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Critique de BazaR


BazaR
09 février 2014
Rome et Albe, les soeurs ennemies, sont en guerre pour décider laquelle est supérieure et maîtresse de l'autre. Alors qu'elles s'apprêtent pour la bataille finale qui engendrera morts et désespoir des deux côtés, le roi d'Albe propose de résoudre la question tout en limitant les dégâts : un affrontement de champions. Mais le tragique du carnage annoncé se métamorphose en tragique familial, car les champions choisis – les trois Horace pour Rome et les trois Curiace pour Albe – sont liés par des liens d'amour et de mariage : Horace est marié à Sabine, soeur de Curiace, et Curiace est fiancé à Camille, soeur d'Horace. Les règles de l'honneur et l'amour de la Patrie l'emporte chez les hommes au grand désespoir des femmes ; l'affrontement est sans pitié, indécis, avec rebondissement. Au final Horace, mari de Sabine, demeure seul en vie et Rome est vainqueur. Dominée par le chagrin et l'envie de vengeance, Camille rejette Rome qui la prive de son bonheur. Horace n'accepte pas cette trahison et la tue. le dernier acte conte le procès de cet homme qui apporte gloire à sa cité mais est aussi criminel. Son premier geste prévaut-il sur le second ? Tulle, le roi de Rome, décide que oui, car la raison de l'État ne peut que prévaloir devant l'injustice d'un crime de sang.
Il s'agit de la première vraie tragédie de Corneille, décrivant une situation qui justifie magnifiquement la création de l'adjectif « cornélien ». Les personnages sont déchirés entre amour et honneur, entre loyauté envers leur moitié et loyauté envers leur patrie. Chacun se détermine différemment devant ce choix. Horace est un bloc de gloire guerrière et de patriotisme à l'état brut, Curiace accepte aussi la primauté de l'honneur mais contraint et forcé, regrettant de devoir affronter son beau-frère. Camille n'a de cesse d'essayer de les dissuader et, quand son amour est détruit, rejette entièrement sa patrie. Sabine geint, dépassée par les évènements et la force de caractère des trois autres, elle tente à plusieurs reprises et sans succès d'élever son héroïsme au niveau de celui des autres.
L'édition du Livre de Poche est riche d'un commentaire détaillé sur la pièce. On apprend les diverses interprétations du comportement des acteurs qui ont dominé au cours des temps. Mais il ne faut pas le considérer comme un jugement définitivement cristallisé. L'apport majeur de cette pièce est en effet la réflexion qu'elle induit chez la personne qui la lit. Et cette réflexion ne peut être, ne doit être que multiforme. le meurtre de Camille par son frère Horace est probablement le sujet de réflexion le plus riche. Corneille n'a pas inventé cet acte, il s'est inspiré de l'histoire racontée par Tite-Live. Dès la sortie de la pièce les critiques ont désapprouvé ce geste qui tâche la gloire naissante du héros. Longtemps il a imposé Horace comme une simple brute. Alain Couprie, le commentateur de l'édition Livre de Poche, s'oppose à cette interprétation, note nombre d'interventions d'Horace qui traduisent sa douleur profonde de la situation mais aussi son comportement de samouraï qui efface tout hormis la gloire et le service à la patrie dans l'apparence qu'il présente aux autres. Pour Couprie, le meurtre de Camille n'est que le prolongement raisonné de l'élimination de toutes les menaces envers Rome, au nom de la Raison d'État (vision qui soit dit en passant a dû plaire au Cardinal de Richelieu à qui la pièce est dédiée). Je ne le suis pas entièrement sur ce terrain. Horace m'est apparu effectivement comme un samouraï soumis à l'honneur, mais je vois le meurtre de Camille comme un geste inspiré par l'émotion de l'instant. Il vient de faire triompher Rome, la gloire éternelle lui est acquise, il est dévoré par ce sentiment jouissif et il est certain d'incarner en cet instant la justice divine. En cet instant il est au-dessus du Roi, il n'est plus soumis aux lois des hommes. Camille a alors le malheur de menacer Rome. Dans son état d'esprit Horace ne voit plus sa soeur mais seulement un autre Curiace, un autre obstacle à Rome qu'il incarne et qu'en tant qu'incarnation de la Justice il élimine d'un geste.
Je m'arrête là. On pourrait écrire un livre avec les impressions et les réflexions que peuvent inspirer la pièce et ses commentaires mais vous devez déjà être lassés de mes élucubrations.
Lisez-là. Faites-vous votre propre opinion.
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