- Le mot de la fin ?
- Merci, Richard ! T'as vu ? Il est 4 heures du matin ! Ce n'est pas possible !
-Mais non: il n'est que 3h50 !
-Il faut arrêter ce magnétophone maintenant, ça suffit !
--- Léo Henry ---
Que t'es-tu dit à la rentrée suivante ?
J'étais dans la perspective d'apprendre plein de trucs. Du coup, j'ai essayé d'entrer en classe préparatoire. Ils ont regardé mon dossier scolaire... mais ils ne l'ont pas regardé longtemps... et je suis entré à la fac.
--- Léo Henry ---
Le mot de la fin ?
Le mot de la fin, c'est que tes putains d'interviews sont aussi éprouvante que six mois de boulot dans l'audiovisuel et que je suis sur les rotules. Mais je t'en remercie quand même...
--- Jacques Barbéri ---
Ne craint-tu pas, du coups, que ta situation familiale t'empêche d'aller vers ce troisième roman ?
Si, bien sûr. C'est le cas actuellement depuis sept ans, si je veux être honnête. Ce n'est jamais gagné. J'avais trouvé une façon de faire pour le précédent bouquin: départ en Corse, cadre naturel extraordinaire, très bonne énergie, isolement fort, histoire d'amour qui foirait et me donnait en même temps beaucoup d'énergie... Ces conditions, je ne les retrouverai jamais. En plus une certaine fatigue te tombe dessus à la quarantaine. Autrement dit, il faut retrouver les conditions de compression... d'une autre façon, sans reproduire. Parce que si j'essaie de reproduire, je suis mort. Je ne peux pas dire à mes filles: " Aliocha et Callirhoé, je vais partir écrire, vous me reverrez dans trois ans ! " Quant à ma femme, je peux le lui dire, mais quand je reviendrai, elle ne sera plus là !
--- Alain Damasio ---
Pourquoi avoir choisi la SF comme mode d’expression ?
On m’a souvent posé la question. La réponse est simple et courte : ça n’a pas été un choix ; pas davantage une réflexion. Pour moi, il n’y avait pas d’autre choix possible. C’était l’évidence. Après coup, je peux rationaliser et dire pourquoi : pour moi, la SF est la seule littérature véritablement politique, la seule qui permette de développer des idées, de rendre concrets des concepts, de projeter des tendances. Et l’imaginaire est la seule respiration dont nous disposions. Plus le monde est contrôlé, plus l’imaginaire devient fondamental, pouvant offrir des résistances. Pour moi, c’est la littérature de résistance par excellence. (Alain Damasio)
Tu as déclaré : « (…) je ne me considère pas comme un auteur de science-fiction, plutôt comme un raconteur d’histoires qui se sert de ce que permet la SF. »
Mes problématiques étant liées à la société des hommes et à l’humanité, on conviendra que la SF est un genre particulièrement adapté, permettant de poser ce genre de questions. Alors, forcément, je me suis tourné vers elle. Pour autant, je ne me considère pas comme un auteur de SF. D’abord parce que je n’aime pas appartenir à un club quel qu’il soit. Ensuite parce que je me rends bien compte en discutant avec d’autres auteurs que certains ont une approche académique et historique du genre que je n’ai pas. J’écris ce que j’ai envie d’écrire. Si certains veulent ranger mon travail dans la SF, c’est bien. Sinon tant pis. De toute façon, je pense que ce n’est pas à l’auteur de définir ce qu’il fait. (Stéphane Beauverger)
Deleuze, je l’ai découvert un peu plus tard, à la fin de l’ESSEC. Il ne m’a jamais lâché et c’est clairement le philosophe qui m’a le plus construit. C’est étrange de dire ça, mais Nietzsche et Deleuze sont les deux personnes au monde qui m’ont le plus fait grandir. Plus que mes parents, plus que mes rencontres. Et ce sont les seuls qui m’aient fait croire en le livre. Parce que j’ai toujours eu un gros doute sur son utilité, son intérêt : je n’ai jamais postulé que la culture soit utile, fondamentale. On ne m’a pas éduqué ainsi. Les premiers qui m’ont fait sentir physiquement et mentalement que le livre pouvait changer une vie, c’est Nietzsche et Deleuze. Ce sont eux qui m’ont appris ça. Et les lire m’a donné envie d’écrire pour apporter quelque chose à mon tour. (Alain Damasio)
Dix ans après la parution de La Horde du Contrevent, il convenait de faire un point sur cette aventure éditoriale sans équivalent dans le paysage littéraire français. Il fut donc décidé de réunir sous une même couverture des interviews-fleuves des sept auteurs français estampillés « SF » publiant sous la bannière voltée. Des entretiens réalisés « à l’ancienne », en face à face et au micro, et non produits par échanges électroniques successifs et formatés ; afin de favoriser le souvenir, l’anecdote, la spontanéité, la digression. Autrement dit, pour tenter d’atteindre une certaine profondeur. Une certaine vérité…