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« La violence d'Aurélien est revenue. Par la fenêtre, peut-être bien. C'est une surprise qui te foudroie. Depuis l'épisode des miettes, ses mots te fauchent comme une gifle. T'écorchent et t'humilient. Sa main ne se lève pas, mais de sa bouche les torgnoles tombent de nouveau. Et c'est une claque au coeur, chaque fois. Tu tournes le thermostat de la douche à fond. Mais cela ne suffit pas. Ça fait des jours que tu as froid. Il y a en toi quelque chose de glacé que rien ne parvient à réchauffer. Et dans ta tête, la phrase assassine qui a tué tes pauvres rêves de paix et de petits bonheurs tranquilles n'en finit plus de tourner. « Ferme ta gueule une bonne fois pour toutes, connasse, si tu veux pas que je la réduise en miettes. » »

Pour son premier roman, Amélie Cordonnier a le culot d'aborder de façon très cash un sujet peu abordé : la violence verbale dans le couple, la violence cachée, sourde, sournoise, insoupçonnable des mots qui terrasse et tabasse aussi sûrement que des coups.

Le tutoiement du récit, imposé par la narratrice qui se parle à elle-même, crée immédiatement une proximité qui ne lâchera jamais le lecteur et le lie à elle. Amélie Cordonnier trouve les mots justes pour raconter le piège qui se referme sur cette femme qui s'enlise lorsqu'après sept années de calme son mari rechute et l'agonit d'insultes qui tombent de façon imprévisible. L'auteure a l'intelligence de ne pas assommer le lecteur sous un tombereau d'injures, mais de doser son effet en les faisant débouler au bon moment pour renforcer l'effet de sidération.

Forcément, on s'interroge durant tout le livre, pourquoi ne part-elle pas fissa ? Toute la complexité de la situation est parfaitement rendue. Ce n'est plus une affaire de couple mais de famille maintenant qu'il y a deux enfants, un ado et une petite fille. le mari est un bon père aux yeux de la société qui ne sait rien, mais peut-on vraiment l'être quand on transmet cette violence à ses enfants ? Les accès de violence verbale sont épisodiques et laissent de la place à l'espoir de s'installer. La narratrice n'est ni lâche, ni faible mais ficelée de partout par la honte et l'effroi comme une bête traquée, croyant encore possible à un sauvetage par l'amour.

