un brillant analyste de la société, un fin psycho-sociologue, il sait exprimer les choses les moins faciles et a le courage de traiter des sujets les plus sensibles de notre temps, et ce, de manière universelle. Mais, voilà : selon moi, l'excès de noirceur tue la fiction...

L'Homme ralenti (en plein vol) : c'est une histoire qui débute en effet par un vol plané, en recherche de grâce. La retombée brutale sur le bitume marque la fin d'un règne -au masculin, détail important- pour Paul Rayment qui vient d'être mis à bas de son vélo par un jeune chauffard. Amputé de la jambe droite, il se découvre amoindri, sans avenir, sans famille, sans véritable passion, et surtout dépendant de la bienveillance d'autrui. Cette jambe manquante met en péril l'équilibre déjà précaire de sa vie de sexagénaire solitaire. Son univers se rétrécit aux limites de l'appartement qu'il occupe à Adélaïde en Australie. Il sait qu'il ne s'élargira plus. C'est une vie circonscrite qui l'attend. C'est le fantôme d'un homme qui se retourne avec regret vers le temps dont il n'a pas fait bon usage, sa plus grande souffrance étant de devoir mourir sans enfants.

En catastrophe, il essaie alors de se raccrocher à l'illusion d'un amour -désintéressé, pense t'il- pour Marijana, son auxiliaire de vie, une femme qu'il admire pour son énergie débordante et pour le bonheur qu'elle semble porter en, sur et avec elle. Et tant qu'à risquer de tout perdre dans sa chûte aveugle, il se prend d'une affection irrationnelle pour la famille de Marijana (ses enfants, son mari), qu'il se propose de prendre sous sa coupe, pensant ainsi accéder aux bonheurs d'une vie de famille qu'il n'a jamais eue. Il s'y agrippe même comme à une bouée de sauvetage, ou comme un ver à un fruit...

On comprend dès lors que cet homme qui réagit en fonction de ce que lui dicte son cerveau, (dont on découvre toutes les errances), et non ses sentiments, se trouve dans une impasse, et qu'il fonce droit dans le mur : l'amour ne s'achète pas, pas plus qu'une famille. Acculé, Paul Rayment semble pourtant résolu à aller jusqu'au bout de ses certitudes. Comme tout mâle qui se respecte. Celui qui n'a jamais su ni donner, ni aimer, veut maintenant se faire aimer, à tout prix.

C'est Elisabeth Costello, une sorte de double ...féminin (ce n'est pas un hasard), surgissant de nulle part (auteur de romans, dont Paul Rayment serait un des personnages?), qui va l'alerter sur l'inconvenance et le non sens de son attitude. Elle s'est donné pour mission de l'accompagner vers un avenir prévisible, sous entendu : supportable et viable. Elle parvient à lui faire comprendre qu'il court après des chimères. Là aussi, comme tout mâle qui se respecte...

Voilà, je n'en dirais pas plus sur ce livre... si ce n'est qu'il est à lire absolument !
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