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Citations sur Le carnet viking (8)

7 h 30 – Chalut déchiré, cul crevé, poisson parti. Les hommes saisissent les aiguilles et le couteau entre les dents, ils commencent le ramendage.
Cette continuité de lutte crée une sensation d’épuisante fatigue. Ce n’est pas la lassitude du soir après un jour de labeur, c’est la sensation d’un effort ininterrompu sans juste récompense, compensation comparable au travail des champs soumis aux hasards météorologiques.
L’industrie des grandes pêches est une profession qui mène à concevoir la nécessité de l’effort sans envisager comme due l’immédiate compensation.
Froid, vent, pluie, neige, brise fraîche, à nouveau cul crevé, ventre parti. Sur le pont : une tonne de vase et ses détritus. Les hommes ? Vannés ! Mais sans perdre un instant il faut réaffaler.
La longueur et la dureté de manœuvre d’un enfin de 41,5 mètres d’ouverture, alourdi de 1 600 kilos de panneaux, et de 18 mètres de diabolo, rendent extrêmement décevantes les mauvaises pêches.
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Le capitaine bouillonne d’une rage qui ne peut s’exprimer.
L’énervement qui se propage sur le banc de pêche se traduit dans chaque poste, dans chaque cabine, par le vrombissement et le miaulement rythmés du langage morse du radio.
Au-dessous, ou à côté dans chaque timonerie, les capitaines hésitent, calculent, réfléchissent, fouillent les souvenirs de leur expérience. Aux charges habituelles qui portent une heure de chalutier à des valeurs élevées, devenant impressionnantes, les capitaines y ajoutent, avec le poids de leurs remords, celui du regret des tonnes de morue qu’ils auraient exactement, inévitablement, pêchées à la minute, qu’ils vont risquer de perdre.
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23 h 40 – En pleine mer, à des milles de tout lieu habité, nous sommes soudain dans l’étrange monde d’une industrie à la fois parfaitement mécanisée et primitivement sauvage. Dans un cirque de monstres affamés. Cramponné au-dessus de l’invisible, chacun danse à son cap, séparé du butin par une masse d’eau secouée. Trente à deux cents mètres d’épaisseur nous séparent d’un monde immobile, mais ces mètres-là sont un barrage de fureur et, là-dessous, les planches ont commencé leur travail ; leur divergence maintient le chalut largement ouvert, et ce sont leurs bras qui vont effrayer le poisson et le rabattre.
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Le navire lié aux éléments dans ce qu'ils ont de plus indomptable, est un royaume dans lequel, soudain, l'homme est grand. Les obligations quotidiennes de choix se sont effacées. Elles semblent restées à quai. Il n'y a plus ici cette continuité d'appréciation de valeurs qui, par leurs accumulations, forment les esclavages de la vie terrestre. Choisir, toujours choisir, implique constamment la multiplicité et la démesure des choses. Ici, on ne choisit pas, on subit des situations indiscutables. On n'efface pas les approches de l'orage: on le prévoit, et l'ayant prévu, on gouverne en conséquence.
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Parfois l'épreuve de l'absence tourmente les équipages. On espère des nouvelles, en même temps on les craint.
Je me sens moi-même envahie de cette sourde effervescence. Toute une province à la fois ancestrale ment maritime et solidement paysanne est venue d'imposer à nous, et à chaque évocation de la famille et du port fait croire à a stabilité des choses. Ce courrier qui vient de nous être apporté, c'est la terre, la seule, la vraie : la terre qui porte la maison.
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21 H 30 - Gris sinistre. La nuit enfin tomberait-elle ?
Le jour ne s'éteint pas et personne n'a vu le soleil. On sait qu'il est là, derrière cette couche épaisse de vapeurs qui forment dôme. Ce ne sont pas des nuages dessinés, aux formes fantaisistes qui évoquent des lignes de terres véritables (terres de beurre... disent les hommes, et ils rêvent...) ou des nuages qui laissent passer des jambes de lumière... De tels nuages évoqueraient quelque chose de vivant, quelque chose d'autre que cette cloche noirâtre qui nous domine, nous entoure et aussi nous enferme, cette cloche d'épaisseur humide posée sur une circonférence d'eau terne, dont on est le centre perdu.
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Au-dessus de nous, l'espace ; au-dessous, un miroir ; la surface des eaux est pareille au regard de beaux yeux ouverts ; on s'y perd sans comprendre. La surface des eaux demeure l'éternel miroir, elle réfléchit le ciel et garde son intégrité.
En se penchant vers l'épaisseur des eaux, chacun n'y verra que le reflet de lui-même ; en se relevant, son regard se perdra dans le cercle d'horizon.
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La mer nous a pris. Elle est verte, grise, noire, crêtée de blanc, elle nous ramasse sur son dos d'un coup de rein comme une bête habituée à ses parasites et nous jaillissons à sa cadence. C'est elle qui choisit son allure. Si elle rue, on se cramponne et ça repart.
Au long de nos infinies fragilités, se heurtent les géantes puissances des fluides. Les déferlements qui s'écrasent ont le grondement des éternités.
L'impression d’être devenu le centre du monde nait ici ; le cercle marche avec notre marche. L'horizon devant nous recule et, derrière nous, l'horizon avance ; au centre de ce cercle impitoyable, Viking hache la mer comme une lourde bête. Par temps sombre, le cercle se rétrécit ; dans la brume, ses bornes rapprochées sont floues et le danger peut sortir de ses murailles floconneuses, toujours et partout.
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