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Critique de beatriceferon


Lorsqu'on découvre le corps d'Ivanka Jankovic baignant dans son sang, il n'est pas difficile d'arrêter le coupable idéal. C'est Nikola Stankovic, un réfugié croate, comme elle. Non seulement les preuves sont accablantes, mais pour seule défense, il répète en boucle : « C'est pas moi ». Il s'avère que ce jeune homme est également l'auteur des fresques pornographiques et violentes apparues depuis peu aux quatre coins de la capitale.
Seules deux personnes vont essayer de le comprendre : un avocat et une psychiatre.
Les amies auxquelles je demandais leur avis à propos de ce roman, le présentaient comme une fiction construite à partir des représentations qui ont défrayé la chronique et provoqué un scandale à Bruxelles. Ce n'est pas faux. Mais pour moi, le thème central, le plus important, celui de la violence des hommes, c'est à travers cette guerre en ex-Yougoslavie qu'il s'exprime et l'extermination barbare des civils croates par des milices serbes.
Au fil du livre, de temps à autre, un chapitre nous plonge dans cet univers d'une rare bestialité et donne lieu à des scènes difficiles à supporter pour une âme sensible comme la mienne.
Le début m'a paru déconcertant. D'emblée, nous voici plongés en plein interrogatoire au sein d'un commissariat. A la page suivante, c'est le bureau de Pauline Derval, directrice d'un « EDS » (établissement de défense sociale). Puis, sans transition, nous sommes à la prison de Nivelles, dans la cellule d'un certain Franco, dont on nous détaille les « exploits ». Ensuite, c'est un petit garçon qui nous tourne le dos et contemple un fleuve tout en songeant à son avenir. On est perdu. Ces épisodes n'ont, a priori, rien à voir les uns avec les autres. Patience. Bientôt, les réponses nous seront données. Au cinquième chapitre, nous rencontrons Maître Philippe Larivière, l'avocat auquel échoit la tâche délicate d'assurer la défense de Nikola Stankovic. Et que faire, en effet, quand votre client semble regarder dans le vide, ne répond à aucune question et se contente de seriner un sempiternel « C'est pas moi »?
A partir de là, les éléments vont commencer à s'assembler comme les pièces d'un puzzle. le lecteur en découvre un peu plus sur ce mystérieux Stankovic : un artiste peintre hors du commun dont la spécialité est ces fresques murales d'une singulière cruauté, réalisées en hauteur sur des murs aveugles pratiquement inaccessibles. C'est pourquoi on l'a surnommé « le funambule ». Vu le peu d'éléments dont ils disposent et le refus de coopérer du principal intéressé, difficile, pour les autorités, de décider s'il est responsable de ses actes ou s'il convient de l'interner en hôpital psychiatrique.
Deux personnes, surtout, vont se dépenser sans compter pour révéler celui qui se cache au fond de l'étrange suspect.
Pauline Derval qui « parlait peu, ne souriait pas, disait à peine bonjour, jamais merci » et, par conséquent, ne paraît guère sympathique, au point que, « en aparté, certains la surnommaient Sa Sévérité, d'autres Folcoche ». Contre toute attente, cette affreuse femme va dévoiler des facettes inattendues et se montrer beaucoup plus humaine qu'on ne l'aurait cru. L'autre est un avocat chevronné, Philippe Larivière, qui place la justice au-dessus de tout et qui est considéré par ses collaborateurs comme « sensible, voire émotif, quand la réalité et la cruauté du dossier le rattrapaient.»
La seule chose qui peut les aider dans leur quête, c'est que, si Nikola Stankovic ne parle pas, il peint. Ils vont donc chercher les secrets qui se dissimulent dans les oeuvres si particulières de cet artiste.
Paul Colize alterne les chapitres consacrés à chacun des protagonistes avec des rétrospectives centrées sur la guerre atroce qui fait rage à Vukovar dans les années 90. Ainsi, petit à petit, et pour le lecteur seulement, des parties de la vie de Niko sont révélées. Il avait huit ans au moment de cette boucherie et a vécu des événements horribles qui expliquent les oeuvres qu'il réalise.
Paul Colize relie entre elles ces peintures effrayantes et leur imagine une histoire plausible. Il mêle habilement réalité et fiction. Par exemple, pour en savoir plus sur cette guerre, Philippe Larivière interroge le journaliste Alain Lallemand qui existe bel et bien. A la fin du roman, il insère une interview du véritable auteur des fresques en question, qui préserve jalousement son anonymat.
Les personnages sont finement analysés et on s'attache à eux en dépit de leurs caractères singuliers.
C'est encore une chronique de Kirzy, sur Babelio, qui m'a donné l'envie de me plonger sans attendre dans cette aventure. Et je l'en remercie, car ce livre m'a énormément plu, bien que certaines scènes m'aient donné bien du mal, comme celle de cet enfant, témoin impuissant d'un crime innommable.
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