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Citations sur Contes rapides (11)

Aujourd'hui, il se fait vieux, le conteur d'histoires d'amour, le marchand de rêves. Cinquante ans tout à l'heure, les cheveux poivre et sel, la patte d'oie au coin de l’œil et l'estomac gâté,—une mauvaise pierre dans son sac, comme on dit.
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Par une de ces soirées tristes et vides comme il y en a trop dans l’existence des vieux garçons, nous nous acoquinions au coin de mon feu, mon ami le commandant Dulac et moi. Assis dans le grand fauteuil, Dulac assujettissait de temps en temps son monocle et ne quittait pas du regard la fournaise de charbon de terre, comme s’il eût aperçu quelque chose de très intéressant au fond de ses grottes ardentes ; moi, j’étais sur la chaise basse, à l’autre angle de la cheminée, et je parcourais distraitement le journal du soir, que mon domestique venait d’apporter.
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Fils d’un cultivateur des environs de Bayonne, Marius Cabannes a débarqué, il y a sept ou huit ans, dans un petit hôtel garni de la rue Racine, avec quatre louis dans son gousset et un gros manuscrit de poèmes au fond de sa malle. Cet homme du Midi, ambitieux et pauvre, qui, pendant l’interminable voyage en « troisième », s’était nourri d’un pot de confit d’oie et d’un pain de quatre livres emportés de son pays natal, marchait, lui cent millième, à la conquête de Paris. Il comptait, pour réussir, un peu sur ses vers, écrits en l’honneur du Béarn et du pays Basque, et beaucoup sur sa soif de célébrité, sa souplesse gasconne, son talent de déclamateur et sa brune et jolie tête d’Arabe, à la barbe en fourche, aux yeux de chèvre amoureuse.
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Ridées, luisantes, noircies de plus d’un coup de feu, les pommes cuites mijotaient sur un petit fourneau de faïence, à la porte d’une humble fruiterie de la rue de Seine, et elles étaient destinées, selon toute apparence, à constituer le dessert de quelque ménage d’ouvriers, lorsque la comédienne Sylvandire, la grande coquette de l’Odéon, qui passait dans sa victoria, aperçut le petit fourneau et fut prise d’un caprice étrange.
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Quand le maître d’hôtel, – oh ! quel ventre respectable dans l’ample gilet de casimir ! quelle face digne et rouge, bien encadrée de favoris blancs ! un physique de pair d’Angleterre, je vous assure ! – quand l’imposant maître d’hôtel eut ouvert à deux battants la porte du salon et annoncé d’une belle voix de basse chantante, à la fois sonore et respectueuse : « Le dîner de Madame la comtesse est servi », on posa les chapeaux sur l’angle des consoles, les personnages les plus considérables offrirent le bras aux dames, et tous passèrent dans la salle à manger, silencieux, presque recueillis, comme à la procession.
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Comme le jour tombait, – un jour de janvier, couleur de cendre, – j’avais posé ma plume et je m’étais assis au coin du feu. Dans la chambre, chauffée depuis de longues heures, où le nuage de fumée de mes cigarettes augmentait l’obscurité crépusculaire, je m’abandonnais, tout en tisonnant, à la sensation de fatigue heureuse qui suit une séance de bon travail. Un coup de sonnette me tira de ma rêverie.
« Il y a là, me dit ma servante avec ce ton dédaigneux que prennent involontairement les domestiques pour annoncer des visiteurs de mince apparence, il y a là une dame en noir, accompagnée d’un petit garçon, qui désire parler à Monsieur. »
Je donnai l’ordre d’introduire, et, une minute après, je vis s’avancer, dans la pénombre, un groupe lamentable.
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La première fois que le jeune compositeur Félix Travel, avec la permission de son médecin, le docteur Damain, se regarda dans la glace, il poussa un cri de surprise épouvantée.
Comme il était changé, grand Dieu ! Quelle maigreur ! La peau collée aux pommettes ! Et ce teint jaune, et ces yeux meurtris ! Sans doute, il savait bien qu’il avait été très malade. Il avait eu la fièvre, le délire, tout le tremblement. On lui avait brûlé le dos et la poitrine avec des vésicatoires. Une pleurésie, c’est toujours grave. Mais il n’aurait jamais cru que quinze jours de souffrances l’eussent à ce point ravagé. Et puis, comme il se sentait faible ! C’était inquiétant aussi, ce point douloureux qui le brûlait, là, au-dessous de l’omoplate, du côté droit. Oh ! non, il n’était pas guéri. Qui sait ? Devait-il jamais guérir ? Le docteur ne cherchait-il pas à le tromper, quand il lui avait dit, le matin même, d’un air joyeux, trop joyeux : « Allons ! essayez de vous lever un peu aujourd’hui. Vous voilà tiré d’affaire. » Tiré d’affaire ? Avec cette mine de déterré ? Ah ! il en était loin.
