Le père vérifia le chargeur de l'arme récupérée et rejoignit les survivantes, tendues, qui toutes visaient les fenêtres du bâtiment.
_ On se répartit nos adversaires de quelle façon ? questionna Dulce en faisant craquer ses articulations.
_ J'me fais celui avec la sale gueule, expliqua Marlo.
_ Lequel ? demanda Safia.
_ Tous !
- Je n’existe pas pour te servir ou plaire aux gens. J’essaie de faire ce dont j’ai envie sans trop emmerder le monde. Bon, parfois, c’est vrai, mon envie c’est d’emmerder le monde, j’avoue. Y a pas de petit plaisir…
– Maman, elle dit qu’il faut pas dire des trucs méchants aux enfants, sinon après ils sont traumatisés à vie et deviennent véganes.
Quelqu'un toussa à ses côtés.
Cleo hurla en se déportant. Sa voix était cassée par la déshydratation et le fait d'avoir crié à pleins poumons quelques heures plustôt.
Face à elle se tenait un loup à la fourrure rouge orangé, si grand qu'il lui arrivait à la poitrine.
_ Putain !
_ Les insultes après la tentative de meurtre contre un frère arbre ? questionna l'animal sur un ton glacial.
_ Tu, vous, parler ? balbutia Cleo.
_ Je sais aussi conjuguer. Mieux que Votre Majesté visiblement, si vous me permettez la remarque, évidemment.
_ Comprends bien que nos naissances ont mis fin à des mariages et à des relations, résuma Iris. Si lesdeux parents ont une teinte de peau qui ne correspond pas à celle de l'enfant, c'es rarement un début de vie sereine. Tu as eu de la chance que ta naissance ne questionne pas ta parentalité.
On ne continue d’exister qu’à travers celles et ceux qui nous évoquent. qui se souviennent de nous. C’est le rôle des vivants de porter le nom de ceux qui ne le sont plus et de continuer de les faire vivre avec leur héritage.
Dans ses mains, des coutelas d'un blanc osseux ne laissaient cependant pas de place à l'imagination. Il n'étaitpas venu pour parlementer.
Désemparée, les mains vides, Cleo arracha de son socle un pied à perfusion et brandit la barre de fer comme si c'était un sabre laser.
Alors qu'elle attrapait la poignée du réfrigérateur, le post-it épinglé sur la porte lui sauta au visage.
« INTERDICTION DE SORTIE »,était-il écrit et deux fois souligné au marqueur.
_ Putain ! lâcha-t-elle. Non, mais j'ai pas quatorze ans. Il est buté.
Son frèrepouffa.
_ Je te le confirme. Il n'a pas laissé que le post-it d'ailleurs.
_ Whisper Hills, 5210 habitants, récita Kenny. Le crime le plus violent de cette ville, c'est un tag dans les toilettes de l'école primaire...
_ Rien ne dure éternellement, rien n'est pour la vie, bredouilla Bethany.
_ Sauf nous. Nous, nous durons pour la vie. Une vie éternelle.
_ Merveilleux sur le papier, infernal dans la pratique, ajouta l'aînée. Parce que c'est la date de péremption, la date de rendu, la deadline qui motive à faire, à se décider, à se dépasser, à tout se dire et s'avouer. Si tu as tout le temps du monde, tu ne prends plus la mesure de ce qui importe vraiment.