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Critique de karmax211


L'État russe nazifié qui a envahi l'Ukraine le 24 février dernier, commettant des exactions qu'on n'avait pas revues en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a à sa tête une bande de criminels mafieux, émanant pour la plupart d'entre eux des agences de renseignements ( KGB, FSB, GRU etc ) ou de la pègre.
Depuis l'accession de l'un d'entre eux à la tête du Kremlin... " un homme ordinaire avec des pouvoirs extraordinaires ", cette truanderie étatisée a mis au point, comme le régime stalinien avant elle ou celui hitlérien antérieurement, un système de lavage de cerveaux tel qu'elle est parvenue en réécrivant l'histoire et en martelant sans arrêt un narratif de "citadelle assiégée" à zombifier quelque 140 millions de Russes, faisant d'eux un peuple "d'esclaves" au service d'une clique de gangsters.
Le tout en l'espace d'une génération.
Ces presque 25 ans au cours desquels "la bête immonde poutinienne" a inexorablement tissé sa toile belliciste sur la Fédération de Russie, Galia Ackerman et Stéphane Courtois, l'une et l'autre historiens, nous les passent au crible de thèses, d'analyses, toutes étayées par des faits avérés, prouvés, démontrés, irréfutables, brillamment explicités.
Et pour que leur démonstration soit la plus honnête et la plus exhaustive possible, ils se sont entouré des meilleurs spécialistes contemporains du monde russe ; chacun apportant dans l'écriture d'un ou plusieurs chapitres, sa pierre à l'édifice d'un livre collectif référence.
Parmi ces éminents spécialistes, il y a :
-Antoine Arjakovsky, historien français d'origine ukrainienne.
-Iryna Dmytrychyn, historienne spécialiste de l'Ukraine.
Thorniké Gordadzé, Géorgien diplômé de l'IEP ( Institut d'études politiques de Bordeaux ), chercheur associé au Centre d'études des relations internationales de Sciences-Po."En 2010, il est nommé par le nouveau président géorgien, Mikheil Saakachvili, vice-ministre des Affaires étrangères chargé des relations avec l'UE, puis en 2012 ministre d'État chargé de l'intégration européenne et euro-atlantique,"
- Yves Hamant, agrégé de russe et docteur en sciences politiques.
- Andreï Kozovoï, maître de conférence en langue et littérature russe, habilité à diriger les recherches à l'université de Lille.
- Mykola Riabtchouk,, politologue.
- Nicolas Tenzer, ex-enseignant à Sciences-Po, il est le président fondateur du CERAP ( Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique ).
- Françoise Thom, historienne française, agrégée de russe, spécialiste de la Russie et de l'URSS, maître de conférences titulaire d'une habilitation à diriger les recherches en histoire contemporaine à l'université Paris-Sorbonne.
- Cécile Vaissié, historienne agrégée de russe et spécialiste de l'URSS.
- Maïrbek Vatchagaev, né en Tchétchénie, il est historien et journaliste.
Que du "très beau monde" ( excusez mon prosaïsme ), des experts dans leurs domaines de compétence(s), Des experts triés sur le volet pour nous raconter, nous expliquer – le livre noir de Vladimir Poutine -

Cet essai de 403 pages est structuré par 22 "chapitres", le premier ouvrant le livre s'intitule " Chronique d'une dictature annoncée - Vladimir Poutine, un Homo sovieticus-". Les intervenants nous montrent comment un concours de circonstances historique a porté au pouvoir ce "petit homme" drainant dans son sillage le KGB et un milieu pour le moins interlope, Comment ce qu'ils qualifient de "fuite vers le passé" a posé les fondements du "poutinisme", créant "l'Homo post-sovieticus" grâce à ce qu'ils appellent "l'ingénierie des âmes".
Un mélange décomplexé de réécriture de l'histoire, de culte du chef, de l'homme fort utilisant un langage viril, en l'occurrence l'argot, "marqueur d'un code de vie", pratiquant une politique de déstabilisation et d'agression à l'étranger : Tchétchénie, Géorgie...entre autres, avec pour conséquences une "militarisation des consciences et une préparation à la guerre.
Nous sont expliqués les trois piliers de la politique étrangère russe :
-le recrutement.
-le racket.
- le chantage.
Quels sont "les réseaux de Vladimir Poutine en Occident et quelles sont leurs méthodes.
Un chapitre important est consacré aux "voies et aux moyens de la toute- puissance russe... l'assassinat des peuples".
Sur le plan domestique sont analysés et détaillés " l'écrasement des médias, des ONG et des opposants" ainsi que la "réécriture Orwellienne de l'histoire" par le régime.
Tout cela ayant pour conséquence une société où la verticalité du pouvoir est assurée par un petit tsar chef des oligarques avec comme arme politique la religion orthodoxe, le tout aboutissant à "une société pseudo-conservatrice qui marche à reculons".
Dans ce contexte, le livre se clot sur un chapitre posant la question "où va la Russie ?"

