AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de wellibus2


Le premier numéro de Maintenant paraît en avril 1912 [2]. Cravan, qui rédige seul sa revue, la vend dans une voiture des quatre saisons à la sortie de l'hippodrome Gaumont, place Clichy, et dans toutes les rues de Paris. «Cravan», pourquoi ce pseudonyme ? Il s'agit sans doute d'un rappel du village de Cravans, en Charente-Maritime, où il est allé pour un baptême avec son amie Renée, s'amusant au passage à tirer les cloches de l'église. On peut aussi entendre « caravane » et le mot anglais cravan, lâche, abject. Arthur, c'est bien entendu Rimbaud, la Table ronde, et le Lord Arthur Savile d'Oscar Wilde.

Le n° 2 de Maintenant.
Le morceau d'anthologie du deuxième numéro est le récit d'une visite à André Gide. Bien entendu, il s'agit de venger Wilde, mort dans la misère, en démontrant qu'il peut y avoir une homosexualité officielle, rangée, rentable, nobélisable, et que, donc, la question n'est pas là. L'ironie de Cravan, dans ces quelques pages, est dévastatrice. Il souligne la radinerie de Gide, l'absence de goût de sa maison, son manque d'humour, sa parcimonie protestante, son défaut d'oreille métaphysique, son apparence mécanique et chétive. Gide, lui, a dû penser qu'il avait affaire à un fou. Que répondre à un grand type de vingt-cinq ans pesant cent kilos qui vous dit tout à coup : « La grande Rigolade est dans l'Absolu » ? Que murmurer, sinon l'heure qu'il est (six heures moins le quart), à un énergumène qui d'une voix très fatiguée vous demande : « Monsieur Gide, où en sommes-nous avec le temps ? » le malentendu est hilarant et total. « La marche de M. Gide, écrit Cravan, trahit le prosateur qui ne pourra jamais faire un vers. » Voilà de l'excellente critique littéraire [3].

Dans Maintenant, Cravan donne quelques descriptions tendues et caustiques de son oncle Wilde, il se moque de lui tendrement [4]. Sa violence éclate surtout contre les peintres du Salon des Indépendants. Il sent venir une époque (la nôtre) où les écrivains et les artistes pulluleront pour mieux annuler la chose dont il devrait être question : « Dans la rue, on ne verra bientôt plus que des artistes et l'on aura toutes les peines du monde à y découvrir un homme. » Les insultes dont il couvre les participants du Salon le feront poursuivre en diffamation. Dans ses réponses, il va signer : « Arthur Cravan, chevalier d'industrie, marin sur le Pacifique, muletier, cueilleur d'oranges en Californie, charmeur de serpents, rat d'hôtel, neveu d'Oscar Wilde, bûcheron dans les forêts géantes, ex-champion de France de boxe, petit-fils du Chancelier de la Reine, chauffeur d'automobile à Berlin, cambrioleur, etc., etc. [5] » On imagine la stupeur du milieu. Décidément, il ne veut pas « se civiliser », il ne joue pas le jeu, il cogne. Un rire salubre l'accompagne, et on l'entend mieux aujourd'hui.

http://www.pileface.com
Commenter  J’apprécie          101



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}