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4,02

sur 877 notes
Et bien et bien, quel roman ! J'en reste sans voix. C'est noir terriblement noir mais brillamment écrit, une plume précise, alerte, vivante, immersive à souhait. Un roman dur, cruel, sombre...

Moe a vingt-six ans quand elle décide de quitter son île avec son bébé sous le bras. Elle rêve de liberté la petite Moe, d'espoir, d'une vie meilleure. Mais Moe connaîtra l'enfer et le monde cruel des hommes. Là dans la Casse, les maisons sont remplacées par des voitures-dortoirs-poubelles. Un refuge pour les sans abris et les cas sociaux, Moe et son tout petit s'empaqueteront dans la misère la plus noire. Quand les Hommes sont amputés du coeur, quand la lumière s'éteint la nuit comme le jour, des grilles constamment fermées, ne reste que le demain, le plus tard auquel se raccrocher. La liberté coûte très cher, le bonheur inaccessible, l'espoir introuvable.
Moe se liera néanmoins d'amitié avec un petit groupe de femmes aussi cabossées qu'elle qui traînent leur maigre vie comme un chien en laisse sous la pluie. Seule l'amitié les tiendra debout, la cohésion a un clan, l'humain contre les bêtes...

Un roman très immersif dans lequel je me suis plongée sans relâche malgré sa noirceur. L'histoire tient la route en tous points, les personnages sont attachants et parfaitement travaillés. On ne quitte pas si facilement les larmes noires sur la terre. Très beau titre pour un roman qui semble pleurer des larmes noires ou des larmes de sang de tout son long.

Merci à mes amis Babelio qui m'avaient gentiment recommandé ce roman après ma déception de Juste après la vague.
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Chapeau bas madame Sandrine Collette !

Que dire de plus...
J'en perds mes mots, vraiment !
Cette histoire, c'est juste pas possible de lui trouver un qualificatif pour exprimer combien elle m'a touchée au coeur, combien elle m'a prise aux tripes...

Happée dès les premières pages.
Mon attention n'a pas flanchée un seul instant, tout le long de ma lecture.
J'avais hâte de connaitre l'histoire de Moe, de son petit garçon et de toutes ces femmes que l'on découvre au fil des pages de ce roman.
J'ai dû toutefois entreprendre quelques pauses tant la peur m'a tenaillée par moment...

"Allez ! J'tourne la page ! ... Oh nonnnnn... J'peux pas... Trop peur de la suite ! ... Mais si ! Courage ! Sandrine Collette, elle peut pas être aussi méchante !!! ... Mais, mais, ... et si... Ahhhh !!! Trop dur ! J'veux pas savoir ! ... Enfin... Si ! Mais non.... Trop difficile..."
Un petit exemple de ce que j'ai enduré...

Si peur pour elles, si peur pour lui...
Peur pour leur destin.
L'attachement aux personnages est si fort...
Il est intense, gigantesque, immesurable...
On tremble pour eux, vraiment !
Ils vivent pas si loin de nous !

Qui sait si ce n'est pas ce que nous réserve le futur ?
Un futur très proche.
Ici, Sandrine Collette, par le biais des différents portraits des protagonistes de cette histoire, aborde différentes situations , des faits de sociétés, des catastrophes passées et événements marquants qui ont faits notre actualité et chamboulés notre planète.
Là ! hier... aujourd'hui !
Elle nous projette dans quelques années...
Un monde qui est loin de s'être arrangé.

Difficile pour mon ventre de trouver un peu de répit...
Le noeud qui s'y trouvait, a été présent, toujours bien serré, d'un bout à l'autre...

Sandrine Collette m'a bouleversée !
Par son écriture, son style, unique !
Exceptionnel !

