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Critique de jlvlivres


« La Bataille d'Anghiari » (2013, L'Or des Fous, 150 p.). Un des rares livres de Marie Cosnay que je n'avais pas encore lu. J'ai profité de la sortie de « Comètes et Perdrix » (2021, L'Ogre, 184 p.) pour le commander (et pour lire les critiques déjà parues). Un régal (le livre et les critiques).
Que de pages lues sans beaucoup y comprendre quoique ce soit. « Tromperie sur la marchandise » même peut-on lire. Evidemment si on achète « Les Fleurs du Mal » pour se soigner ou comme un livre de bien être, on risque d'être déçu(e) à moins que l'on ne considère la beauté du texte. Comme disait un autre « Ami-e-s peu lecteur s'abstenir ». Non, au contraire, qu'ils lisent ou qu'ils déchiffrent au moins pour une fois autre chose que de la lavasse.
Pour en revenir à Marie Cosnay. Il faut bien expliquer qui elle est (qui elles sont). Trois en fait.

- Enseignante en lettres classiques, dans un collège du Sud-Ouest, le collège Fal à Biarritz pour ne pas le nommer, on s'en serait douté. Vivant à Bayonne, mais n'hésitant pas à prendre la route pour aller dans des collèges des « quartiers difficiles » comme on le dit pudiquement. Je dois reconnaître que si je l'avais eu comme prof de latin, je n'aurais pas eu 0.5 de moyenne avant le bac (le 0 étant éliminatoire). En tant que telle, elle a traduit Ovide dont « Les Métamorphoses », tout d'abord des extraits (2011, Cheyne, 109 p.) puis la totalité (2017, Editions de l'Ogre, 518 p.). Pourquoi ? parce qu'en 2006, les trois livres (X, XI, XII) des « Métamorphoses » ont été inscrits au programme du baccalauréat littéraire. La réaction des élèves a été immédiate, découvrant un auteur quasi contemporain, ou du moins traitant de problèmes contemporains. Elle traduit actuellement l'« Enéide » de Virgile, qui commence par le récit d'Enée :
« Mes chants : d'armes, d'homme qui premier des bouches de Troie
Enfui (les destins !) est venu à l'Italie, aux côtes
Laviniennes. Ballotté fut-il, et beaucoup, par terres et mers :
Pouvoir d'En-Haut, colère à mémoire de Junon-la-Sauvage.
Enduré, beaucoup aussi, à la guerre, jusqu'à fonder la Ville,
Installer au Latium les dieux. de là : race des Latins,
Pères Albains, hautes murailles pour Rome ».
Et ceci après le beau texte de Paul Veyne « L'Enéide » (2012, Albin Michel, 432 p.), déjà fort bien traduit, mais en prose.
« Je vais chanter la guerre et celui qui, exilé prédestiné (tout a commencé par lui), vint des parages de Troie, en Italie, à Lavinium, sur le rivage. Lui qui, sur terre et sur mer, fut longtemps le jouet des puissances célestes, à cause de la rancune tenace de la cruelle Junon ; qui eut tant à souffrir de la guerre, pour fonder à ce prix une ville et installer ses Pénates dans le Latium. D'où la nation latine, Albe et ses Anciens, et les murailles de la noble Rome ».

- Un écrivain dont les livres sont pleins de poésie. Il est vrai que cela peut perturber les « peu-lecteurs ». Ainsi « Cordélia, La Guerre » (2015, Editions de l'Ogre, 368 p.) reprend l'histoire du roi Lear et de ses filles. Mais tout commence par une Cadillac, à demi brûlée découverte dans une zone frontalière, près des Trois Fourches. Une femme a disparu, sans doute cette amnésique que l'on découvre plus loin. Enquête policière presque banale, menée par Ziad Zerdouni, Gérard Durruty son chef, Zelda et Ximum, le médecin légiste. Puis entrent en scène Kent le barbu, et son fils (de la main gauche) Ed dit « Prépa Sup de Co Erasmus à Shanghaï ». Pour faire un peu référence au bon vieux Bill, il y a aussi Glouc et les filles Goneril et Régane. Cordélia est vêtue de blanc, et non pas de probité candide et de lin blanc. Evidemment vu de la sorte…. Comme dirait l'autre « Tromperie sur la marchandise ». Non, une autre façon, originale, de voir le monde.

