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Critique de Franka13


Du coeur d'un cyclone qui a dévasté la Grande Terre, Hubert Gagneur, le père de Justin et Cathy, ramène à l'Engoulvent, la maison familiale, « un enfant de sept ou huit ans, sale et repoussant , complètement nu, garcon, et croyez moi, le sexe bien formé, nègre et bata -zindien ».
Razyé, ainsi qu'il le baptise, comme les plantes sauvages qui poussent dans la forêt guadeloupéenne, va voler le coeur de Cathy Gagneur et cet amour maudit va constituer la trame du roman de Maryse Condé, à l'instar d'Heathcliff et Catherine Earnshaw, amants immortels des « Hauts du Hurlevent » d'Emily Brontë.
A travers un récit dépouillé de misérabilisme mais empreint de sensibilité, Maryse Conde fait revivre toute une époque de la fin du XIXe siècle, dans cette île soumise aux terribles caprices des éléments comme à ceux des hommes qui l'ont colonisée.
Plus que dans les descriptions (magnifiques) de cette terre qui l'a vue naître, Maryse Condé attise l'intérêt du lecteur en donnant tour à tour la parole, hors les Cathy, Razye, Aymeric ou Irmine de Linseuil, aux personnages secondaires de ce roman tels les nounous, Nelly Raboteur, Lucinda Lucius, Mabo Julie et Mabo Sandrine, Roro le pêcheur ou Ada, la revendeuse de poissons, Sanjita la gardienne ou la servante Romaine.
Et le récit intime de leur amour pour ces enfants de riches qui ne sont pas les leurs et pour les leurs qui manquent de l'essentiel, de leur attachement à ces îles qui ne sont paradisiaques que pour les nantis, de leurs luttes politiques pour tenter de faire valoir leurs droits malgré l'abolition de l'esclavage, de ces croyances occultes qui nourrissent les traditions, de la corruption qui sévit et de l'alcoolisme qui brouille l'entendement, de la terrible condition des femmes, soumises au diktat patriarcal et qui tiennent debout contre vents et marées, oui ce récit a, pour moi, supplanté la trame romanesque de ce roman.
Maryse Condé, qui m'avait charmée, voici quelques années, avec « Victoire, la saveur et les mots » n'a pas son pareil pour vous transporter à travers les siècles et les océans vers ces lieux aux noms enchanteurs, la Désirade, Marie Galante, la Dominique et, dans une langue créole, chaleureuse et pleine de fantaisie, restituer l'accent et la saveur de cette population fraternelle si lointaine et pourtant si proche.
Faisant la nique à la pandémie, cette bouffée « d'ailleurs littéraire » m'a plongée, bien au delà des pages, au coeur d'un monde aux couleurs madras et aux senteurs inoubliables magnifiées par une écriture tendre et charnelle.
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