En un rien de temps, elle nous plonge dans l'univers, qu'elle a crée.
Elle nous embarque, littéralement !
Impossible de décrocher.
L'art de nous planter le décor ! D'y être ! En seulement quelques lignes...
D'y vivre... D'y survivre, plutôt !
De longues phrases, comme pour nous empêcher de respirer, tant l'atmosphère est austère, hostile, oppressant...
Une longue peine... sans limite, à perpétuité...
Le temps qui passe, interminable, qui nous broie les entrailles, par sa noirceur...

Je n'ai pas pu retenir mes larmes, face à la destinée de ces femmes et de ce petit bout.
Ce rayon de soleil, seule lumière de cette terre si sombre.

Une lecture qui n'a pas fini de me tourmenter !
Merci pour tout ça, madame Sandrine Collette...




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Moe a fait beaucoup d'erreurs dans sa vie. Des erreurs et des mauvais choix.
Impatiente de quitter son île natale que bon nombre de touristes convoitent, elle s'est laissée bercer par les mots doux que Rodolphe lui susurrait à l'oreille. Quinze mille kilomètres plus tard, la voilà sur les terres grises de la métropole à tout juste 20 ans. La plupart du temps seule, sans travail, sans amis et méprisée de par sa couleur de peau. Elle passe ses journées à nettoyer, ranger et faire à bouffer à son mari, souvent un verre de trop dans le nez. Et puis il y a eu la vieille, la grand-mère acariâtre et médisante de Rodolphe dont il a fallu s'occuper. Pour se changer les idées, elle sort parfois au bal le samedi soir. Et pour échapper à cette vie désenchantée, elle trouve un travail. Peu payé et ingrat mais qui lui donne l'espoir de rentrer chez elle. Elle et le petit. Un petit du bal sage comme une image. Impensable pour Moe de laisser son enfant grandir dans cette maison, d'autant que Rodolphe a commencé à lever la main sur elle. Réjane, avec qui elle a sympathisé, lui propose de l'héberger quelques jours à Paris. Malheureusement, la cohabitation s'éternise, au grand dam de Réjane qui ne supporte plus l'inactivité et les échecs de Moe. La jeune femme se retrouve alors à la rue et bientôt à La Casse, une ville construite comme ces villages de vacances sauf que les bungalows sont remplacés par des carcasses de voitures et qu'un mur empêche quiconque de sortir...

Le décor est planté : des carcasses de voitures aux sièges éventrés posées sur des cales, des roulottes ou des caravanes pour les plus chanceux, des carrés de 6 ou 8 voitures formant ainsi une sorte de courette, des relents à vous retourner le coeur, des gardiens qui patrouillent. Une ville de miséreux encastrée dans le lit de la rivière surplombée par un barrage hydraulique. La Casse. C'est dans ce bidonville que va atterrir Moe et son fils qui rejoindront pas moins de 8000 personnes enfermées et surveillées. Crise économique oblige, le gouvernement n'a rien trouver de mieux que de parquer les plus malchanceux dans ces Casses. Sandrine Collette fait montre d'une imagination débordante et c'est au coeur de cette Casse que l'on fait la connaissance de la rieuse Marie-Thé, de la rayonnante Nini-peau-de-chien, de la battante Poule, de la guerrière Jaja et de la vieille Ada. Des femmes à la fois déterminées, fortes, et plus que jamais solidaires. Soudées, elle tenteront de survivre dans ce milieu si misérable sans jamais perdre l'espoir d'en sortir. Des portraits de femmes saisissants et magnifiques sur lesquels l'auteur s'attarde, le temps de narrer leurs histoires et leur cheminement respectif. Un roman étonnant d'une force incroyable, oppressant et bouleversant. Un roman à la fois sombre et lumineux porté par une écriture parfaitement maîtrisée.
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Sandrine Collette nous livre une dystopie finalement pas si éloignée de la réalité. Surtout si on pense à l'explosion/implosion d'événements de l'actualité qui démontrent une véritable faille dans le système.

