Rencontre avec Stephane Courtois vous présente son ouvrage "Le livre noir de Vladimir Poutine" aux éditions Robert Laffont et Perrin. Entretien avec Christophe Lucet.
En partenariat avec La maison de l'Europe de Bordeaux.
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L'objectif principal du mouvement totalitaire est la conquête et la transformation de la société, à savoir la subordination, l'intégration et l'homogénéisation des gouvernés sur la base du principe du primat de la politique sur tout autre aspect de l'existence humaine. Celle-ci est interprétée selon les catégories, les mythes et les valeurs d'une idéologie palingénésique, dogmatisée sous la forme d'une religion politique, qui entend modeler l'individu et les masses à travers une révolution anthropologique, pour créer un nouveau type d'être humain, uniquement voué à la réalisation des projets révolutionnaires et impérialistes du parti totalitaire. À terme, il s'agit de fonder une nouvelle civilisation de caractère supranational et expansionniste.
(P. S. : cette définition du régime totalitaire me semble convenir parfaitement dans les faits aux objectifs de certaines grandes religions monothéistes, hier ou aujourd'hui, que vous reconnaîtrez sans peine.)
Part, État et monarchie dans l'expérience totalitaire fasciste - Emilo Gentile.

Ma chère petite maman,
Quand tu liras cette lettre, je suis sure qu'elle te feras une peine extrême,
mais je serais mort depuis une certain temps et tu seras consolée par mon frère qui vivra heureux avec toi et te donneras toute la joie que j'aurais voulu te donner.
Excuse moi de na pas t'écrire plus longuement mais nous sommes tous tellement joyeux que cela m'est impossible quand je pense à la peine que tu auras.
Je ne puis te dire qu'une chose c'est que je t'aime plus que tout au monde et que j'aurais voulu vivre rien que pour toi.
Je t'aime, je t'embrasse mais les mots ne peuvent dépeindre ce que je ressens.
Ton Marcel qui t'adore et qui penseras à toi à la dernière minute.
Je t'adore et vive la vie.
Marcel
Mon cher Simon, je compte sur toi pour faire tout ce que je ne peux faire moi-même.
Je t'embrasse, je t'adore, vis heureux avec Maman heureuse comme j'aurais voulu le faire si j'avais vécu. Vive la vie belle et joyeuse comme vous l'aurez tous.
Marcel
j'aime tout le monde et vive la vie.
Que tout le monde vive heureux.
Marcel
Maman et Simon, je vous aime et voudrais vous revoir.
Marcel
Vous remettrez les quelques mots suivants à maman et Simon s'ils reviennent un jour de déportation comme je l'espère, demande t'il à son oncle.
Le 21 Février 1944, 22 hommes dont Marcel Rayman ( 20 ans ) sont exécutés au Mont-Valérien.
Seul son frère rentrera. Sa mère ne lut jamais cette lettre
" La conquête de la France, la substitution plus ou moins rapide mais continu d'un nouveau peuple au vieux peuple de France sur cette terre de merveille.
Ce seront de nouveaux bohémiens dans nos murailles et de nouveaux microbes pathogènes politiques, sociaux et moraux."
Charles Maurras, Octobre 1928
Au début de 1943, Joseph Epstein rédige un testament.
" Je me sers de faux papiers et il est possible que, si je suis tué ou fusillé, l'acte de décès sera dressé à ce nom..."
Les témoignages fournis par les rares survivants et par les policiers résistants convergent : Epstein a été littéralement " massacré " par les inspecteurs français des brigades spéciales, mais il n'a pas lâché un nom.
Il n'a même pas livré sa véritable identité.

