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Critique de chnain


Albert Cohen est un auteur remarquable : imaginatif, volubile, passionné, tendre et provocateur, sa maîtrise de la langue en a fait un auteur incontournable.

Lorsque l'on découvre Cohen, il faut mieux lire ses oeuvres dans un certain ordre chronologique, c'est pourquoi je vous conseille de commencer par Solal ou Mangeclous. Car l'oeuvre de Cohen possède une très grande unité : les mêmes personnages interviennent dans chacun de ses romans. Ils forment une famille, d'ailleurs très attachante, d'oncles (les " Valeureux ", les " Merveilleux ") gravitant autour de Solal, le jeune neveu prodigue.

Solal est d'ailleurs le personnage principal de Belle du Seigneur. Ses oncles apparaissent encore, souvent ridicules, mais bavards, drôles et attachants (parfois proches de la parodie juive, mais Cohen semblait bien placé pour s'en moquer, et il ne les aimait pas moins). Mais Solal reste le centre du livre : c'est lui le séducteur qui choisit sa proie, Ariane, fille de nobles genevois, un peu simplette et surtout très romantique, et va l'amener à l'esclavage amoureux le plus complet.

Mais comment se fait-il alors que ce livre soit jugé comme le " plus beau roman d'amour jamais écrit " ?
Cohen nous décrit en effet la passion, mais en prenant les différents points de vue.

Celui d'Ariane tout d'abord, et on y voit un humour très cynique à décrire les émotions et aspirations de la jeune femme, innocente, immature, rêveuse. le trait est parfois méchant, tant il se complaît à ridiculiser la jeune femme. Peut-on y voir de la mysoginie de la part de Cohen ? Oui, un peu sans doute. Mais c'est surtout qu'il veut montrer que l'amour est souvent au delà des êtres qui le vivent, plus beau, sublimé, et que rares sont ceux et celles qui savent s'engager dans un amour vrai jusqu'au bout. Les détails les plus mesquins viennent tacher cet amour, mais en même temps le quotidien fait partie de cet amour.

Le point de vue de Solal est de son côté bien plus complexe, il est double. Car Solal recherche la perfection, l'amour vrai, celui qui va au-delà de l'apparence physique (d'où l'une de ses premières apparitions devant Ariane, déguisé en vieux clochard), ainsi que la pureté : un amour qui se passe des considérations sociales, du regard des autres, de la reconnaissance. Mais il est en même temps extrêmement lucide et s'aperçoit que l'amour idéal n'existe pas. Il en vient à être même dégoûté de l'acte sexuel, qu'Ariane accepte et désire avec honte.
Et surtout, il comprend que le sentiment d'amour passionnel ne vit que dans l'obstacle, le manque, et sa tentative d'amour absolu , lorsqu'il en vient à s'enfermer avec Ariane dans un hôtel, après avoir quitté son boulot et sa famille, se solde par un échec : le dégoût, la lassitude vient remplacer l'amour.

Constat cynique et poignant : il n'y a pas d'amour heureux…

Belle du Seigneur reste encore un chef d'oeuvre de la littérature moderne, à lire et relire, malgré sa taille volumineuse qui a failli me décourager. Certaines scènes sont vraiment drôles, notamment au début, lorsque Cohen s'amuse à décrire la bêtise de l'administration genevoise qu'il a lui-même connu, lorsqu'il parodie la noblesse hypocrite, lorsqu'aussi il décrit le processus quasi animal de la séduction…

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