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Que la musique est nostalgique ! Comme elle évoque douloureusement les vieux souvenirs ! Et combien lamentable, au fond du crépuscule de novembre, le son pleurard de l’orgue de Barbarie qui joue une ancienne polka !
Un ancien air de polka qui faisait sauter tout Paris il y a quinze ans, quand vous en aviez dix-huit à peine, madame ! Oui ! vous, la pauvre blonde flétrie, qui portez un chapeau de velours bleu bien fané pour ses brides neuves, et qui poussez la petite voiture où dort votre troisième bébé, sous les platanes sans feuilles du triste boulevard de banlieue.
Comme vous étiez jolie, du temps où l’on tapotait cette polka dans les sauteries bourgeoises à verres de sirop et à gâteaux secs ! Quelle matinée de printemps vous faisiez alors avec votre frais visage d’un ovale corrégien et ces admirables cheveux ondés, couleur de blé mûr, dont vous avez perdu la moitié, hélas ! à votre deuxième couche !
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Le vagabond est effrayant, et la campagne est magnifique.
C’est un de ces rôdeurs comme on en rencontre assez souvent au temps des moissons, et celui-ci a si mauvaise mine qu’on a dû le repousser de toutes les fermes où il est entré pour demander du travail. Le pied de frêne sur lequel il s’appuie a moins l’air d’un bâton de voyageur que d’une trique de meurtrier ; et, sous le revers de sa veste de toile, encrassée de sueur et de poussière, il doit y avoir un ignoble numéro, imprimé à l’encre grasse, une matricule de bagne ou de prison.
Quel âge a-t-il ? Le malheur n’en a pas. Grand et sec, il marche avec la souplesse d’un jeune homme, et pourtant la rude moustache jaune qui traverse sa face boucanée grisonne déjà. En tout cas, il n’a pas honte de sa misère. Il a crânement campé en arrière son vieux feutre rongé par le soleil ; dans son visage couleur de cuir ses durs yeux bleus étincellent d’audace ; et il va pieds nus pour ménager sans doute la paire de gros souliers à clous bouclée sur son sac de soldat. Le pas ferme et la tête haute, ayant dans toute sa personne on ne sait quoi d’effronté et de militaire, l’homme suit un sentier très étroit entre deux grandes pièces de blé, et les hauts épis lui viennent presque jusqu’à l’épaule.
Il ne sait pas où ce chemin le conduit.
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Comme il pleuvait à verse, ils s’étaient attardés devant la cheminée de la cuisine, lui, séchant ses gros souliers de chasse, elle, arrangeant la gerbe de fleurs des champs qu’elle voulait rapporter à Paris. Puis, ils étaient remontés dans leur chambre, où ils avaient fourbancé quelque temps, en riant d’entendre, dans la salle basse, traîner la jambe boiteuse de l’aubergiste, qui fermait ses volets. Enfin tout s’était tu ; la pluie avait cessé, et ils s’étaient sentis tout à coup environnés par le grand silence et la profonde solitude de la campagne nocturne.
Sans rien dire, elle prit l’unique bougeoir, le posa sur la cheminée, devant la glace sombre et tachée par les mouches, et elle commença sa toilette de nuit. Lui, plongé au fond du grand fauteuil, les jambes croisées, la regardait, tout engourdi de bonheur et de fatigue.
Elle avait retiré sa robe et son jupon, et, gardant seulement son corset de satin noir qui étreignait sa taille mince, elle levait gracieusement, pour tordre son chignon, ses bras un peu grêles au-dessus de sa tête, quand elle vit dans la glace son amant qui lui souriait, et elle lui rendit son sourire.
Comme il l’aimait, dans ce moment-là ! Comme il l’aimait bien ! Sans désirs. Deux nuits d’ivresse les avaient éteints. Mais il était plus tendre encore dans son accablement. Devant le lit préparé, qui embaumait la lavande, devant les deux oreillers jumeaux, il savourait d’avance la volupté délicate de s’abandonner à l’étreinte de son amie, de lui dire bonsoir dans un baiser sans fièvre et de s’endormir sur ce cœur simple, qui ne battait que pour lui.
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