[...] ... L'occultation de la dimension criminelle du communisme renvoie, cependant, à trois raisons spécifiques. La première tient à l'attachement à l'idée même de révolution. Aujourd'hui encore, le travail de deuil de l'idée de révolution, telle qu'elle fut envisagée au XIXème et au XXème siècles, est loin d'être achevé. Ses symboles - drapeau rouge, Internationale, poing levé - resurgissent lors de chaque mouvement social d'envergure. Che Guevara redevient à la mode. Des groupes ouvertement révolutionnaires sont actifs et s'expriment en toute légalité, traitant par le mépris la moindre réflexion critique sur les crimes de leurs prédécesseurs et n'hésitant pas à réitérer les vieux discours justificateurs de Lénine, de Trotski ou de Mao. Cette passion révolutionnaire n'a pas été seulement celle des autres. Plusieurs des auteurs de ce livre ont eux-mêmes cru, un temps, à la propagande communiste.
La deuxième raison tient à la participation des Soviétiques à la victoire sur le nazisme, qui a permis aux communistes de masquer sous un patriotisme ardent leurs fins dernières qui visaient à la prise du pouvoir. A partir de juin 1941, les communistes de l'ensemble des pays occupés sont entrés dans une résistance active - et souvent armée - à l'occupant nazi ou italien. Comme les résistants des autres obédiences, ils ont payé le prix de la répression, ont eu des milliers de fusillés, de massacrés, de déportés. (...)
L'antifascisme est devenu, pour le communisme, un label définitif et il lui a été facile, au nom de l'antifascisme, de faire taire les récalcitrants. (...) Furent ainsi prestement escamotés les épisodes gênants au regard des valeurs démocratiques, comme les pactes germano-soviétiques de 1939 ou le massacre de Katyn. (...)
La dernière raison de l'occultation est plus subtile, et aussi plus délicate à exprimer. Après 1945, le génocide des Juifs est apparu comme le paradigme de la barbarie moderne, jusqu'à occuper tout l'espace réservé à la pe
Les faits sont pourtant têtus et montrent que les régimes communistes ont commis des crimes concernant environ cent millions de personnes, contre environ 25 millions de personnes au nazisme. Ce simple constat doit au moins inciter à une réflexion comparative sur la similitude entre le régime qui fut considéré à partir de 1945 comme le régime le plus criminel du siècle, et un système communiste qui a conservé, jusqu'en 1991, toute sa légitimité internationale et qui, jusqu'à aujourd'hui, est au pouvoir dans certains pays et garde des adeptes dans le monde entier.
Le fichage, préconisé par Lénine dès 1917, est général et répond à la nécessité de tout régime totalitaire de préserver ses monopoles politique et idéologique. Toute personne qui émet une critique, voire un simple doute ou une moquerie, sur le parti unique et ses dirigeants, ou qui manifeste des idées divergentes de l'orthodoxie marxiste-léniniste - ou maoïste, ou castriste... -, ou encore qui n'est pas issue d'une "bonne origine de classe" - enfants d'aristocrates, de "bourgeois", de "koulaks" - a droit à l'ouverture d'un dossier.
(Page 200)

Car, on l'oublie trop, Staline était un authentique bolchevique élevé à l'école du léninisme. Révolutionnaire professionnel dès 1900, à l'âge de 22 ans, il rencontra Lénine en 1905. Dès 1907, il s'occupa d'organiser des hold-up pour alimenter les caisses du Parti bolchevique, ce qui le faisait qualifier de "merveilleux Géorgien" par le chef du parti qui, en 1912, le coopta au Comité central, alors composé de treize membres.
Au printemps 1917, il fut élu en troisième position au Comité central ; et en juillet-août 1917, alors que Lénine avait à nouveau plongé dans la clandestinité et que Trotski n'avait pas encore rejoint les bolcheviks, Staline fut presque seul à diriger le parti ; il eut dès ce moment un rôle capital dans l'appareil.
En 1919, il était l'un des cinq membres du Politburo, seul à être également membre du Bureau d'organisation ; en 1922 il fut nommé secrétaire général du Comité central, c'est-à-dire chef de l'appareil d'un parti qui s'était emparé de l'un des plus puissants Etats du monde et qui se transformait rapidement en parti-Etat.
Staline n'était donc pas l'obscur apparatchik décrit par Trotski, mais l'un des collaborateurs directs de Lénine et parmi les plus appréciés pour son soutien sans faille au leader, son sens de la discipline, son sang-froid et sa fermeté de caractère exceptionnels, sa détermination et son absence totale de scrupules et de pitié dans l'action qui furent des atouts majeurs lors de la guerre civile de 1918-1922.
(Page 157)

