Citations sur Science-fiction : Les frontières de la modernité (12)
La science-fiction, ce n'est pas un "genre" littéraire, c'est tous les genres, c'est le lyrisme, la satire, l'analyse, la morale, la métaphysique, l'épopée. Ce sont toutes les activités de l'esprit humain en action dans les horizons sans limites. C'est en ce moment la seule littérature vivante du monde entier. (René Barjavel)
(...) pour imaginer demain, il faut connaître son présent (et le passé), (...)
Il faut en effet se souvenir que, pour les penseurs des Lumières, le roman n'est ni chose sérieuse ni lecture souhaitable : "Lire un livre uniquement pour tuer le temps est un acte de haute trahison envers l'humanité, parce que l'on rabaisse un moyen destiné à atteindre des buts supérieurs", écrira même un commentateur allemand, J.A. Bergk, en 1799.
Ce caractère d'auteur est plus criant encore avec Babylon 5 (1993-99), épopée galactique centrée sur le destin d'une station spatiale. Un space opera d'une inhabituelle noirceur, entièrement imaginé et produit par J. Michael Straczynski - oeuvre d'auteur, oui, vraiment, puisqu'au-delà de la première saison il se mettra a en rédiger chaque épisode lui-même, allant même jusqu'à se payer le luxe d'inviter deux écrivains prestigieux, Neil Gaiman et Harlan Ellison, à livrer chacun un unique épisode. On oubliera les essais de prolongements opérés par le producteur, de moins en moins convaincants à mesure de Straczynski rejoint le "politiquement correct" hollywoodien, pour se concentrer sur les cinq saisons de Babylon 5 : un début, une fin, et entre les deux tout un univers remarquable de cohérence et de progression dramatique.
Parlons de la France, alors. Grande y est la résistance à l'élan moderniste : considérée comme une menace envers la stabilité et le conservatisme de la société, la science-fiction, quand elle n'est pas simplement rejetée dans le domaine de la jeunesse, se voit expurgée et combattue, éliminée non par une action intellectuelle mais par des actions juridiques d'organisations catholiques.
Songez que le premier prix Goncourt, en 1903, est remporté par Force ennemie de John-Antoine Nau (1860-1918). Son thème? Un transfert d'esprit par-delà les espaces intersidéraux. Mais il est vrai que l'académie Goncourt était alors présidée par J.H. Rosny aîné : de telles spéculations ne pouvaient guère l'effaroucher.
L'objectif immédiat d'une guerre ne vise pas la destruction d'une nation, mais la défaite de son régime, car la paix constitue la fin dernière de la victoire militaire.
Après tout, n'est-ce pas l'une des choses merveilleuses dans un livre en papier? Cette possibilité de feuilleter, de s'arrêter et de reprendre à volonté, de piocher au gré des envies et d'appréhender d'un seul regard la masse entière formée par l'information présentée... L'ère du "livre numérique" est enfin là, ou presque. En attendant, bienvenue dans un bon vieux livre à l'ancienne.
Bref, si le public ne fait pas l'effort de réaliser sa propre synthèse de l'ensemble des domaines/supports dans lesquels s'exprime le genre science-fiction, il ne peut qu'acquérir une connaissance fragmentaire de ce domaine de l'imaginaire.
Le présent alimente le futur, c'est bien entendu l'une des marques propres à l'identité de la science-fiction.