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Critique de beatriceferon


Colette est née en 1873. On célèbre donc cette année son cent cinquantième anniversaire.
C'est une auteure que j'aime beaucoup et je possède énormément d'ouvrages qui lui sont consacrés. Outre ses propres oeuvres, la correspondance, des biographies, des critiques, des bande dessinées...
Peu avant sa mort, en 1954, le journaliste André Parinaud, qui éprouvait une vive admiration pour cette femme si singulière, décide de lui consacrer des émissions. Il propose son idée « à la chaîne nationale de la Radiodiffusion française » qui accepte.
Pas question de faire venir Colette dans les studios. Depuis un certain temps déjà, elle souffre de polyarthrite et ne quitte plus son appartement du Palais-Royal. C'est le critique qui se déplace et qui la rencontre, assise sur son « lit-radeau » depuis lequel elle surveille la rue en contrebas (comme elle l'écrit dans « Paris de ma fenêtre »). C'est ainsi que naissent trente-cinq entretiens diffusés sur les ondes et qui ont été rassemblés dans ce volume publié par les éditions Archipoche.
Il commence par une préface, dans laquelle André Parinaud remonte le fil du temps et retrace brièvement la vie de Colette, laissant une large place à de nombreux extraits de son oeuvre pour illustrer ses propos. Cette partie est longue, elle occupe un tiers de l'ouvrage et permet aux lecteurs qui ne connaissent pas (ou pas bien) Colette de découvrir qui elle était, quelle était sa famille, comment elle est devenue écrivain, mais aussi d'autres aspects assez curieux de sa biographie, puisqu'elle a été mime, s'est occupée d'un institut de beauté, a rédigé de nombreuses critiques (d'art, de mode...), a travaillé dans le journalisme et a beaucoup voyagé.
Il aborde aussi l'univers de ses amours, multiples et compliquées, qui n'ont pas manqué de faire scandale (Willy, Bertrand de Jouvenel, Missy...), ses amitiés (Marguerite Moreno, Jean Cocteau, Marcel Proust et tant d'autres), son incroyable liberté (il intitule d'ailleurs cette partie « La femme la plus libre du monde ») et les nombreuses demeures dans lesquelles elle a vécu.
On trouvera ensuite la transcription des entretiens. Certes, je les trouve intéressants. Par exemple, André Parinaud ne se contente pas d'aborder l'oeuvre, dont il cite énormément d'extraits, mais aussi d'innombrables aspects de sa personnalité. Par exemple, on, verra que, enfant (et contrairement à beaucoup de personnes de cette époque), Colette était encouragée à lire par ses parents : « A huit ans, j'ai demandé qu'on me donnât pour mes étrennes les volumes parus (...) du théâtre de Labiche. On me les a donnés. »
Ma mère, par exemple, me racontait toujours, avec regret, que sa propre mère considérait la lecture comme une perte de temps, une activité d'oisif. Par chance, sa frustration a eu l'heureuse conséquence qu'elle-même nous laissait lire tant que nous voulions.
André Parinaud a également bien cerné ce qui donne une qualité incomparable aux romans de cette grande dame des lettres : « Votre oreille est musicale, votre tactilité d'une grande richesse de nuances, et votre sens gustatif est celui d'une gourmande. C'est cet ensemble sensoriel qui assure ce que je dénommerai les vertus de votre style. »
Mais, d'un autre côté, il me semble qu'il a parfois des idées préconçues et erronées. Ainsi, je pense qu'il n'a pas bien compris « La Chatte », un de mes romans préférés (allez savoir pourquoi!) Il dit : « Alain préfère sa chatte à sa femme ». Mais, selon moi, il ne s'agit pas du tout de la même sorte d'amour. D'ailleurs, Colette répond : « La chatte n'a pas d'arrière-pensée, mais la jeune femme en a une, ou plus précisément, elle les a toutes. »
Je trouve que, très souvent, les questions posées sont bien trop longues. Il n'est pas rare qu'elle occupent une page entière, ou même plus. Pour ma part, j'en aurais déjà oublié le début !
Souvent, il se répète, insiste, alors qu'on devine bien que Colette ne veut pas répondre. Ses formules se font de plus en plus lapidaires.
Je reprocherais également de nombreuses redites qui lassent le lecteur à la fin. J'avais parfois l'impression de relire des passages repris quasiment mot pour mot. Peut-être qu'à l'oral, cela ne choque pas, car on n'a pas tout retenu, mais, si on reprend les interviews, on pourrait les « toiletter » et en grouper les thèmes.
Le volume se termine par quelques appréciations des critiques parues à l'époque et par une « lettre d'Henry Barraud, directeur des programmes de la Radiodiffusion. »
Celui-ci insiste (assez lourdement) sur son droit de regard, je dirais même de censure, car il veut qu'André Parinaud lui soumette ses séances de montage avant de les diffuser. En effet, si Colette est émancipée (trop, à son avis), « la Radiodiffusion ne peut pas se permettre ces mêmes libertés de langage. »
Je n'ai pas pu m'empêcher de rire en découvrant ce cri du coeur : « Elle est dans son personnage en tenant des propos d'une grande liberté, mais d'une moralité propre à soulever la réprobation véhémente de tous les pères de famille soucieux de la protection de leurs jeunes filles. » (Autrement dit : « sois belle et tais-toi. Contente-toi de servir ton seigneur et maître en silence »). Il ajoute que, s'il n'a pas le temps de revoir lui-même les émissions, André Parinaud doit avoir la décence de s'autocensurer.
J'ai lu ce volume avec intérêt et je remercie Babelio et l'opération Masse critique, ainsi que les éditions Archipoche de m'avoir permis de le gagner .
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