Le principal historien italien de la question, Emilio Gentile, a élaboré une définition plus complète :
"[...] Le phénomène totalitaire peut être défini comme une forme nouvelle, inédite d'expérience de domination politique mise en oeuvre par un mouvement révolutionnaire, qui professe une conception intégriste de la politique, qui lutte pour conquérir le monopole du pouvoir et qui, après l'avoir conquis, par des voies légales ou illégales, dirige ou transforme le régime préexistant et construit un Etat nouveau, fondé sur le régime à parti unique et sur un système policier et terroriste comme instrument de la révolution permanente contre les "ennemis intérieurs". L'objectif principal du mouvement totalitaire est la conquête et la transformation de la société, à savoir la subordination, l'intégration et l'homogénéisation des gouvernés sur la base du principe du primat de la politique sur tout autre aspect de l'existence humaine. Celle-ci est interprétée selon les catégories, les mythes et les valeurs d'une idéologie palingénésique, dogmatisée sous la forme d'une religion politique, qui entend modeler l'individu et les masses à travers une révolution anthropologique, pour créer un nouveau type d'être humain, uniquement voué à la réalisation des projets révolutionnaires et impérialistes du parti totalitaire. A terme, il s'agit de fonder une nouvelle civilisation de caractère supra national et expansionniste".
(Page 52)

Ainsi, le 26 novembre 1944, de Gaulle atterrit en URSS et conclut un traité d'amitié qui lui permet d'espérer à la fois rentrer dans le jeu européen et modérer les ardeurs communistes sur le plan intérieur. La contrepartie est, moralement coûteuse : la France est le premier pays à reconnaître de fait le gouvernement communiste en Pologne, ce pays pour lequel elle était entrée en guerre en 1939.
Simultanément, Maurice Thorez atterrit à Paris le 27 novembre. Or, le 19, il a été reçu au Kremlin par Staline, en présence de Molotov et de Beria. Le secrétaire général du PCF est alors dans une situation d'insigne faiblesse, résultat de son itinéraire depuis le pacte germano-soviétique du 23 août 1939. Fin septembre 1939, Thorez a entériné la nouvelle ligne du Komintern qui estimait que la guerre était une guerre "impérialiste" dans laquelle les communistes n'avaient pas à prendre position et devaient combattre leur propre gouvernement. Début octobre, il a déserté son régiment pour s'enfuir clandestinement en URSS. Le 28 novembre 1939, il a été condamné par un tribunal militaire à six ans de prison et, le 21 février 1940, il a été déchu de la nationalité française. A l'été 1941, en dépit de l'entrée en guerre de l'URSS et de l'adoption par le PCF d'une politique antinazie et patriotique, le général de Gaulle a refusé tout ralliement de Thorez à Londres. A Moscou même, Thorez vivait clandestinement sous le nom d'Ivanov et était tenu relativement à l'écart des affaires françaises, surtout quand, à l'hiver 1941, les services du Komintern durent quitter Moscou pour se réfugier en Asie centrale à Oufa. Ce n'est qu'au début de 1944 qu'il retrouva une certaine audience, mais très limitée, à Moscou. L'entretien que lui accorde Staline le 19 novembre 1944 est donc le signe du retour en grâce.
Cet entretien au sommet, qui a duré une heure trois quarts, concerne la politique du PCF et son articulation avec la politique soviétique. D'emblée, Staline critique durement le PCF : "Il lui semble que les communistes [français] n'ont pas encore compris que la situation a changé en France. Les communistes n'en tiennent aucun compte et continuent à suivre l'ancienne ligne alors que la situation a changé. [...] La situation est différente, ,nouvelle, favorable à de Gaulle. La situation a changé et il faut opérer un tournant. Le PC n'est pas assez fort pour pouvoir frapper le gouvernement à la tête. Il doit accumuler des forces et chercher des alliés. Il faut prendre des mesures afin que, en cas d'attaque de la réaction, les communistes puissent avoir une défense solide [...]. Si la situation change en mieux, alors les forces soudées autour du parti le serviront pour l'attaque". Et il ajoute : "Il faut créer des forces déterminées groupées autour du PC pour la défense et , quand la situation changera, pour l'attaque".
Staline donne des directives précises : éviter à tout prix de s'isoler, chercher des alliés chez les radicaux et même chez les socialistes, apparaître comme un mouvement large, camoufler si nécessaire son drapeau. Surtout, il ordonne à Thorez de mettre fin aux groupements armés communistes, de "les transformer en une autre organisation, en une organisation politique, et il faut cacher les armes". "Cacher" les armes, et non pas les rendre aux autorités.
Toutes ces réflexions de Staline montrent bien que le politique du PCF dans les mois de la Libération était bien d'attaquer le gouvernement du général de Gaulle en s'appuyant sur un rapport de force politique et militaire, le fait que les communistes aient été fortement armés étant un élément important du rapport des forces. En proposant un "tournant" - le mot est de lui -, Staline définit a contrario la politique antérieure. Et c'est bien lui qui propose - et donc impose - une nouvelle ligne que Thorez se contente d'entériner.
(Pages 204 et 205)