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Critique de alouett


« Dessous décrit la vie tumultueuse de deux soeurs issues de la communauté juive dans le Lower East Side de New York du début du 20ème siècle. Esther et Fanya sont deux soeurs jumelles, nées en 1900 dans ce quartier presque exclusivement composé d'immigrants en provenance d'Europe de l'Est et fraîchement débarqués aux États-Unis. Leur mère tient un atelier de confection et trompe allègrement son mari, un homme effacé. Les deux soeurs s'éloignent du giron familial dès l'adolescence, Fanya commence à travailler pour une avorteuse qui fera son éducation scolaire et politique. Esther, fascinée par des danseuses d'un théâtre burlesque local y prend des cours de danse tout en travaillant comme bonne à tout faire dans la maison close attenante. Les chemins des deux soeurs pourtant très liées l'une à l'autre vont progressivement diverger… » (Extrait synopsis éditeur).

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Connaissant la ligne éditoriale de l'éditeur et le sujet de cet album, j'avais fait ce qu'il est de coutume d'appeler « un achat compulsif ». Je m'étais contentée de feuilleter distraitement l'ouvrage en librairie. C'est donc chez moi que j'ai découvert un graphisme que j'ai hâtivement jugé austère. Depuis le mois d'août dernier, date de la sortie (et de l'achat) de cet album, je n'ai donc eu de cesse de reporter cette lecture, sur un simple délit de « sale gueule du graphisme »… no comment…

J'ai pourtant eu beaucoup de plaisir à le lire, rechignant à interrompre ma lecture lorsque cela s'avérait nécessaire. La rencontre avec les jumelles se fait facilement et très vite, le lecteur se repère sans difficulté dans leur univers. La présence de termes yiddish tout au long du récit aide à cette immersion, comme s'il s'agissait d'une petite note exotique propice à l'installation de l'atmosphère. Ce qui m'a marqué, c'est la construction narrative qui s'affaire en premier lieu à installer les personnages féminins (principaux et secondaires) ; ce n'est que plus tard que le père des jumelles fait son apparition. En contrepartie, les deux chapitres centraux lui sont consacrés, seul flash-back du récit qui nous ramène en 1895 et 1896. Ce passage nous permet de comprendre les raisons qui ont conduit cet homme à quitter l'Europe de l'Est et à venir s'installer en Amérique aux côtés d'une femme acariâtre qui deviendra – quelques années plus tard – la mère de ses enfants. Les quatre autres chapitres s'arrêtent sur les années qui ont été décisives dans la vie des jumelles (1909, 1912, 1917, 1923).

Le trait est gras et maladroit mais il facilite grandement les choses au lecteur. On trouve naturellement notre place dans ce monde ; la place de spectateur est confortable, cela ne nous empêche aucunement de ressentir les soubresauts émotionnels du récit : ferveur, entrain, déception, douleur… tout y est. On laisse Leela Corman nous balloter tantôt aux côtés d'Esther, tantôt aux côtés de Fanya… j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir la destinée de ces deux soeurs indépendantes et rebelles. La petite mouche présente sur la joue gauche d'Esther écarte tout risque de confusion entre l'une et l'autre.

A l'instar de nombreux lecteurs, je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec Broderies de Marjane Satrapi et ce pour deux raisons. La première tient aux styles graphiques que je trouve proches (dessin minimaliste, trait gras, expressivité des personnages). La seconde tient aux choix narratifs : des éléments autobiographiques sont présents dans les deux récits (bien que ce soit plus ténu dans Dessous), un univers qui s'installe presque exclusivement autour de personnages féminins qui s'émancipent et s'affranchissent de certaines conventions. On parle ici assez ouvertement de sexe, les personnages ont une franchise assumée, le ton est espiègle par moment… J'arrête les comparaisons en disant que j'ai eu un plaisir non dissimulé à lire ces deux albums.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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