Inalia, tome 1 : Le Prince des loups

Alors qu'est-ce qui m'empêche de saisir lentement ses doigts entre les miens ? Peut-être le simple fait de savoir que si son corps répond au mien, cela ne prouve en rien qu'il m'aime, seulement qu'il me désire. Et si le désir et l'amour sont des sentiments qui se complètent, ils peuvent tout aussi bien être indépendants.

Il y a un côté manipulateur et destructeur dans toute fascination. Un papillon est fasciné par la lumière d'une bougie, et incapable de se raisonner, il finit par en mourir. Il sent la chaleur et le danger, mais il va tout de même se brûler les ailes.

Cette fois, on dirait bien que tu ne vas pas t'échapper…

Ce soir, j'ai perdu ma virginité ou plutôt, je l'ai donnée au seul homme qui a su faire battre mon cœur.

Il me regarde comme une femme et non comme une simple domestique, me donnant l'impression d'être…
Importante ? Aux yeux du Prince, je ne fais plus partie de cette foule d'anonymes, j'ai enfin une identité,
je suis Pénélope.

Il est Prince, je suis la servante, je dois lui donner tout ce qu'il demande, y compris mon corps qui pourtant
m'appartient. C'est la triste réalité de ma vie.

– Je suis venu me venger et je ne comptais pas me précipiter et faire les choses à moitié. La vérité doit
éclater !

Le Prince Stéphane se lève, contourne le bureau pour s'asseoir juste en face de moi, sur le meuble. Cette promiscuité accélère encore les battements de mon coeur et ma respiration, comme si j'étais essoufflée par une course folle. Pourtant, je suis juste assise, je n'ai pas esquissé le moindre geste. Je me rends compte que sa seule présence a une influence sur mon corps, cela me donne la sensation que mon organisme tout entier réagit à un gros effort. Ce qui est totalement absurde.

- Ne croyez pas que je vous juge différemment parce que vous êtes une servante. Je ne m'arrête pas à ces choses-là, contrairement à la majorité de la noblesse. Je sais ce que vous pouvez penser, que je me sens supérieur à vous, alors laissez-moi vous dire que vous vous trompez.

- Pourtant, quoi qu'il advienne, vous restez supérieur à moi. Certes, ce n'est ni votre faute ni la mienne, malheureusement, nous n'y pouvons rien changer, c'est notre naissance qui veut ça.

Il plonge ses magnifiques yeux verts, pareils à deux émeraudes étincelantes, dans les miens et je me sens frissonner. La courbe de ses yeux, ourlée de longs cils noirs, épais et arqués accentue l'éclat de ses prunelles la profondeur de leur couleur. Sait-il combien son regard est incroyable?

Écoute, je n'ai pas toutes les réponses à tes questions, je ne sais pas précisément ce qui t'est arrivée,
toutefois je suis certain que le temps nous le dira. Une chose est sûre, tu as été séparée de ta moitié.

J'entends ma Maîtresse murmurer un merci soulagé.
– Prince Stéphane, le jeune Timothée va s'en charger ! Ne vous ennuyez pas, cette fille se vide de son sang !
Elle risque de tacher vos beaux vêtements, sans compter qu'elle ne va sûrement pas passer la nuit, lâche
la Marquise d'une voix doucereuse.
– Regardez l'état de la banquette, renchérit Julie.
C'est une calamité !