Sa toile de fond c'est la société éclatée et au bord du gouffre, qui n'arrive plus à assurer une vie décente aux plus démunis.
L'auteure construit son histoire comme un orfèvre où chaque détail a son importance, où chaque pièce se trouve exactement là où elle doit être. Elle nous raconte l'ordre d'un monde qui vacille emportant tout à son passage, paradoxalement ce qui anime ce récit c'est surtout la fragile beauté de la vie.

Six femmes, six destins, six mondes si éloignés et pourtant si proches. On découvrira chaque blessure, chaque histoire de ces survivantes qui composent cette tribu devenue le rebut de la société et reléguée à vivre dans une décharge de voitures.

D'une écriture intimiste,Sandrine Collette exploite avec talent les petits riens qui relient les humains dans leurs malheurs. Elle évoque avec précision des sentiments forts tels la douleur et l'espoir grâce à des dialogues bien construits et à des personnages qui dépassent les clichés.

Ce récit, bien tenu, est empreint d'une belle densité émotionnelle.

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Sandrine Collette est douée pour traduire les émotions en mots, c'est un fait, elle sait donner une substance à l'expression de la souffrance humaine.
Cela-dit il y a eu dans cette lecture pour ce qui me concerne un trop plein de drames et de malheurs, j'ai eu l'impression de lire un catalogue de misères et de maltraitances, de cynisme et de cruauté, des thèmes actuels depuis que l'homme existe.
En fait ce livre m'a fait penser à certaines émissions TV où des gens viennent raconter leurs malheurs et le drame de leur vie, on peut apprécier ou pas.
L'auteure situe son contexte dans une "casse", un endroit où les "pauvres" sont placés d'office si par malheur ils croisent la route des services sociaux. La casse, un endroit dont on ne sort pas sinon après avoir économisé une somme impossible à gagner avant de très (trop) longues années.
La casse est surtout un endroit dangereux avec ses propres règles, une prison à ciel ouvert où l'on survit plus qu'on ne vit et où l'union fait la force, nous sommes donc dans un récit d'anticipation, dans une France futuriste pas très réjouissante.
Moe est incarcérée avec son nourrisson, elle croisera la route d'Ada, Jaja, Marie-Thé, Poule et Nini qui composeront désormais son nouvel univers, elles ont toutes une histoire à raconter.
Je n'ai pas accroché au scénario bien que je reste admiratif quant au style, l'histoire tient la route, même si cette fois Sandrine Collette va céder à quelques facilités auxquelles elle ne m'avait pas habitué, raisons pour lesquelles je vais donc me situer à contre courant de la majorité des avis.
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Après avoir été déçue par Il reste la poussière, mon amie Siabelle m'a proposée de renouer avec l'auteure à travers une lecture commune. Au delà du titre de ce roman que je trouve sublime, cette lecture fût pour moi un vrai moment de partage et d'évasion. Alors merci Isabelle pour ta présence et pour tous nos beaux échanges.

L'ambiance générale de l'histoire est triste et tragique. Nous faisons la connaissance de Moe, une jeune femme ayant quitté son île natale pour vivre son rêve: une belle histoire d'amour dans la ville de Paris.
Illusions!
Après une vie à la campagne lamentable et sans perspectives, personne sur qui compter, elle enchaîne les mésaventures avec son petit garçon dans les bras. Jusqu'au jour où elle est forcée d'aller vivre dans le centre d'accueil « Le haut barrage »: une ville casse, un énorme bidonville rempli de voitures, où chacun se voit attribué la sienne en guise de logement.
Mais il faut en plus payer cher, très cher pour sortir de cet enfer! Comment faire sans argent? Comment survivre dans un endroit pareil? Les cinq femmes qui partagent la ruelle de Moe sont-elles toutes fiables?

