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Critique de Kirzy


Kirzy
10 décembre 2021
« La violence d'Aurélien est revenue. Par la fenêtre, peut-être bien. C'est une surprise qui te foudroie. Depuis l'épisode des miettes, ses mots te fauchent comme une gifle. T'écorchent et t'humilient. Sa main ne se lève pas, mais de sa bouche les torgnoles tombent de nouveau. Et c'est une claque au coeur, chaque fois. Tu tournes le thermostat de la douche à fond. Mais cela ne suffit pas. Ça fait des jours que tu as froid. Il y a en toi quelque chose de glacé que rien ne parvient à réchauffer. Et dans ta tête, la phrase assassine qui a tué tes pauvres rêves de paix et de petits bonheurs tranquilles n'en finit plus de tourner. « Ferme ta gueule une bonne fois pour toutes, connasse, si tu veux pas que je la réduise en miettes. » »

Pour son premier roman, Amélie Cordonnier a le culot d'aborder de façon très cash un sujet peu abordé : la violence verbale dans le couple, la violence cachée, sourde, sournoise, insoupçonnable des mots qui terrasse et tabasse aussi sûrement que des coups.

Le tutoiement du récit, imposé par la narratrice qui se parle à elle-même, crée immédiatement une proximité qui ne lâchera jamais le lecteur et le lie à elle. Amélie Cordonnier trouve les mots justes pour raconter le piège qui se referme sur cette femme qui s'enlise lorsqu'après sept années de calme son mari rechute et l'agonit d'insultes qui tombent de façon imprévisible. L'auteure a l'intelligence de ne pas assommer le lecteur sous un tombereau d'injures, mais de doser son effet en les faisant débouler au bon moment pour renforcer l'effet de sidération.

Forcément, on s'interroge durant tout le livre, pourquoi ne part-elle pas fissa ? Toute la complexité de la situation est parfaitement rendue. Ce n'est plus une affaire de couple mais de famille maintenant qu'il y a deux enfants, un ado et une petite fille. le mari est un bon père aux yeux de la société qui ne sait rien, mais peut-on vraiment l'être quand on transmet cette violence à ses enfants ? Les accès de violence verbale sont épisodiques et laissent de la place à l'espoir de s'installer. La narratrice n'est ni lâche, ni faible mais ficelée de partout par la honte et l'effroi comme une bête traquée, croyant encore possible à un sauvetage par l'amour.

Si le roman tourne parfois un peu en rond en même temps que la narratrice hésite sur le choix à effectuer, j'ai apprécié le fait qu'Amélie Cordonnier laisse beaucoup de place au lecteur pour se construire sa propre opinion. Par exemple, jamais elle ne tombe dans la lourdeur psychologisante voire moralisatrice qui consisterait ( par facilité ) à poser un diagnostic sur la pathologie dont souffre ce mari maltraitant, jamais on ne comprend vraiment ce qui l'anime ni pourquoi il est aussi violent. Et n'importe comment, rien ne pourrait l'excuser. de même, la fin est extrêmement ouverte avec son ambiguïté qui permet plusieurs interprétations sur le choix final de la femme, partir ou rester.
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