Si le roman tourne parfois un peu en rond en même temps que la narratrice hésite sur le choix à effectuer, j'ai apprécié le fait qu'Amélie Cordonnier laisse beaucoup de place au lecteur pour se construire sa propre opinion. Par exemple, jamais elle ne tombe dans la lourdeur psychologisante voire moralisatrice qui consisterait ( par facilité ) à poser un diagnostic sur la pathologie dont souffre ce mari maltraitant, jamais on ne comprend vraiment ce qui l'anime ni pourquoi il est aussi violent. Et n'importe comment, rien ne pourrait l'excuser. de même, la fin est extrêmement ouverte avec son ambiguïté qui permet plusieurs interprétations sur le choix final de la femme, partir ou rester.
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TRANCHER, 1er roman d'Amélie Cordonnier, journaliste - Ed. Flammarion- Lu en janvier 2019, mon premier livre de l'année.
Trancher : séparer quelque chose en deux, couper avec un instrument, trancher toute attache familiale, régler une difficulté.
Je dirais que dans ce roman, la narratrice doit trancher un noeud gordien.
L' héroïne utilise la seconde personne du singulier pour raconter son histoire, elle se parle à elle-même, ce qui est déroutant au début, puis on s'y fait tellement bien qu'on entre dans les pensées de celle-ci.
Elle note tout, ses livres, ses courses, ses rdv, ses films, elle fait des listes, elle écrit tout... sauf les insultes de son mari.
Aurélien et ? (l'auteure ne la nomme pas) sont mariés, ils ont deux enfants, Vadim et Romane. le couple s'aime.
Aurélien est apparemment un homme sans problème. Peu après la naissance de Vadim, il se met à agresser verbalement sa femme, en lui crachant des insultes épouvantables. C'était la première fois.
S'ensuit une dépression, une thérapie d'Aurélien, un calme apparent qui dure sept ans. Naissance du deuxième enfant.
Et puis, un jour "c'est revenu sans prévenir" (page 13), lors d'un séjour à Cabourg dans la maison de la grand-mère d'Aurélien.
"Personne ne s'y attend, ni toi (toi étant la narratrice) ni les enfants, qui se figent instantanément . "Je suis chez moi quand même, alors ferme ta gueule une bonne fois pour toute, connasse, si tu ne veux pas que je te la réduise en miettes." (page 15).
Elle lui avait simplement demandé de diminuer la musique qu'il avait mise très fort, pour que Vadim puisse faire sa dissertation.
"Quelque chose, mal recollé en toi il y a des années s'est brisé net" (Page 16)
N'oubliez pas qu'elle se parle à elle-même !
Elle est sonnée, mais continue sa journée vaille que vaille pour donner le change à ses enfants .
Et cela se répète, encore et encore, les insultes sont de plus en plus violentes. Elle commence à les noter.
Entre deux périodes, Aurélien s'excuse, promet, jure qu'il ne recommencera plus, mais il recommence.
Et cela dure, elle est à bout. Un jour, elle ose en parler à son amie Marie qui
tombe des nues et lui conseille de partir, qu'elle ne peut pas continuer ainsi à se faire humilier, il faut protéger les enfants.
"Tout à l'heure, tu as frémi en tournant la clé dans la serrure. Sur le qui-vive : voilà comment tu vis depuis l'âge de vingt ans. Aujourd'hui, tu réalises, que même s'il y a eu une période de répit, tu n'as jamais vraiment connu la tranquillité. Tu ressembles à une bête traquée. Aux aguets. Tu as pris l'habitude que ça dérape. Tu as toujours passé ton temps à redouter le moment où ça bascule... le déferlement qui te fracasse. T'accuse d'abord puis te défonce... Et finit par t'abandonner, enfin, pantelante et exténuée" (page 84)
Mais elle a pris une décision, elle va trancher, au bout de toutes ces années d'humiliations, c'est le seul moyen qu'elle voit pour rester debout. Mais les enfants? Déjà elle se demande si elle aura la force. Elle doit prendre sa décision le jour de ses quarante ans, c'est la date qu'elle s'est fixée.
Ce roman vous prend à la gorge, c'est un livre bien d'actualité, il s'agit de violences conjugales verbales, une violence sournoise, qui ne laisse pas de trace comme les coups. Une étude psychologique aussi sur la relation époux-épouse, sur la relation parents- enfants, et sur la manière dont les enfants gèrent cette violence du père envers leur mère.
La violence conjugale commence toujours par la violence verbale, on ne meurt pas que sous les coups, on peut être détruit par les mots et même vouloir en mourir.
Un thème dur que j'ai abordé là pour une première lecture de l'année, mais qui mérite qu'on y prête attention.
C'est un roman, mais Amélie Cordonnier est tellement bien entrée dans la tête de cette femme, que je me pose des questions, comment raconter de telles choses avec autant de réalisme quand on ne les a pas vécues.
A lire pour ceux que le sujet intéresse.
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L'histoire est celle d'une femme ordinaire, mariée, mère de deux enfants pour qui tout irait bien dans le meilleur des mondes si son mari préférerait lui offrir des fleurs plutôt que de lui trancher la gorge à coups d'insultes. C'est pathologique. Chronique. Bipolarité ? Dépression ? Syndrome de Gilles de la tourette ? Méchanceté pure et dure ? Malgré des années de psychalyse, sept ans d'acalmie, Aurélien recommence. Sans raison, n'importe où, souvent devant les mômes, il insulte sa femme. Elle, pantoise, blessée, nouée, tranchée, elle note les insultes dans son calepin comme pour analyser la fréquence, la violence, ou bien pour y apercevoir une chance que ce soit la dernière fois. Elle veut y croire parce qu'elle n'aime que lui et qu'elle y tient à sa famille.

