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Critique de Kirzy


Rentrée littéraire 2021 #2

Fin XIXème siècle, dans le Jura forestier. Aimée, mariée à Candre, un riche propriétaire terrien, découvre qu'elle ne peut plus sortir de la propriété conjugale. Au fil du temps et de ses désirs, elle va comprendre ce qu'il s'y est passé avant elle.

Cécile Coulon est joueuse. Elle a mis en récit un conte empli de références assumées entre Dracula et Orgueil et préjugés, avec une touche de soeurs Brontë et de Daphné du Maurier. Au carrefour de nombreuses atmosphères, elle s'amuse des codes du huis clos, de l'enquête policière et du roman gothique, excellant à caractériser les personnages dont on imagine parfaitement l'apparence et la gestuelle :

- la jeune ingénue, vierge et innocente, pleine d'espoir et d'illusion, prête à s'éveiller à la connaissance de soi et à la sensualité
- le mari énigmatique, rigide d'apparence, d'où semble émaner un certain danger, encore non identifié
- le fantôme de la première épouse dont la présence invisible plane au-dessus de chaque situation
- le serviteur sauvage et muet, toujours tapi à espionner
- une sorcière qui se cache derrière des atours anodins.

Avec une qualité d'écriture aiguisée et fine, souvent poétique, pleine de musique et de sons, elle excelle tout particulièrement dans les descriptions des lieux, la forêt du domaine et bien évidemment l'inquiétant manoir qui semble prendre vie pour menacer Aimée dès son arrivée :

« le château se fondait dans la végétation, comme s'il était né de la forêt, protégé par elle sans qu'elle le dévore, habillé par ses feuilles et ses plantes grimpantes, bourdonnant d'abeilles, et pourtant étincelant et propre comme les costumes de Candre. Elle imaginerait un oeil géant, de lumière et de verdure, tandis que la voiture s'arrêterait devant l'escalier, usé, vestige des caprices de Jeanne Marchère. Un oeil immense posé sur elle, aux cils de vantaux plats, aux cernes de vitres impeccables. Elle ne saurait en ces lieux quoi répondre aux silences de la forêt. »

Loin d'être une pale copie ou une plate compilation hommage à des inspirations extérieures, le récit mystifie en n'allant jamais là où on croit qu'il va aller. C'est toute l'habileté de l'auteure de parvenir à berner le lecteur en l'aspirant dans sa focalisation interne à la troisième personne. On colle à Aimée, à ses doutes, à ses suspicions à mesure que sa psyché évolue … mais Cécile Coulon désamorce systématiquement nos reflexes et nos hypothèses influencées par le parcours d'Aimée et la confusion qui l'habite. On est côte à côte avec elle lorsqu'elle prend conscience de son corps et de ses désirs, avec elle lorsqu'elle enquête sur la mystérieuse épouse decédée quelques mois après son mariage. Des secrets sont révélés, pas ceux qu'on imaginait, dans le dernier quart.

J'attendais avec impatience le nouveau roman de Cécile Coulon, une des auteures françaises que j'apprécie le plus. Si cette lecture n'est pas un coup de coeur comme il y a deux ans avec Une Bête au paradis ( il m'a manqué une empreinte émotionnelle puissante ), même s'il porte moins la "patte" Cécile Coulon, je l'ai trouvée pleine de charme et l'ai dévorée en quelques heures. A noter sur la couverture la très belle illustration de Vincent Roché : les branches des arbres encadrant le manoir forme en filigrane le visage d'une femme, invisible au départ, puis vigoureusement présent lorsqu'on l'aperçoit.
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