14-18, tome 9 : Sur la terre comme au ciel (juillet 1918)

Le destin ne fait aucun cadeau.

Alors que ce jour-là la victoire était à portée de nos fusils, Pierre et moi avons perdu nos deux derniers amis. Le destin ne fait aucun cadeau.

En ces heures sombres, chacun met en veilleuse ses exigences et ses jugements... et tout le monde s'accommode de petits arrangements!

On prend une leçon d'anglais... fuck... shit... bollocks... la base du vocabulaire!

- J'ai entendu dire que ça détendait... que la peur s'évanouissait...
- La peur est parfois utile, Momo... Elle nous évite de nous exposer inutilement au danger!
- La peur n'a pas empêché nos copains de se faire buter...

Le temps, c'est tout ce qui me reste!

Lorsque la journée est terminée, il n'y a plus de séparation, plus de races, plus de couleurs. Tout le monde fait la fête et chacun y met tout son coeur.

Je crois que si je n'avais pas le dessin, je serais mort depuis longtemps. Ou bien j'aurais sombré dans la démence. Mais le dessin, dans une mesure qui m'échappe complètement, me maintient, sinon en vie, tout au moins dans un état stationnaire. Peut-on être à la fois acteur et témoin? Je l'ignore. L'acte de reproduire ce que je vois met de la distance entre moi et les événements. Il les saisit pour mieux les refouler. Mieux que mon fusil, mon art me protège.