La Guerre de l'information : Les États à la conquête de nos cerveaux

En décembre 2020, selon un sondage Ipsos, un Américain sur trois croit en l’existence d’un obscur « État profond » tirant les ficelles de la politique internationale, et 17 % des Américains, soit 56 millions de personnes, considèrent comme vraie l’affirmation selon laquelle « un groupe d’élites adorant Satan et dirigeant un réseau sexuel pédophile tente de contrôler notre politique et nos médias. »

Le théoricien militaire prussien Carl von Clausewitz affirmait que la guerre était une continuation de la politique par d’autres moyens. Aujourd’hui, la guerre de l’information est la continuation de la guerre militaire par d’autres moyens.

L’année précédente, des scientifiques chinois étaient parvenus à la même conclusion en analysant 70 millions de messages répartis entre 200 000 utilisateurs : « La colère est plus influente que d’autres émotions comme la joie », concluent les chercheurs, qui ajoutent que les utilisateurs des médias sociaux étant liés à de nombreuses autres personnes qui pensent et ressentent la même chose qu’eux, « une simple manifestation d’indignation peut se répandre dans une communauté en ligne comme une traînée de poudre ».
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Ensuite, pour maximiser la viralité des contenus et par conséquent ses profits publicitaires, la société de Mark Zuckerberg modifie ses algorithmes de sorte que les contenus générant de la colère attirent cinq fois plus de vues que ceux déclenchant des émotions positives.

En principe, les données ne peuvent être stockées que si elles sont jugées « pertinentes » dans le cadre d’une enquête, mais le patron de la NSA de 2005 à 2014, Keith Alexander, considère qu’il n’y a aucun moyen de savoir ce qui est pertinent jusqu’à ce que cela le devienne. Il applique par conséquent une doctrine consistant non plus à chercher une aiguille dans une botte de foin, mais à collecter « toute la botte de foin » pour y chercher plus tard une aiguille.

En effet, à l’approche de l’offensive, le Pentagone exploite les caractéristiques de l’information télévisée, et en particulier la course à l’exclusivité, pour diffuser de fausses informations destinées à induire en erreur l’ennemi irakien. Le 18 janvier, par exemple, circule la rumeur selon laquelle les marines tenteraient une percée à la frontière koweïtienne, ce qui a pour effet de conduire les soldats irakiens à rejoindre leurs postes de combat, qui sont alors soigneusement localisés et répertoriés par le renseignement militaire américain.

« Changez l’image publique du chef, et vous changez l’histoire », avait coutume de dire Khrouchtchev.

TikTok représente donc une arme de subversion massive, qui affecte toutes les couches du cyberespace, aussi bien la couche cognitive (addiction, dépendance, toxicité, diversion), la couche des protocoles et des langages (captation des données, espionnage), que la couche matérielle (saturation des systèmes). À bien des égards, il s’agit de l’arme informationnelle la plus redoutable jamais conçue.

Les hacktivistes d'Anonymous ont ébranlé l'appareil de propagande de l'État islamique, démontrant que la guerre de l'information moderne fait de chacun un combattant en ligne potentiel : sur le théâtre des conflits numériques, un "j'aime" (like), un partage ou un signalement peuvent suffire à produire des effets significatifs.

Après chaque attentat en Occident, qu'il en soit ou non à l'origine, Daech diffuse des textes de revendication qui sont aussitôt repris mécaniquement par les médias. L'organisation terroriste décuple ainsi la terreur qu'elle inspire en s'associant, dans l'imaginaire occidental, à tout acte de violence.

En 2009, Israël se dote d'une "équipe de guerre sur Internet" pour répondre aux commentaires hostiles. La force de défense juive sur Internet (Jewish Internet Defense Force, JIDF), qui se présente comme une organisation privée et indépendante, organise sur les réseaux sociaux des campagnes contre la propagande terroriste islamique ou antisémite.