Jusqu'où peut-elle se faire trancher avant de trancher.
Trancher. Choisir. Partir ou rester. Trancher. Dans les insultes comme dans son couple.

C'est l'histoire d'une femme à bout, une boule de ping pong, un nuage entre la pluie et le soleil, un funambule sur un fil, une bougie sans oxygène, une poupée chiffonnée, un désaccord dans le prélude de Bach. Une femme entre deux rives. Ça tourne un peu inlassablement en rond.

Turpitudes élastiques entre violence et amour.

Je t'aime moi non plus.
Requiem pour un ange.
Je t'ai suicidée mon amour.
Bang bang my baby shot me down.
Et parce que le temps perdu ne se rattrape plus.

Trancher.
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Elle fait des listes.

Comme toi.

Mais as-tu déjà fait des listes d'insultes ?

Elle oui. Des insultes. Celles qui l'assomment et l'écrasent autant que des poings dans la gueule. Celles de l'homme qu'elle aime. Celles du père de ses enfants.

Pourtant, Aurélien (comment des mots orduriers peuvent-ils sortir de la bouche d'un si joli prénom…), n'est pas un méchant ogre. Il ressemble à Monsieur Tout le Monde justement. Brillant. Prince Charmant pas si mignon qui lorsque la pression devient trop forte abreuve sa belle de noms d'oiseaux …

Amélie Cordonnier dissèque le couple et tranche dans le vif dans ce court premier roman douloureux, et terriblement prenant.

Ses mots laissent des traces sur le coeur du lecteur.

Ses références me parlent. Barbara hante ses pages… Avec sa terrible et magnifique mélancolie.

Je me suis surpris à apprécier un livre écrit à la deuxième personne du singulier. Et foi de Juju, ce n'était pas gagné car j'ai souvent énormément de mal à rentrer dans le récit lorsque l'auteur choisit cet exercice de style. Ici, ça paraît naturel, le tutoiement pour vérité …

L'histoire d'une femme. Epouse. Mère. Femme. Face à cette insoutenable obligation que de trancher. Se taillader l'amour pour revenir vers soi. Vers quelque chose de soutenable.

C'est l'histoire d'un compte à rebours. Celui vers cette décision intime …

Partir.

Rester.

Trancher.
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Quand les mots frappent au coeur plus que des maux physiques ne frappent le corps ; comment vivre le désamour ?

Amélie Cordonnier décrit une vie de couple qui se délite lorsque les mots frappent, salissent, abîment : "Ferme ta gueule une bonne fois pour toutes, si tu veux pas que je la réduise en miettes" éructe-t-il... Bien entendu, devant les enfants, Romane et Vadim. Ils doivent absolument être témoins des colères d'Aurélien.

La violence est revenue. L'auteure construit sa narration à la troisième personne cela donne hauteur et recul pour dire le choc, les événements les plus terribles. Comme un scientifique disséquerait un corps en énonçant ce qu'il découvre.

7 petites années de rémission puis brutale la rechute ! les abominations, insultes qui se vomissent à nouveau de la bouche d'Aurélien.

Rester ou partir ? il va falloir trancher. Combattre pour ne pas se laisser abattre.

Comment ? Un compte à rebours, avant son quarantième anniversaire, pour rassembler des forces, dérouler des listes de noms en "asse" pour les lui asséner, qu'il comprenne combien ils blessent, ratatinent l'ego, salissent l'amour qu'ils se portaient. Il l'aime, le lui dit, demande pardon, pleure puis cela recommence encore et encore... pour des petits riens du quotidien.

Trancher ! rester ou partir... Puis les souvenirs remontent, la cour reprend, les fleurs et les parcs, le printemps, les sourires... les larmes.

Amélie Cordonnier offre un traitement peu ordinaire d'une violence conjugale qui se cache derrière les portes, n'a pas de visibilité physique.Indétectable.

La distance dans le récit rend les mots implacables, l'émotion intense.