Même si je n'ai pas eu d'attachement particulier pour les personnages de cette histoire, j'ai ressenti beaucoup d'empathie pour ces femmes qui sont très solidaires entre elles. Sandrine Collette décrit rudement bien les conditions de vie de ce petit groupe. On s'ancre dans ce huis-clos poignant qui ne cesse de s'aggraver au fil des pages. On sent la tension qui monte.
J'admets avoir eu besoin certaines fois de m'éloigner un peu de cette lecture qui était assez éprouvante. La misère sociale décrite, le combat de chacun pour survivre, l'exploitation, la détresse, la précarité, la peur, le chagrin et les méchancetés sont le lot quotidien de ces pauvres habitants. Les conflits entre les différents quartiers sont fréquents et dangereux. Chaque jour est une véritable lutte.
Je suis passée par plusieurs émotions en lisant cette histoire et la révolte aussi en faisait partie. On s'indigne de voir ces pauvres âmes parqués, emprisonnés et traités comme des sous humains.
Heureusement qu'une part d'humanité et d'entraide laisse place à un espoir.
J'ai beaucoup aimé les petites parenthèses pendant l'histoire, pour raconter le parcours de certaines femmes du groupe et comment elles ont atterri dans cet endroit sordide. L'histoire de Marie-Thé m'a particulièrement ébranlée.