- Enfin une personne très engagée dans l'aide aux migrants, surtout s'ils sont encore enfants. Déplacés dans le Sud-Ouest où ils retrouvent un peu de stabilité. Lire « Jours de répit à Baigorri » (2017, Creaphis Editions, 72 p.). Vous aurez sans doute un autre regard envers ces enfants, ces « migrants » comme on le dit pudiquement. Ou encore « Comment on expulse, Responsabilité en miettes » (2011, Editions du Croquant, 118 p.) sur une famille originaire du Kosovo, expulsée de Biarritz. Elle a d'ailleurs un blog sur Mediapart (https://blogs.mediapart.fr/marie-cosnay) où l'on trouve cette phrase qui résume tout « Sur deux ou trois choses entendues et lues ce matin du 21 octobre. Sur la cruauté, sur le premier ministre, sur le combat contre le terrorisme, sur l'école et sur un adjectif. Sur nos larmes. »

Alors, à côté « La Bataille d'Anghiari » où il n'y a pas les noms des commandants, la liste des blessés et des chevaux crevés, la prise du pont (celui d'Arcole par Napoléon et son drapeau) et Blucher qui n'arrive pas …. Mais comme l'a écrit Machiavel à propos de cette bataille « dans un combat si acharné qu'il dura quatre heures entières, il n'y eut de tué qu'un seul homme, qui, encore, ne périt pas par le fer ennemi ou par aucun coup honorable, mais qui tomba de cheval et fut foulé aux pieds des chevaux ». Encore heureux que Leonard de Vinci ait peint la scène, et que le smartphone renvoie à Rubens. En fait au lieu de pianoter Anghiari, il aurait mieux valu taper critique, cela évitait de lire le livre.
Restent Txabi Etxebarrieta et sa poésie, c'est déjà pas si mal. Mais dans le fond, que garde t'on de la bataille, si ce n'est les deux tableaux et quelques lignes sur un smartphone. Onze mille soldats pour un pont disputé entre Milanais et Florentins. Une peinture, inachevée et d'ailleurs recouverte par une autre. Mais comme le dit Leonard lui-même : « Au moment où [j'] ai appliqué la brosse, le temps est devenu mauvais, et la cloche a sonné pour appeler les hommes à se réunir. le carton s'est déchiré, l'eau s'est renversée et le vase qui la contenait s'est brisé ». Il aurait pu ajouter « et le lendemain j'avais piscine ». Des copies, dont celle de Rubens. Et que reste t'il du « Salone dei Cinquecento » au Palazzo Vecchio ? « Non seulement nous n'avons pas la fresque, mais nous n'avons même plus la grande salle du Palazzo Vecchio telle que Leonard l'avait connue ». Décidément, tout fout le camp, Txabi Etxebarrieta aussi.
Qui s'en souvient, sinon une prof de collège dans une ville du Sud-Ouest. Tout comme elle se souvient de la Commune de Paris, dont on célèbre ( ???) les 150 ans. Communards contre Versaillais décrits dans « A notre Humanité » (2012, Quidam Editeur, 112 p.). Les vaincus (ceux aussi de la guerre de 1870) « Leurs vêtements déchirés dans la lutte, affamés, épuisés par les insomnies, blessés, ils sont conduits sur les promenades puis à Satory, les mains liées dans le dos. de belles dames leur donnent des coups d'ombrelles au passage ». Qui s'en souvient. Même le mur du cimetière du Père Lachaise a oublié le nom des 147 fusillés là. Suivis par des centaines d'autres cadavres. Faits prisonniers plus loin et fusillés là ou ailleurs. Amenés à pleines charretées. Enfouis, entassés sur trois rangs de hauteur.
Retour à Txabi Etxebarrieta, qui abat un agent de la Guardia Civil. Ce qui n'est pas forcément bien. Mais qui est recherché, rattrapé et tué par balles. C'est le premier homicide de « Euskadi Ta Askatasuna » (ETA) en 1968. Un peuple ou une région qui se bat pour son indépendance et qui sombre dans la violence et la radicalisation, à partir des exactions commises par le régime franquiste. Autodissolution de l'ETA en 2018. C'est déjà la conclusion de Marie Cosnay dans « Dialogue avec les Morts » (2012, Publie.net, 56 p.). « Je recommence. Les morts s'accumulent. On a cru jusqu'à en mourir. On a perdu et on n'est même pas mort. La révolution sociale pour laquelle on pouvait tout n'a pas eu lieu. Que fait-on des luttes perdues ».
Txabi, qui était poète. « Sur les pentes là-haut qui s'étendent sous le ciel / il n'y a pas l'ombre des arbres ». Mais à Tolosa. Un coup de feu. « le ciel fait des fantômes, un serpent a pris la colline, du haut jusqu'au bas »
Il y a Paloma, modèle pour de jeunes peintres madrilènes. « Les portraits d'elle se succèdent, avec cette particularité que de l'un à l'autre il est difficile de reconnaître Paloma ». Ou encore « les portraits de Paloma se succédaient et Paloma succédait à elle-même ».
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