Le lecteur a envie de dire STOP, de crier à cette femme "prend tes enfants, sauves-toi, sauve-les". Incrédulité devant tant de mots ignobles crachés pour faire mal et poésie des mots de Barbara pour décrire la fin d'une période heureuse, c'est d'un tel paradoxe. On en reste perplexe.

La fin du roman est inattendue. Après un tel roman, touchant. Impossible de rendre un avis tranché sur le choix des femmes qui vivent cet enfer. Les dialogues, les situations sonnent juste sous la plume d'Amélie Cordonnier. Raisonnent fort chez le lecteur malgré le TU qui distancie.

Une écriture directe, journalistique, poétique sublime une histoire d'amour d'une noirceur incroyable.

Une auteure à suivre, un roman marquant à ne pas manquer, malgré le sujet qui émeut profondément.
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****

En couple depuis plus de 15 ans, avec deux beaux enfants, la narratrice se voit obligée de se fixer un ultimatum : rester ou le quitter. Elle doit trancher une bonne fois pour toute... Aurélien, son mari, si beau, si présent, l'insulte de tous les mots quand bon lui chante. Jamais il ne lève la main, jamais il ne la touche, mais les phrases qu'il lui jettent au visage sont toutes aussi meurtrières... Est-il encore possible de tout supporter, de pardonner et d'oublier ?

Quel premier roman réussi !!! Amélie Cordonnier signe ici un livre fort, puissant, percutant, tout comme les insultes qu'Aurélien balance au visage de sa femme. En écrivant à la deuxième personne, Amélie Cordonnier nous plonge dans l'univers des couples parfaits, qui une fois la porte verrouillée, ne cherchent plus à sauver les apparences. Elle tente de nous éclairer sur la honte, l'humiliation, mais aussi les doutes et l'amour de cette épouse. Elle ne juge pas les mots et la violence non contenue de cet homme qui lâche prise.
La narratrice va-t-elle avoir la force ? Mais celle d'endurer et de garder une famille unie pour ses enfants, ou celle de quitter un homme qui la rabaisse et qui la tue à petit feu... On est totalement happé par cette souffrance et on ne peut que la regarder de loin, se débattre seule...

Amélie Cordonnier est une auteur à ne pas manquer et à soutenir !! Merci aux 68 premières fois pour cette découverte et cette mise en avant !!
Lien : https://lire-et-vous.fr/2018..
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Le thème de la violence conjugale n'est certes pas facile à traiter mais il n'est pas facile non plus à lire. Il ne faut être ni dans le jugement ni dans la plainte, ni dans le larmoiement mais savoir écrire ou lire en écoutant pour tenter de comprendre l'inconcevable et encore mieux enrayer ce processus.
Ici Amélie Cordonnier nous relate l'histoire d'une violence conjugale violence qui ne se voit pas puisqu'elle est verbale. La violence d'Aurélien envers sa femme est tue comme très souvent à l'extérieur mais bien exprimée dès la porte fermée et n'épargne pas Vadim et Romane les deux enfants. Cette violence telle un poison, ronge la femme qui est prise dans un dilemme : partir ou rester ? On ressent bien l'ambivalence des sentiments et la difficulté pour tous, y compris Aurélien, de vivre avec cette violence mais je n'ai toutefois pas été emportée par cette histoire, que j'ai lue avec un certain détachement, même si par moment, j'ai eu envie de crier STOOOOP à la place de la femme d'Aurélien.
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Amélie Cordonnier signe ici un livre percutant, tout comme les insultes qu'un mari balance au visage de sa femme.

Aurélien, pourtant d'un excellent abord à l'extérieur est un tyran domestique entre quatre murs il humilie verbalement sa femme, la met plus bas que terre et l'assomme de mots orduriers y compris à l'occasion des scènes les plus intimes

La romancière aborde peu traitée dans la fiction de la thématique de la violence verbale au sein du couple et montre comment cette mère de famille tente de ne plus flancher devant la violence des mots de son conjoint.

Comment peut-on rester avec un homme capable de nous parler de cette façon, de nous traiter de cette façon? .

