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Critique de babel95


On ne remerciera jamais assez les « Masses Critiques » de Babelio. Elles nous donnent régulièrement l'occasion de sortir totalement de notre zone de confort pour aller à la découverte d'ouvrages originaux. C'est bien ce que j'ai ressenti à la lecture du Cri de la laine, « fiction romanesque » écrite par Jean-Michel Cormary, qui s'est inspiré de récits de son arrière-grand-mère, blanchisseuse au château des Reille-Soult, véritable « informatrice » d'un autre temps.

Nous sommes à Mazamet, petite ville du Tarn, capitale du massif de la Montagne Noire, au début du mois de janvier 1909. Les ouvriers délaineurs viennent de débuter une grève, leurs revendications salariales ayant été refusées.
Mazamet a de particulier qu'elle est la capitale mondiale du délainage. le délainage consiste à extraire la laine de peaux venues de l'étranger, considérées comme des déchets inexploitables, transformés sur place en un produit de qualité revendu au prix fort à l'étranger, en particulier en Angleterre.
Le délainage emploie une large main d'oeuvre qualifiée, les techniques de lavage, de peignage des laines se font grâce à des produits chimiques, mais il faut également « peler » les peaux sur des bancs de pelage, pour séparer laine et cuir. Les conditions de travail sont difficiles et dangereuses, dans une odeur effroyable.

Le roman de Jean-Michel Cormary s'intitule le cri de la laine : un western tarnais. Un western "social" ? Ce sous-titre m'a interpellée : en effet, il s'agit d'un conflit qui a réellement existé et qui est connu à Mazamet sous le nom de « la grande grève de 1909 ». Il a été particulièrement dur et a duré quatre mois. Période connue aussi par "l'exode des enfants" : les enfants ayant été confiés à des familles extérieures au conflit. Les augmentations ont fini par être reconnues justifiées et accordées. Pourquoi un western ? Jean-Michel Cormary dépeint un conflit paradoxal, une sorte de « mélange des genres » : un patronat soucieux du bien-être des ouvriers, des ouvriers qui refusent de saccager la matière première…Une opposition qui rappelle la guerre entre catholiques et protestants, les ouvriers étant catholiques et royalistes, s'opposant à des patrons majoritairement protestants et républicains. Un député, le Baron Reille, descendant du Maréchal Soult qui soutient ouvertement les ouvriers. Les syndicats qui veulent asseoir leur pouvoir coûte que coûte. Rien n'est clair, blanc ou noir, les alliances les plus improbables sont fortes, alors que Clémenceau fait envoyer l'armée, et que Jean Jaurès intervient. Mais les briseurs de grève sont à la manoeuvre, des hommes de main sans états d'âme prêts à tout, comme vendre à bas-prix des potions miraculeuses (en fait de puissants laxatifs) afin de réduire par la ruse le nombre des futurs manifestants. Mais leurs actions qui exploitent peur et crédulité ne vont bientôt plus connaître de limite, et ils iront jusqu'à commettre des actes innommables. Un western, ou les armes seront utilisées et auront quelquefois le dernier mot.

J'ai beaucoup aimé lire ce roman basé sur des faits historiques et les études du Pr Rémy Cazals. Jean-Michel Cormary a dépeint avec beaucoup de soin une époque pas si lointaine, une France industrielle en plein essor. Son grand mérite, selon moi, a été de souligner la violence, mais aussi quelque part l'absurdité du conflit. On retiendra de beaux portraits, celui de Maximilienne, jeune journaliste à l'Humanité, proche de Jean Jaurès, et de Sean O'Brien, néo-zélandais présent à Mazamet pour terminer ses études, joueur de rugby qu'il contribuera à faire connaître dans la région.

Je remercie les éditions Un Autre Reg'Art et Masse Critique de Babelio pour l'envoi de ce roman. J'ai consulté le blog d'Ernest Vidal dont parle Jean-PierreV dans sa critique très détaillée : merci beaucoup pour cette piste de lecture.

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