Avec ce roman, j'ai retrouvé une auteure que j'affectionne et j'en suis ravie. Je conseille cependant cette lecture lorsque le moral est au beau fixe car malgré le grand plaisir de lecture, elle a été pour ma part assez bouleversante.
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Difficile de se remettre d'un récit d'une telle noirceur. Dans un style remarquable et particulièrement efficace, Sandrine Collette nous offre un récit
qui nous colle la haine au coeur et la boule au ventre. L'âme humaine est sacrément moche c'est pas une grande surprise certes mais la pauvre Moe et ses copines de galère la subissent de plein fouet. Des vies entières précarisées par de mauvais choix, par des manques de chance, par de mauvaises rencontres. Sandrine Collette emmène ces personnages au fond du trou, nous laissant KO de tant d'injustice et de malheur. Ces "Larmes noires" vont durement vous remuer.
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Quelle écriture !!
Encore une fois, j'ai pris une claque avec Sandrine Collette.
C'est noir, très noir, désespérant... et pourtant...
J'en veux encore !!! C'est certain, Sandrine Collette devient à chaque lecture une immense référence littéraire française.
Merci, merci, merci...
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Cinquième roman de Sandrine Collette que je lis et l'auteure n'a pas encore vraiment démérité.
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J'ai évoqué le cadre dans lequel se déroule le récit lors de mon retour sur son prequel : Une brume si légère.
Au lieu de détruire les voitures destinées à la casse, ladite Casse a été transformée en lieux d'habitation pour les plus défavorisés.
Cela se passe dans un futur proche, au XXIe siècle, et en banlieue parisienne.
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La "ville" de voitures, située en bordure de rivière est bordée d'un côté par un barrage infranchissable et de l'autre par un haut grillage, tout aussi infranchissable, d'autant que les gardiens patrouillent H24 pour faire régner l'ordre et éviter tout débordement.
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Elle est divisée en rues et en quartiers, certains dans lesquels il est bien plus difficile de survivre que dans l'autres, selon le "voisinage" dans lequel vous vous retrouvez en atterrissant dans ce lieu immonde.
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Une jeune fille, Moe, vivait à Papeete avec sa grand-mère, quand elle est tombée amoureuse de Rodolphe, qu'elle a suivi en France.
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Elle imaginait déjà Paris et ses lumières, son animation permanente, la Tour Eiffel, Notre-Dame... mais son enchantement a été douché dès son arrivée dans le pays. Pas de Paris mais la banlieue, et l'amoureux transi se transforme instantanément en goujat indifférent.
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Et de fil en aiguille, c'est la chute vertigineuse pour Moe qui n'arrive pas à s'en sortir par ses propres moyens.
Sans entrer dans les détails, je vous dirai donc qu'elle se retrouve à la Casse, mais une chance pour elle, dans le quartier où règne l'entraide et l'amitié.
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Elle fait la connaissance de Poule, de Jaja, de Marie-Thé, de Nini-peau-de-chien, et bien entendu, la vieille Ada, la mama guérisseuse.
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Le strict nécessaire dont les "habitants" ont besoin coûte horriblement cher dans les épiceries locales, et tout le monde doit travailler aux champs pour quelques centimes par jour.
Sans compter que sur ce maigre pécule, ils se retrouvent avec des frais à payer, ce que vous découvrirez en lisant le roman.
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J'ai bien aimé le récit sur tout ce qui se déroulait dans ce "bidonville", mais je dois reconnaître que le style de l'auteur a changé par rapport à ses romans précédents.
Des phrases plus courtes, bien que percutantes, style moins poétique. Mais on va dire que le ton se prête à l'histoire, puiqu'on est dans la tête de Moe, bien que l'auteure ait choisi d'utiliser la 3e personne du singulier.
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Par contre, j'avoue m'être ennuyée à plusieurs reprises parce que j'ai trouvé beaucoup de redondances de situations. Les chapitres interminables et qui font bloc n'ont pas aidé non plus, et la narration de la vie des autres filles du "quartier", tombées dans le malheur depuis la naissance, m'a semblé longuette.
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On sait que l'auteure n'est jamais avare de détails et d'ordinaire je m'en délecte, mais là c'était un peu trop à mon goût et j'avais l'impression de tourner en boucle, surtout à partir de la moitié du livre.
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La psychologie des personnages est toujours magnifiquement dessinée, on s'immerge facilement, bien que trop souvent dans le même schéma. On finit par prévoir la plupart de leurs réactions. de ce fait, je n'ai pas ressenti beaucoup d'empathie pour les protagonistes. Il se passe trop de choses ou pas assez, je ne sais pas.
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Je les aimais bien, certes, mais aucun serrement au fond de la gorge, aucun élan, aucune larme ne fait mine de monter, non, rien de tout ça. Les émotions m'ont manqué.
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Sinon, bien entendu il se passe pas mal de choses et j'ai dévoré ce roman aussi vite que les autres, et sans ce petit bémol, j'aurais dit que ce roman est excellent et doté d'une magnifique chute à laquelle je ne m'attendais pas du tout.