Ce récit écrit à la deuxième personne du singulier, un parti pris , qui empeche le lecteur de rester indifférent au drame qui se joue entre ces lignes tente de répondre à cette épineuse question du syndrome de Stokholm.

Amélie Cordonnier est une jeune auteur à saluer pour l'audace de son propos !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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«La femme parfaite est une connasse»

Le premier roman d'Amélie Cordonnier va sonder la psychologie d'une femme qui subit jour après jour les agressions verbales de son mari. Après un premier répit, il reprend ses insultes. Faut-il dès lors Trancher?

« Alors ça sort, sans prévenir. Personne ne s'y attend. Ni toi ni les enfants qui se figent instantanément. Je suis chez moi, quand même, alors ferme ta gueule, une bonne fois pour toutes, connasse, si tu veux pas que je la réduise en miettes. Uppercut. Souffle coupé. Tu baisses la tête sous l'effet du coup. Quand tu la relèves, tu vois, sur la table, les miettes du petit déjeuner que tu n'as pas encore débarrassé. La porte claque aussi fort que sa menace. La honte cuit tes joues. Tu ne sais que dire, alors tu te tais. C'est un silence atterré qui vous accable tout à coup. Dans les yeux horrifiés de Romane, la surprise le dispute à l'effroi. Vadim ronge ses ongles, son frein aussi, tu le vois bien. » Un épisode parmi d'autres. Des dérapages qui s'accumulent. Mais pourquoi Aurélien se laisse-t-il aller? N'avait-il pas demandé pardon, ne s'était-il pas promis d'arrêter? Et pourquoi les vieux démons se réveillent-ils? Après le choc, la sidération vient la phase de honte, de culpabilisation. Qu'a-t-elle à se reprocher? Parce qu'après tout cela ne vient pas forcément de lui. Lui qui suivait des séances chez le psy…
Amélie Cordonnier déroule avec habileté le fil des sentiments et des émotions. Quand l'épouse comprend dans le regard de ses enfants combien elle est victime, quand elle doit faire bonne figure lors des repas de famille, mais surtout comment le poison s'installe insidieusement, transformant le quotidien en un enfer. La peur d'un nouveau dérapage s'ancrant littéralement dans les tripes. Au propre autant qu'au figuré. Un épisode, lors d'un déplacement en voiture, viendra du reste illustrer de manière spectaculaire ce mal insidieux.
Pour s'en sortir, elle va employer plusieurs stratégies. Par exemple minimiser «Allez, c'est bon, maintenant. Arrête de pleurnicher comme ça, ton père n'est pas mort au Bataclan !». Ou alors essayer l'évitement, la fuite. Ou encore essayer de le confronter au drame qu'elle et ses enfants affrontent en lui montrant des films plus ou moins explicites pour le faire réagir comme Une séparation, le Client d'Asghar Farhadi, L'économie du couple de Joachim Lafosse ou encore Nahid d'Ida Panahandeh. Et, en désespoir de cause, utiliser la méthode Coué «à cause de Proust et de son fichu Temps retrouvé».
Mais les «tirades incendiaires d'Aurélien» reprennent vite le pas sur les promesses de rédemption, sur les jours de rémission, sur les tentatives – maladroites il est vrai – de regagner les faveurs d'une épouse de plus en plus malheureuse.
Et qui réussit à se persuader qu'elle n'est pas «la gourde, la bonne à rien, la fille incapable et médiocre qu'il décrit.»
Vient alors le temps de l'action. de prendre l'air, de se confier à son amie Marie, voire même de s'offrir une séance de sexe à l'impromptu.
Je ne dirai pas une ligne de l'épilogue de ce livre, sinon qu'il vous réserve encore une belle salve d'émotions. Refermant ce roman choc, je me dis que nous serons nombreux à nous précipiter sur son prochain opus.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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un weekend de septembre, à Cabourg, on peut en rêver, mais quand l'escapade tourne au cauchemar pour ce couple et ses deux enfants, on s'interroge. Que s'est-il donc passé ?
L'originalité de ce récit réside dans le choix de la narratrice de relater un pan de sa vie à la deuxième personne du singulier, façon de prendre de la distance et de se livrer à l'introspection. Cela peut surprendre d'autant que cela installe une proximité parfois troublante, dérangeante avec le lecteur.
Elle fait défiler le film de sa vie en flashback : la rencontre avec Aurélien, leur premier baiser, puis leurs promesses. Elle se remémore en dressant son portrait ce qui lui a plu dans ce garçon. Puis elle évoque leur vie commune, la naissance de Vadim.
Et ces vacances ratées qui l'ont plongée dans l'engrenage de la dépression. Puis le voyage en Croatie qui fut celui de trop. L'explosion verbale d'Aurélien, c'est la goutte qui fait déborder le vase : retour immédiat à Paris et séparation. Une nouvelle vie avec garde alternée. Un époux qui, ne voulant pas s'avouer vaincu, suit une thérapie et tente la reconquête. L'héroïne va succomber, reprendre la vie commune comme à zéro. Une entente, une harmonie inimaginables avant, les lient à présent. Aurélien a décidé que son épouse serait «  sa priorité », il la complimente, participe aux courses. Un vrai miracle pour cette femme auparavant si fortement éprouvée. Intense émotion réciproque quand une deuxième naissance est attendue.
Une parenthèse de bonheur à laquelle l'héroïne a du mal à croire. «  N'est-ce pas du chagrin qui se repose » ?
Dans la deuxième partie du récit, on revient à Cabourg et on plonge dans l'enfer auquel le couple et les enfants sont confrontés avec la même violence verbale qu'il y a sept ans. Comment y voir clair quand on est englué dans les mots pervers, violents, humiliants de l'autre ? Il y a Marie, la confidente, qui l'aide à se projeter à ses 40 ans.