Pour susciter l'intérêt légitime qu'il faudrait porter à ce formidable travail collégial, je vais vous citer trois petits passages très éloquents de ce que cet essai porte à notre connaissance... de façon tout à fait surprenante.

J'ai fait mention précédemment du support indispensable de la religion comme pilier du régime poutinien. Voici un exemple étonnant :
"Pour le soixante-quinzième anniversaire de la Grande Victoire, en 2020, la principale église des Forces armées russe, dotée d'une coupole atteignant cent mètres de hauteur, y fut construite. Ce temple est décrit comme " le symbole spirituel de la Russie qui glorifie la plus grande victoire de la vie sur la mort". Pratique totalement païenne, toutes ses mensurations sont symboliques et font référence aux chiffres les plus importants liés à l'histoire de la "Grande Guerre patriotique": le diamètre du tambour du dôme est de 19,45 mètres – 1945, fin victorieuse de la "Grande Guerre patriotique" ; le diamètre du dôme est de 22 mètres et 43 centimètres, car le 8 mai 1945, à 22h43, l'Allemagne signa l'acte de sa capitulation sans condition ; la hauteur du clocher est de 75 mètres, car l'année 2020 marquait le 75e anniversaire de la fin de la "Grande Guerre patriotique" ; la hauteur du petit dôme est de 14,18 mètres, car la guerre a duré 1418 jours et nuits de combat. Une promenade baptisée "chemin de la Victoire", fait, elle aussi 1418 pas autour de l'église, et les visiteurs peuvent y admirer des "reliques" dont le véritable costume et le couvre-chef de Hitler...

Dans l'endoctrinement des 140 millions "d'esclaves russes" figure en bonne place "le Régiment Immortel".
"Cependant, le plus grand évènement rassembleur de la nation, fêté par les petits et les grands, est la procession du Régiment Immortel. Cette manifestation lancée par trois journalistes de Tomsk, en 2012, avait au début un objectif noble : "Préserver au sein de chaque famille, la mémoire de la génération qui a vécu la "Grande Guerre patriotique". Les habitants de Tomsk furent donc invités à défiler, le jour de la Victoire fêté le 9 mai, avec des photos de leurs ancêtres ayant participé à la guerre. C'est le nom de la manifestation qui marqua la différence avec d'autres initiatives : les ancêtres acquéraient tous, ainsi, le statut d'immortels, d'où l'enthousiasme des médias, régionaux et nationaux, qui rendit ce mouvement immédiatement populaire. Rapidement, le Kremlin et ses affidés s'approprièrent ce défilé à la fois solennel et festif. Outre des raisons idéologiques, il s'agissait d'une manne monétaire dont le Kremlin arrosait une multitude d'associations patriotiques ainsi que les autorités locales et régionales. En 2015, le Régiment Immortel fut inclus dans le programme panrusse des célébrations du soixante-dixième anniversaire de la Victoire et défila donc, pour la première fois dans les rues de Moscou et sur la place Rouge, après le défilé militaire. Près d'un demi-million de personnes y participèrent, avec Vladimir Poutine en tête, qui brandissait le portrait de son père."

Enfin, je ne saurais terminer la présentation de ce livre sans évoquer les enfants et la jeunesse russe embrigadée dans le tourbillon de la propagande poutinienne.
J'ai le triste souvenir de ma petite-nièce moscovite m'ayant envoyé fièrement un bout de la vidéo dans laquelle elle arbore uniforme et autres colifichets de la propagande et heureuse de chanter à la gloire de l'"Oncle Vova"...
"Jusqu'à quand le peuple russe vivra-t-il dans ce palais de glaces déformantes ? En 2017, une chanson chantée par une chorale d'enfants devant Mamaïev Kourgan, le plus grand mémorial de la Deuxième Guerre mondiale au monde, qui se trouve au centre de Volgograd (l'ex-Stalingrad) a remporté un triomphe sur l'Internet russe et continue d'y circuler. Son titre ?"Oncle Vova". C'est ainsi que les enfants russes appellent les aînés du cercle familial ou amical : "oncle" ou "tante", plus le diminutif du prénom. Vova est le diminutif de Vladimir. Les enfants et les ados, garçons et filles, affublés d'uniformes militaires, portent en quelque sorte le serment de fidélité à l'"Oncle Vova" pour lequel ils sont prêts à mourir.

"Depuis les mers nordiques jusqu'aux limites méridionales,
Depuis les îles Kouriles jusqu'aux côtes baltiques, tout est à nous.
On aimerait que ces terres soient en paix, mais si le commandant en chef
Nous appelle au dernier combat, oncle Vova, nous sommes avec toi !"

Impressionnant, terrifiant, consternant !

Un ouvrage qui montre l'envers du décor de cette Russie Potemkine et ses 140 millions d'esclaves marchant au pas derrière un Docteur Folamour et sa garde prétorienne de voyous corrompus jusqu'à la moelle.

Qui veut comprendre la Russie de Poutine ne peut pas ne pas lire ce travail fantastique de Galia Ackerman, Stéphane Courtois et leurs collaborateurs.

Un livre référence. Un livre indispensable !
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