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Ami lecteur sensible, passe ton chemin, ces Larmes Noires feront couler les tiennes et tu risques d'y perdre le peu d'optimisme qu'il nous reste actuellement. Je viens de lire quelques-unes des critiques sur ce roman, et je constate que, même bien avant l'année morose que nous vivons, nombre d'entre vous ont été bien secoués par ce conte d'anticipation (je ne sais pas trop comment le qualifier...) qui se déroule dans un futur très proche, début des années 2030, un futur que j'espère ne jamais voir devenir réalité.
Ce n'est pas mon premier "Collette", donc je savais heureusement à quoi m'attendre, sinon le choc aurait été encore plus violent. Ici, point de fin du monde, mais une société déshumanisée qui jette ses rebuts dans des casses quand elle n'a plus envie de les prendre en charge. Oui, mais les rebuts dont nous parlons ici, ce ne sont pas des vieux frigos ou des portables obsolètes, mais des hommes et des femmes, voire des enfants, qu'on parque par milliers dans les casses automobiles où sont entreposés nos vieux véhicules. Sauf que là, ces voitures et camionnettes ne seront plus broyées mais serviront de "domicile" aux laissés-pour-compte d'un système qui n'a plus rien de social, et qui a trouvé le moyen le plus économique pour "s'occuper" de ceux qu'on juge inutiles ou inadaptés, ceux qui ont eu la malchance de faire un pas de côté ou une erreur de parcours.
Moe est de ceux-là, elle dont la première erreur a été de quitter son île paradisiaque (enfin pour les touristes en tout cas) pour un Rodolphe même pas charmant, pour découvrir la ville en France, du moins le croyait-elle. En fait de ville, la voilà en pleine cambrousse au service d'un beauf alcoolo et de sa mère, à gratter quelques sous en faisant du ménage, et avec un petit de quatre mois, fruit d'une rencontre au bal, son seul petit plaisir. Alors, elle part, mais pas pour une jolie petite histoire, oh non !
Un petit répit chez la "bonne copine" Réjane, en banlieue parisienne, mais le boulot c'est difficile à trouver et surtout à garder quand on a personne pour s'occuper d'un marmot et qu'il faut l'emmener partout. Réjane en aura vite marre, et revoilà Moe sans domicile. Seconde erreur : se réfugier au service Urgences d'un hôpital. Vite repérée, la voilà dénoncée aux Services Sociaux. Fin de la première partie.
Vous pensez que c'est déjà glauque de se retrouver à la rue avec un bébé de quelques mois ? Sûr qu'il y a plus joyeux comme situation, mais c'est maintenant que les choses vont se corser, quand Moe va découvrir son nouveau lieu de vie, la Casse, où ça pue, où le danger est partout surtout pour une jeune femme, où les perspectives d'avenir se réduisent à bosser aux récoltes pour des clopinettes et où le logement pour elle et son bébé sera une 206 sans sièges arrière, emplacement 2167...et encore, on lui fait une fleur grâce au môme, c'est un bon emplacement !
Elle va vite comprendre, Moe, ce qu'il a de bon cet emplacement : ce sont ses voisines, cinq femmes solidaires et bienveillantes dont elle apprendra petit à petit tout ce qu'il faut savoir pour survivre dans cet environnement sans pitié. Cinq femmes dont on découvre au fil des chapitres pourquoi elles ont atterri là, des parcours brisés par la fuite d'un Afghanistan en guerre pour Ada, un mari tué dans les attentats de 2015 pour Poule, l'abandon pour Marie-Thé née dans une famille trop nombreuse et qui deviendra esclave une fois adoptée, une mère maltraitante et de mauvaises rencontres pour Jaja. Et il y a Nini Peau-de-Chien aussi, qui rêve d'en sortir de la casse, mais pour ça il faut beaucoup d'argent, 15 000€ le droit de sortie !
Si vous ne m'avez pas abandonnée en route, voici la récompense : non tout n'est pas pure horreur et noirceur dans cette histoire, il y a un rayon de soleil, et il est apporté par ces femmes qui vont aider, chacune à sa manière, Moe et Côme ( car il a bien un prénom cet enfant) à tenir le coup dans cet enfer sur terre. Elles m'ont émue, et même bouleversée quand chacune se raconte le soir autour du feu qu'elles allument pour recréer l'illusion d'un foyer, quand elles partagent de petits bonheurs ensemble, une bouchée au chocolat, une demi-bouteille de vin, ou juste un instant de paix.
J'ai eu des larmes qui sont montées, j'ai eu des envies de frapper, et parfois, l'ombre d'un sourire aussi. J'ai lu à petites doses, pour ne pas saturer, mais en même temps j'étais avide de retrouver mes héroïnes, de savoir si elles allaient bien, si Nini n'avait pas fait de bêtise...
L'écriture de Sandrine Collette m'a parfois un peu déroutée, les dialogues qui s'invitent dans la narration ou inversement, les phrases longues, mais syncopées, on sent l'urgence, l'inquiétude dans ce rythme un peu désordonné. Mais cela colle bien au récit, on ne peut pas raconter une telle histoire avec un style élégant et linéaire. Quelque chose m'a cependant dérangée, et en cela je rejoins Antyrya : il n'y a pas un homme sympathique dans ces 334 pages, ils sont tous absolument odieux. En même temps, c'est un futur odieux qui est dépeint... J'espère juste que ce n'est pas celui qui nous attend.
Pour conclure, je me rallie à plusieurs avis qui conseillent de ne pas commencer par ce roman pour découvrir Sandrine Collette. Il faut s'habituer doucement à son univers ! Mais si vous connaissez et appréciez, foncez !
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