Comme l'affirme Guy Corneau ; « Lorsque nous mettons des mots sur les maux les maux dits deviennent des mots dits et cessent d'être maudits ».
Cette nécessité de consigner dans son iPhone ce chapelet de phrases assassines, de mots qui entaillent tels des rasoirs, cette litanie déversée, sert d'exutoire à la narratrice. Comme le dit Amélie Nothomb : «  un mot contient de la nitroglycérine qui peut tuer ou sauver ». On devine facilement les dégâts collatéraux de ce genre d' agression psychologique pour l'entourage.
Pour la victime, le compte à rebours est enclenché. La voici en proie aux atermoiements, taraudée par le dilemme : le quitter ou pas. Situation qui rappelle celle d'Aurore, héroïne de Serge Joncour dans Repose-toi sur moi  pour qui « c'est un choix démesuré de quitter la personne avec qui on vit, avec qui on est installé depuis des années, avec qui on a des enfants, c'est une décision impossible à prendre, parce qu'elle ouvre sur trop d'abîmes ...». Quelle résolution va-t-elle prendre pour ses 40 ans ? Sa recherche d'un logement préfigurerait-elle son départ ?
Et la narratrice de prolonger le suspense alors que la nouvelle année se profile.

Amélie Cordonnier met en scène, avec beaucoup de réalisme, un couple en crise, elle montre avec subtilité comment la violence s'immisce, « peut se mettre en sourdine, pour mieux resurgir ». Situation dramatique quand les enfants en font les frais. A l'ère du « me too », c'est l'occasion de dénoncer ce harcèlement verbal qui blesse, humilie et détruit. L'auteure pointe les ravages de l'alcoolisme dans ce couple.
Ce témoignage incite à réagir, à être vigilant, à demander du soutien dans un cas semblable ou à en apporter. Qui n'a n'a pas connu des familles aux abois ?
L'auteure signe un premier roman perturbant, à l'écriture nerveuse, pleine de rage, qui suscite l'empathie. Une belle plume à suivre.


N.B. : le bandeau de la couverture représente un détail du tableau « La Visite »
de Félix Valloton, peintre aussi choisi pour le bandeau du roman de Serge Joncour : CHIEN-LOUP, Flammarion.
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