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Critique de 5Arabella


La querelle du Cid, les attaques dont il a été victime et la condamnation de l'Académie ont ébranlé Corneille. Alors qu'il donnait une nouvelle pièce par an, il attendra 3 ans entre le Cid et cette pièce, Horace. Elle sera d'abord jouée devant le cardinal de Richelieu en mars 1641, avant d'être donnée au théâtre, deux mois plus tard.

Corneille a longuement consulté les textes, en particulier ceux d'Aristote, considéré à l'époque comme l'autorité absolue, il a aussi demandé les avis « des doctes » sur le manuscrit de sa pièce, même si final il semble ne pas vraiment les avoir écoutés. Ce qui n'a pas empêché sa pièce d'être aussi critiquée.

Il s'attaque dans cette pièce à l'histoire romaine, une histoire mythique de l'époque des rois, telle que l'a narrée Tite Live. C'est le sujet auquel on associe habituellement Corneille, la pièce à sujet historique romain, on peut quand même noter, qu'il a écrit avant neuf pièces avec des sujets très différents, et que par la suite il ne se limitera pas non plus à Rome et à son histoire ; au final seulement la moitié de ses pièces peut être rattachée à cette thématique.

Le récit qui fonde la pièce est très connu : Rome est en conflit avec Albe, la ville voisine et aussi la ville d'où elle est issue par Romulus. Pour régler le différent, il est convenu que trois champions représentant leur ville seront opposés aux trois champions représentant la ville rivale. Les trois frères Horace sont choisis par Rome, et les trois frères Curiace par Albe. Après la mort de deux Horaces, le troisième l'emporte par la ruse. Feignant la fuite, il affronte successivement les trois Curiaces et les tue. En rentrant, il est interpellé par sa soeur, Camille, fiancée à l'un des Curiaces. Ses plaintes l'indignent et il l'a tue. Il est absout par le roi, compte tenu de son exploit.

Corneille, qui suit ses sources de près, qui n'invente pas l'histoire, se verra reprocher le meurtre de Camille par son frère, au nom de la bienséance, ce qui est vraisemblable pour le public. Et un frère n'assassine pas sa soeur. L'absolution du héros a aussi été contestée. Les « doctes » auraient voulu que Camille se jette d'elle-même sur le glaive de son frère, provoquant son malheur, mais pas une faute impardonnable.

Or Corneille a trouvé chez Aristote des éléments lui permettant de formuler sa conception de la tragédie : passage du bonheur au malheur avec surgissement des violences au sein des alliances. Ce sont les conflits entre les personnes proches, qui provoquent de l'émotion, de la surprise, chez les spectateur. Une trahison ou un un meurtre, venant d'un ennemi, n'a que peu d'impact, il est dans l'ordre des choses. Horace illustre parfaitement cette conception, et Corneille se sent légitime pour proposer cette version des faits au public.

S'il n'est pas satisfit de sa pièce, c'est pour une autre raison, qu'il va développer entre autre dans l'Examen publié dans l'édition de 1660. Cette raison est la duplicité de l'action. le héros doit faire face à un seul péril, qui garantit l'unité d'action de la pièce. Or dans Horace, après un péril public au service de la patrie, un péril illustre (le combat contre les Curiaces) le héros tombe dans un autre péril, un péril d'ordre privé et qui plus un péril infâme, suite au meurtre qu'il commet sur sa soeur, et dont il ne peut sortir selon Corneille « sans tache ». Corneille est allée chercher chez Aristote l'idée qu'une tragédie doit avoir une seule action, avec un commencement, un milieu, une fin. le rôle du dramaturge est de construire ces différentes étapes de façon la plus logique possible. le reste vient après, les caractères des personnages, les beaux passages déclamatoires, les sentiments, les péripéties etc Cela sert à donner une cohérence à l'action principale, ce sont aussi « des broderies » qui agrémentent l'oeuvre pour le spectateur.

Le problème dans Horace, c'est que Corneille a procédé par réduction d'un sujet pré-existant et très dense, où il fallait résumer, faire tenir une action complexe dans une pièce en cinq actes. Ce qui ne permettait pas cette action principale unique, avec un commencement, un milieu, une fin. Dorénavant, il va procéder par déduction, en partant d'une trame simple, d'une fin parfois seulement, il va déduire le reste, imaginer les éléments qui vont permettre d'arriver à la conclusion prévue, la part des embellissements, « des broderies » étant inversement proportionnelle à la richesse de l'intrigue.

Pour donner une impression plus personnelle et totalement subjective, j'ai toujours eu un peu de mal avec cette pièce, le personnage de Horace m'horripile, et encore plus celui de son père, le vieil Horace. Ils sont tellement donneurs de leçons, sûrs d'eux-mêmes et de leur vision du monde, qu'on aimerait que quelque chose arrive à les faire vaciller. Or tout semble leur donner raison. Et les autres personnages, à part Camille semblent vraiment falots en face. Et les merveilleuses « broderies » que Corneille fait tellement chatoyer dans d'autres pièces, sont peu présentes ici, l'action en elle-même étant trop dense pour leur laisser de la place. Mais c'est évidemment une pièce essentielle dans l'évolution du théâtre de Corneille.
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