AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de vibrelivre


Seule en sa demeure
Cécile Coulon
roman
L'Iconoclaste, 2021, 334p


C'est un livre haletant. On veut savoir, on croit savoir, on ne devine rien. Ça fait plaisir. On apprécie le parcours de Cécile Coulon. On avait frémi avec Une Bête au paradis, on sentait que ça venait, le prologue était saisissant et la scène du meurtre inoubliable.
le roman se passe au XIX°, et l'on voit comment les femmes sont éduquées pour devenir des épouses et des mères. Si la rigidité est prégnante quand il s'agit des femmes -et l'on voit la différence entre filles et garçons- la liberté est aussi bien présente : il est des femmes et des hommes qui savent la choisir.
Donc, le huitième roman de Cécile est fort : le lieu est oppressant, le Jura et ses forêts de sapin, qui à la fois écrasent les hommes et élèvent les femmes, la forêt semble tuer ; les personnages marquent : le maître de la demeure, à la fois faible et fort, capable de violence, lui qui se soucie des âmes, la domestique, forte physiquement, qui a servi de mère au maître, le fils de celle-ci, qu'on dit muet, et qui est beau à chavirer les coeurs ; le cousin, un militaire, jaloux du mari de sa cousine, Aimée, la protagoniste du roman, jeune fille qui deviendra femme et qu'un désir impérieux de se soumettre au lieu, submergera un moment, mais pas qu'à un moment,  finalement; la prof. de musique, étonnante, et de l'amour passera entre elle et son élève qu'elle ouvrira au désir ; la demeure, bien sûr, qui recèle nombre de secrets, vers laquelle la forêt avance et qu'elle tient dans son poing. Les noms des personnages arrêtent, le maître Candre, Aimée, la protagoniste, son père Amand et sa mère Josèphe, le fils de la domestique, Angelin, la première femme du maître Aleth comme aléthéia, la vérité. L'écriture est fluide et poétique : « Le soleil poussait doucement l'hiver hors des forêts obscures ; ce cimetière emmailloté de tilleuls ; un gros clou rouillé long comme un doigt de sorcière ; (les montagnes) semblaient sur le point de passer leurs cimes par la fenêtre pour se joindre à la conversation » . La construction est soignée : le roman s'ouvre sur la mort de la mère du maître. C'est le point de départ. Suivent trois parties qui ont toutes pour titre un nom d'organes, coeur, langue, ventre, autrement dit, l'amour et ses variantes, celui qui peine à naître, celui qui est impossible, impensable, celui qui n'est pas dit, l'amour paternel, l'amour maternel, l'amour de Dieu, la langue qui ramène au secret, le ventre d'où sourd le désir et qui parle de fécondité. L'épilogue souligne la pérennité d'un mode de vie dans les profondeurs. La construction s'attarde sur les atmosphères qui ne cessent de troubler la jeune héroïne, le poids des robes, le poids d'un sexe, qu'il soit de cheval ou d'homme, le silence qui étouffe, le recours au sommeil pour oublier la peur, la déception, le danger. Cécile Coulon ouvre de fausses pistes : le maître est un homme de foi, qui ne voit pas le diable chez lui, un mari-curé qui pourrait être un bourreau, un homme qui ne salit pas sa serviette mais qui ne craint pas le sang, qui domestique son épouse ; la maison pourrait être une prison d'où on ne s'évade pas aussi bien qu'un asile qui crée ses propres fous ; Angelin guette Aimée ; à quelle fin? La prof de musique qui trouve sa liberté dans les cours dispensés loin de Genève à une seule élève qui devient jalouse d'Angelin parce qu'il lui enlèverait sa prof. Un chien qui n'aboie pas devant la tombe de sa maîtresse, une tombe qui est vide.
le lecteur court sur ces pistes, et se perd. Cécile Coulon doit être contente. Elle a raison . C'est un très beau roman.
La couverture est franchement bien choisie : elle rappelle l'atmosphère des romans gothiques, et le visage dans le rouge de l'enfer et qui surplombe la demeure, à qui appartient-il ?
Commenter  J’apprécie          130



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}