Je remercie Babelio et les éditions J'ai lu qui m'ont fait parvenir ce tome à l'occasion d'une Masse critique, j'avais déjà écouté avec beaucoup d'intérêt et d'attention la série de podcasts dont est tiré ce livre, et j'ai lu le passage à l'écrit avec le même intérêt, avec l'avantage de pouvoir revenir parfois plus lentement sur les passages plus complexes. D'un simple point de vue formel, je regrette néanmoins qu'il n'y ait pas un peu plus d'illustrations, il y a quelques photos, mais j'aurais aimé en avoir davantage, pour que l'écrit apporte un supplément par rapport à la version audio ; de même, il peut être dommage de ne pas avoir certaines citations, comme le discours du 17 juin 1940 de
Pétain, qui ne dure qu'une minute 40, ce qui permettait de le passer en entier dans le podcast.
Pour en revenir au texte lui-même, d'abord, je dois saluer le choix du titre : "le fantôme de
Pétain", et le plan de l'ouvrage, chronologique et thématique.
Pétain et Vichy hantent encore la vie politique française - même si la guerre d'Algérie est un autre élément de bascule, jusqu'à récemment avec les discours de certains candidats d'extrême-droite aux dernières élections présidentielles. Commémorer le général de la Grande Guerre, lui donner raison sur sa destruction de la IIIème République, le décrire comme le "bouclier" qui protégeaient les Français, ou le présenter comme un sauveur pour les juifs de France... toutes ces idées permettent de placer le - ou la - responsable politique sur une gradation gauche/droite.
C'est parce que
Pétain a eu plusieurs vies : homme né au XIX ème siècle dans un milieu conservateur qui ne se distingue pas particulièrement, "vainqueur de Verdun", vieille gloire au rôle honorifique. Comme le dit
Bénedicte Vergez-Chaignon, s'il était mort dans les années 20 ou les années 30, il serait un héros national, nous aurions des rues ou des écoles à son nom. Dans le hasard de mes lectures, j'ai fini récemment le deuxième tome des Mémoires de
Daniel Cordier, Compagnon de la Libération. En 1940, il est plus à droite même que
Pétain, étant engagé à l'Action française, antisémite et monarchiste. Mais, au nom de patriotisme, il ne peut accepter que la "France ait perdu la guerre", il refuse la défaite militaire, et va donc combattre, parce que "la France n'a pas perdu la guerre" pour citer l'Appel du 18 juin du général
De Gaulle. La faute originelle de
Pétain, sa trahison première, c'est ce choix de l'armistice, d'où découlent la collaboration et le "souhait de la victoire de l'Allemagne", pour citer, ici,
Pierre Laval. D'ailleurs, à son procès, ce ne sont pas les atteintes aux libertés humaines ni le rôle de Vichy dans la déportation, qui seront mises en avant, mais cette trahison militaire.
L'ouvrage est donc clair, didactique, précis sur le contexte des événements ce qui lui permet d'être accessible sans avoir beaucoup de connaissances préalables, tout en étant rigoureux sur l'historiographie et éclairant sur les instrumentalisations politiques. Les plus grands historiens français actuels spécialistes de la période sont convoqués. Une lecture indispensable et, encore une fois, quel contraste avec le parcours de vie de
Daniel Cordier !