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Critique de Aline1102


C'est une très bonne analyse de ces deux meurtres plus que sordides que nous offre l'une des reines du crime britannique.

P.D. James commence par nous parler du quartier de l'Est londonien où les drames ont eu lieu. Elle en détaille la géographie et explique en quoi celle-ci a permis aux meurtriers de passer inaperçus: petites rues sombres, foule se baladant jusque tard dans la nuit et dans laquelle il est facile de se fondre, proximité du port où l'incessant ballet des navires permet aux personnages les plus suspects de disparaître pour quelque temps en s'engageant comme membre d'équipage.

Cette descripiton donne tout de suite le ton de l'ouvrage: on ressent ce quartier comme un endroit peu sûr et mal fréquenté, d'autant plus qu'à l'époque, aucune police officielle n'est là pour veiller sur la tranquillité de ses habitants. Seuls de vieux veilleurs participant au guet organisé à l'époque parcourent les rues d'heure en heure.

Le sous-titre de l'ouvrage, Une enquête historico-policière, est donc bien adapté, puisque P.D. James se lance dans une véritable histoire des forces publiques et du système judiciaire du début du XIXe siècle. C'est ainsi que l'auteure nous explique qu'au manque de police organisée s'ajoute l'absence de magistrats professionnels. En 1811, les magistrats sont des poètes, des écrivains ou autres, qui siègent comme juges lorsqu'on a besoin de leurs services. Mais ces malheureux sont bien incapables de remplir une charge aussi importante et difficile...

Ce manque de professionnalisme des enquêteurs, ajouté à l'ambiance relativement glauque de l'East End de 1811 fait froid dans le dos, car on se rend compte qu'il ne faisait pas bon être victime d'une agression quelconque dans le coin, personne n'étant capable de retrouver l'agresseur.

L'amateurisme des responsables de la sécurité du quartier explique l'absence de solution satisfaisante aux meurtres de Marr et des Williamson, les deux familles massacrées dans leurs commerces en décembre 1811, à quelques jours d'intervalles. Les magistrats hésitent, réfléchissent, arrêtent des suspects qu'ils finissent par libérer, n'analysent pas suffisamment le peu d'éléments de preuve à leur disposition, évitent de creuser les témoignages de personnes qui semblent leur cacher des informations essentielles... Jusqu'au jour où ils finissent tout de même par arrêter un certain John Williams, qui finira pendu dans sa cellule avant d'être jugé...

Selon P.D James et Critchley, Williams n'était même pas coupable du meurtre de ces deux familles; bien au contraire, puisque de nombreuses preuves et quelques témoignages, s'ils avaient été analysés avec plus de pertinence, auraient prouvé l'innocence de cet homme. Et les auteurs de l'ouvrage vont même plus loin en affirmant que Williams ne s'est pas suicidé: d'après P.D. James, le présumé coupable aurait été pendu par quelqu'un ayant peur d'être dénoncé... Cette accusation est d'ailleurs très sérieuse, puisqu'elle suppose une complicité du gardien de la cellule de Williams; et cela ne fait qu'ajouter au sentiment de malaise que l'on ressent à la lecture des détails de l'enquête. Les documents utilisés par les auteurs donnent l'impression d'une énorme machination, comme si les magistrats subissant la pression de la fureur populaire, avaient absolument voulu trouvé un coupable, quitte à accuser le premier venu. En somme, entre le massacre des deux familles et l'accusation d'un innocent, c'est presque comme si les habitants de l'East End, quartier défavorisé, pouvaient être considérés comme des éléments négligeables de la vie londonienne, dont la ville et ses responsables pouvaient très bien se passer... Effrayant!
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