AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de sylviedoc


Ami lecteur sensible, passe ton chemin, ces Larmes Noires feront couler les tiennes et tu risques d'y perdre le peu d'optimisme qu'il nous reste actuellement. Je viens de lire quelques-unes des critiques sur ce roman, et je constate que, même bien avant l'année morose que nous vivons, nombre d'entre vous ont été bien secoués par ce conte d'anticipation (je ne sais pas trop comment le qualifier...) qui se déroule dans un futur très proche, début des années 2030, un futur que j'espère ne jamais voir devenir réalité.
Ce n'est pas mon premier "Collette", donc je savais heureusement à quoi m'attendre, sinon le choc aurait été encore plus violent. Ici, point de fin du monde, mais une société déshumanisée qui jette ses rebuts dans des casses quand elle n'a plus envie de les prendre en charge. Oui, mais les rebuts dont nous parlons ici, ce ne sont pas des vieux frigos ou des portables obsolètes, mais des hommes et des femmes, voire des enfants, qu'on parque par milliers dans les casses automobiles où sont entreposés nos vieux véhicules. Sauf que là, ces voitures et camionnettes ne seront plus broyées mais serviront de "domicile" aux laissés-pour-compte d'un système qui n'a plus rien de social, et qui a trouvé le moyen le plus économique pour "s'occuper" de ceux qu'on juge inutiles ou inadaptés, ceux qui ont eu la malchance de faire un pas de côté ou une erreur de parcours.
Moe est de ceux-là, elle dont la première erreur a été de quitter son île paradisiaque (enfin pour les touristes en tout cas) pour un Rodolphe même pas charmant, pour découvrir la ville en France, du moins le croyait-elle. En fait de ville, la voilà en pleine cambrousse au service d'un beauf alcoolo et de sa mère, à gratter quelques sous en faisant du ménage, et avec un petit de quatre mois, fruit d'une rencontre au bal, son seul petit plaisir. Alors, elle part, mais pas pour une jolie petite histoire, oh non !
Un petit répit chez la "bonne copine" Réjane, en banlieue parisienne, mais le boulot c'est difficile à trouver et surtout à garder quand on a personne pour s'occuper d'un marmot et qu'il faut l'emmener partout. Réjane en aura vite marre, et revoilà Moe sans domicile. Seconde erreur : se réfugier au service Urgences d'un hôpital. Vite repérée, la voilà dénoncée aux Services Sociaux. Fin de la première partie.
Vous pensez que c'est déjà glauque de se retrouver à la rue avec un bébé de quelques mois ? Sûr qu'il y a plus joyeux comme situation, mais c'est maintenant que les choses vont se corser, quand Moe va découvrir son nouveau lieu de vie, la Casse, où ça pue, où le danger est partout surtout pour une jeune femme, où les perspectives d'avenir se réduisent à bosser aux récoltes pour des clopinettes et où le logement pour elle et son bébé sera une 206 sans sièges arrière, emplacement 2167...et encore, on lui fait une fleur grâce au môme, c'est un bon emplacement !
Elle va vite comprendre, Moe, ce qu'il a de bon cet emplacement : ce sont ses voisines, cinq femmes solidaires et bienveillantes dont elle apprendra petit à petit tout ce qu'il faut savoir pour survivre dans cet environnement sans pitié. Cinq femmes dont on découvre au fil des chapitres pourquoi elles ont atterri là, des parcours brisés par la fuite d'un Afghanistan en guerre pour Ada, un mari tué dans les attentats de 2015 pour Poule, l'abandon pour Marie-Thé née dans une famille trop nombreuse et qui deviendra esclave une fois adoptée, une mère maltraitante et de mauvaises rencontres pour Jaja. Et il y a Nini Peau-de-Chien aussi, qui rêve d'en sortir de la casse, mais pour ça il faut beaucoup d'argent, 15 000€ le droit de sortie !
Si vous ne m'avez pas abandonnée en route, voici la récompense : non tout n'est pas pure horreur et noirceur dans cette histoire, il y a un rayon de soleil, et il est apporté par ces femmes qui vont aider, chacune à sa manière, Moe et Côme ( car il a bien un prénom cet enfant) à tenir le coup dans cet enfer sur terre. Elles m'ont émue, et même bouleversée quand chacune se raconte le soir autour du feu qu'elles allument pour recréer l'illusion d'un foyer, quand elles partagent de petits bonheurs ensemble, une bouchée au chocolat, une demi-bouteille de vin, ou juste un instant de paix.
J'ai eu des larmes qui sont montées, j'ai eu des envies de frapper, et parfois, l'ombre d'un sourire aussi. J'ai lu à petites doses, pour ne pas saturer, mais en même temps j'étais avide de retrouver mes héroïnes, de savoir si elles allaient bien, si Nini n'avait pas fait de bêtise...
L'écriture de Sandrine Collette m'a parfois un peu déroutée, les dialogues qui s'invitent dans la narration ou inversement, les phrases longues, mais syncopées, on sent l'urgence, l'inquiétude dans ce rythme un peu désordonné. Mais cela colle bien au récit, on ne peut pas raconter une telle histoire avec un style élégant et linéaire. Quelque chose m'a cependant dérangée, et en cela je rejoins Antyrya : il n'y a pas un homme sympathique dans ces 334 pages, ils sont tous absolument odieux. En même temps, c'est un futur odieux qui est dépeint... J'espère juste que ce n'est pas celui qui nous attend.
Pour conclure, je me rallie à plusieurs avis qui conseillent de ne pas commencer par ce roman pour découvrir Sandrine Collette. Il faut s'habituer doucement à son univers ! Mais si vous connaissez et appréciez, foncez !
Commenter  J’apprécie          5731



Ont apprécié cette critique (57)voir plus




{* *}